La BD de la semaine : "Karma City", SF, polar et western à la fois

Karma City, c'est d'abord un pavé de 176 pages format comics – pardon, on dit "roman graphique" dans les salons – signé Pierre-Yves Gabrion, à qui l'on doit le remarquable L'Homme de Java dans les années 1990. L'auteur parvient à réunir trois genres dans une BD formidable qui se dévore d'une traite.

L'anticipation, d'abord

Karma City, c'est d'abord une société où chaque personne vit avec une montre karmique accrochée au poignet. Pour peu que votre karma bascule dans le négatif – et ça peut ne pas se jouer à grand chose, comme punir injustement ses enfants au petit déjeuner –, l'accès à certaines parties de la cité vous sera interdit. Cette toile de fond SF ne doit surtout pas dérouter le lecteur allergique aux extra-terrestres : pas de petits hommes verts à l'horizon, les véhicules ou les habitudes des habitants de la ville rappellent notre bon vieux XXIe siècle, on fume toujours et on boit encore du soda en canette.

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Le polar, ensuite

Toute cité utopique qu'elle soit, Karma City abrite encore une police chargée de résoudre les délits, les crimes et les homicides. L'auteur s'appuie sur un trio rodé, composé d'un vieux de la vieille qui s'affranchit gaiement de la procédure, d'un boute-en-train maladroit et lourdaud, et d'une jeune inspectrice un peu bleue qui débarque au milieu du duo. Un schéma éprouvé dans des centaines de films ou de romans policiers, et qui fonctionne encore très bien. Pour l'originalité, on s'attardera sur l'intrigue : un banal accident de la route où est envoyé le trio, qui s'avère être la partie émergée d'une affaire bien plus compliquée qu'il n'y paraît. Evoquons aussi les montres karmiques, pas si fiables qu'il n'y paraît pour qui connaît le bon faussaire, et auxquelles s'attaque une mystérieuse société secrète...

Le western, enfin

Car l'enquête des trois policiers ne se limite pas aux quartiers bétonnés de la cité. Une grande partie de l'histoire se déroule dans le désert, "la zone grise" comme l'appellent les citadins, là où les hommes sont rudes et les lois non-écrites le sont encore plus. "Ici, les gars sont simples, les filles trop intelligentes, ça les rend nerveux", justifie l'un des mineurs d'ambre fossile. C'est dans ces décors que Pierre-Yves Gabrion éblouit par la maestria de son trait et de son usage des couleurs. De minéral, l'album en devient presque poussiéreux quand les pneus du 4x4 des policiers crissent sur le sable du désert...

Karma City, c'est surtout une histoire solide, des dialogues ciselés, un dessin maîtrisé et d'alléchantes promesses dont on espère qu'elles se concrétiseront lors du tome 2, qui clôturera la série.

Karma City, tome 1 de Pierre-Yves Gabrion, éd. Dupuis, 176 p., environ 20 euros. Les six premiers chapitres sont disponibles sur le mini-site de la série.

 

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