Ne vous y trompez pas. Sur la couverture, il est indiqué qu'il s'agit d'une aventure de Spirou, on parle de Fantasio dans le titre, mais le personnage central de l'histoire, c'est Seccotine, un des premiers personnages féminins majeurs de la BD, créée par Franquin en 1953. Le meilleur prétexte pour se plonger dans cette nouvelle aventure du groom belge.
De quoi ça parle ?
Après soixante ans de vie commune avec Spirou, enfin, sous le même toit, Fantasio quitte le nid pour s'installer avec sa fiancée, Clothilde Gallantine, fille d'une papesse de la mode (qui ressemble furieusement à Anna Wintour). Seccotine s'installe dans la place, après avoir dû lutter contre les réticences d'un Spirou aux manières de boy-scout des années 1950.
- Cela ne va pas être possible Seccotine
- Ah bon ? Et pourquoi donc ?
- Eh bien... tu es une fille !
- Et alors ? Qu'est-ce que ça peut bien faire ?
La trame policière de l'album - une histoire de bijou magique qui donne la jeunesse éternelle dispersé dans Bruxelles pendant la Seconde guerre mondiale et convoitée par une mystérieuse voleuse - n'est qu'un prétexte pour plonger Spirou dans le XXIe siècle et lui faire découvrir la gent féminine. Une façon de décrisper le groom le plus célèbre de la BD, œuvre entamée par petites touches par Jean-Claude Fournier dans les années 1970, mais sans tomber dans les clichés où d'autre géants du neuvième art se sont précipités, comme le calamiteux La fiancée de Lucky Luke et sa vision on va dire réductrice des femmes ou l'anti-féministe La rose et le glaive chez Astérix.
Pourquoi on adore
Benoît Feroumont s'est fait un nom dans la BD avec sa série jeunesse très réussie Le Royaume. Il poursuit sur les mêmes bases dans ce one-shot de Spirou, en écornant gentiment le personnage - que Seccotine surnomme à juste titre "Monsieur Vintage". Dans Fantasio se marie comme dans Le Royaume, on retrouve un dessin ultra-dynamique (sans doute lié au fait qu'il fait également de l'animation), un scénario aux multiples rebondissements et des personnages féminins qui mènent pas le bout du nez des héros pas toujours très futés - mention spéciale à Fantasio, qui passe tout l'album à se faire jeter par Spirou au téléphone.
Cette histoire a toute sa place dans la série des one-shots qui développent l'univers de Spirou au-delà de la série-mère, dans des formats plus longs que le sacro-saint-44-planches-couleur. Après les albums consacrés au passé du héros (mention spéciale au formidable Journal d'un Ingénu), d'autres le revisitant graphiquement (Les géants pétrifiés, Panique en Atlantique) ou son rapport à la célébrité (La grosse tête), envie de lire une nouvelle aventure de Spirou et Seccotine. La couverture initiale de l'album, finalement modifiée, annonçait plus la couleur.
C'est pour vous si...
Comme pratiquement tous les albums qui ont suivi ceux de l'intouchable Franquin, la réception publique de ce Fantasio se marie a été mitigée. Si vous n'êtes pas un ayatollah du père de Gaston Lagaffe, que vous tolérez qu'on invente une famille collabo à Spirou le temps d'un album, et si un album à la dominante rose ne vous arrache pas les yeux, vous devriez passer un agréable moment.
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Fantasio se marie de Benoît Feroumont, éd. Dupuis, 68 p., environ 14 euros.