Comme dans le célèbre drame de Tchekhov, c'est une fratrie exclusivement féminine qui est au cœur du récit dans Kamakura Diary, le dernier manga de la Japonaise Akimi Yoshida. Une histoire de famille rythmée par les émois amoureux et les tensions entre quatre jeunes sœurs qui habitent sous le même toit. Avec la parution du neuvième et dernier tome aux éditions Kana, Pop Up' revient sur cette indispensable chronique tendre et sincère.
Ça parle de quoi ?
Depuis la mort de leur grand-mère, les sœurs Kôda vivent seules dans la maison familiale qui les a vues grandir à Kamakura, célèbre petite station balnéaire japonaise située à 1h de Tokyo. Lors des funérailles de leur père volatilisé depuis 15 ans, elles font la connaissance de Suzu, 13 ans, leur demie-sœur, désormais orpheline, qu'elles n'avaient jamais rencontrée. A l'issue de la cérémonie, elles proposent à la jeune fille de venir s'installer avec elles. Réunies sous le même toit, les quatre jeunes femmes vont apprendre à se connaître et partager ensemble les joies et les peines du quotidien.
Pourquoi on adore
Parce que c’est un manga où il ne se passe rien de sensationnel, et que c’est justement cela qui le rend passionnant. Dans Kamakura Diary, on tombe amoureux, on s’engueule, on est gauche avec ses sentiments, on contourne habilement les tensions familiales, bref, on vit au quotidien, le plus banalement du monde. "Tranche de vie", c’est d’ailleurs comme cela que l’on nomme ce genre de manga si populaire au Japon et dans lequel la mangaka Akimi Yoshida montre toute l’étendue de son talent.
Dès le premier tome, elle met en place une galerie de personnages auxquels on s'attache immédiatement. Des personnalités affirmées et détaillées qui donnent à cette famille dysfonctionnelle un air familier. Entre Sachi, l’aînée, infirmière trop sérieuse qui vit une relation adultérine avec un pédiatre de l’hôpital où elle travaille, Yoshino qui multiplie les conquêtes et les gueules de bois, Chika, la benjamine de 19 ans, amoureuse de Yamada, le patron de la boutique de sports où elle travaille, et enfin Suzu, la petite dernière qui entre dans l’adolescence après avoir perdu ses deux parents, cette fraternité protéiforme nous rappelle forcément quelqu’un que l’on connaît, à moins que l’on se reconnaisse soi-même dans certains comportements symptomatiques. Grâce à la justesse de ses descriptions couplées à son trait fin et gracieux, Akimi Yoshida parvient à donner de l’intérêt à tous les petits riens qui rythment notre existence.
Onze ans après ses débuts, la parution de Kamakura Diary se termine donc avec ce neuvième volume (la série a débutée au Japon en 2007 et est publiée en France aux éditions Kana depuis 2013). Mais la mangaka de 73 ans ne compte pas partir à la retraite pour autant. Déjà lauréate par trois fois du prix Shôgakukan (un des plus importants prix récompensant un manga au Japon) dans la catégorie Shôjo, Akimi Yoshida vient de débuter Utagawa Hyakkei, sorte de spin-off de Kamakura Diary qui s'intéresse, selon Manga News à Kazuki, le demi-frère de Suzu. En France, on devra encore patienter un peu avant d'espérer la découvrir. Quant à son autre série publiée en français, Banana Fish, un polar queer qui a considérablement marqué la fin des années 80, il est malheureusement épuisé (coucou les éditions Panini), mais il existe depuis peu une version anime disponible en France sur Prime Video. En résumé, Kamakura Diary est toujours la seule œuvre de cette incontournable mangaka à être disponible en intégralité en France. Rien que pour cela, elle mérite toute notre attention.
C’est pour vous si…
… vous aimez les gens, avec leurs défauts et leurs qualités. Même ceux de votre famille, parfois plus compliqués à comprendre que d’illustres inconnus. Notez également que Kamakura Diary a été adapté en film (sous le titre Notre petite sœur) par Hirokazu Kore-eda, le réalisateur japonais lauréat de la Palme d'or à Cannes en 2018 pour Une affaire de famille.
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Kamakura Diary par Akimi Yoshida, série terminée en neuf tomes aux éd. Kana, environ 200 p. et 7 euros le tome.
Tous les visuels de cet article sont crédités Umimachi Diary © 2007 Akimi Yoshida / Shôgakukan.