La BD de la semaine : "Berlin", un pavé monumental (dans tous les sens du terme)

Cela faisait plus de 20 ans que les amateurs de la série attendaient ça. Près de dix ans après le tome 2, Jason Lutes libère enfin ses lecteurs français avec la conclusion de sa saga berlinoise. Peut-être, heureux internaute, découvrez-vous l'existence de cette série grâce à cet article. Petit(e) veinard(e), vous allez pouvoir tout lire d'un coup. On vous promet, mieux que ça, on vous garantit 550 pages de bonheur.

Ça parle de quoi ?

1928. Un compartiment de train, qui file vers Berlin à toute vapeur. A l'intérieur, Martha Müller, une trentenaire qui veut monter à la capitale, effectuer des études d'art. En face d'elle, un journaliste d'âge mûr, Kurt Severing, le genre fataliste qui lui dépeint en quelque mots la tournure politique que prennent les choses dans la capitale. Ces deux héros, nous n'allons plus les quitter au cours des cinq années (et des cinq centaines de pages qui suivent). Ils vont traverser, autant acteurs que spectateurs, des bouleversements d'une époque troublée. La ville de Berlin, dépeinte en quelques traits précis, jamais superflus dans la ligne claire de Jason Lutes, constitue un personnage à part entière de l'œuvre.

Pourquoi on adore

"Encore une BD sur le nazisme !" Mais si, on a entendu votre petite voix intérieure qui frôle l'overdose des récits sur l'ascension d'Hitler au pouvoir. C'est vrai, on fait plus qu'apercevoir le dictateur en herbe dans les 500 pages de Jason Lutes, mais réduire son Berlin à ça serait franchement réducteur. C'est le portrait d'une ville fascinante que brosse, par petites touches et avec un rythme lent soigneusement étudié l'auteur américain. On pourrait presque parler d'une BD impressionniste tant elle se bâtit lentement, case par case, toujours en ligne claire qui ne souffre d'aucune dérogation. Oubliez vos craintes d'un classicisme poussiéreux, Lutes surprend de temps à autre son lecteur par des trouvailles de découpage - malgré le carcan qu'il est lui-même imposé. La conclusion de cette histoire marque un tournant important de l'histoire des comics hors super-héros. Vous auriez tort de le manquer.

C'est pour vous si...

... Vous aimez vous installer dans un fauteuil club, avec une bonne boisson (pas forcément alcoolisée, hein), quand les enfants sont couchés, avec la nuit devant vous pour dévorer une œuvre totale qui gagne à se lire d'une traite. Et ensuite, vous récidiverez avec l'autre bouquin-somme du même genre parvenu à sa conclusion après 20 ans de gestation, Clyde Fans, l'histoire d'une société familiale de fabrique de ventilateurs dans une bourgade canadienne, par le formidable Seth. Mais nous en reparlerons quand celui-ci sera sorti en français 🙂

Berlin, tome 3 : Ville de lumière par Jason Lutes, éd. Delcourt, 172 p. , 20 euros. Les trois albums sont regroupés dans un coffret proposé à 60 euros.