"Carbone", "Immersion"... Boum ! La pop culture réanime la presse magazine

La presse magazine se porte mal ? Qu'importe. Elle n'a jamais été aussi inventive et prolifique pour les fous de pop culture que ces derniers mois. Après Otomo et Atom - orientés vers le Japon -, voici que débarquent Immersion et Carbone. Pop Up' fait le point sur ces nouveaux acteurs de la presse magazine qui veulent parler de jeux vidéo ou de mangas avec de belles ambitions.

"Otomo"

otomo

La baseline : "Ramen, Kaiju et Pop Culture". Un fourre-tout assumé.

Ça parle de quoi ? : De culture pop japonaise. Lancé par l’équipe de joyeux drilles de Rockyrama, Otomo veut : "entrer dans les entrailles de ce qui a construit, d’hier à aujourd’hui, la culture pop nippone". Lancé à l’été 2016, le magazine, disponible en ligne ou en librairies spécialisées ne parait qu’une fois par an et ne compte donc pour le moment que deux parutions.

Ça vaut le coup ? : Interview de Leiji Matsumoto, le légendaire créateur d’Albator, récit sur l’impact culturel du manga Ashita No Joe dans les années 70, explication de l’impact des attaques nucléaires de Nagasaki et Hiroshima dans la culture japonaise, portrait de Takeshi Kitano et quelques personnages de tokisatsu comme Spectreman composaient le premier numéro d’Otomo. Le second met à l’honneur le plus célèbre des kaiju (les monstres japonais), Godzilla, le génial mangaka Kazuo Kamimura mais également le réalisateur d’animés culte, Satoshi Kon. Des papiers relativement courts, intéressants, mais pas toujours très lisibles en raison d'une maquette ultra colorée.

Ceux qui connaissent déjà Rockyrama ne seront pas surpris par l’iconographie vintage très réussie, garantie sans publicité hormis les très chouettes reproductions de vieilles réclames japonaises. Dommage peut-être que les visuels prennent souvent l'ascendant sur textes. C’est dense et totalement indispensable à tous les otaku (et les curieux).

Otomo n°2, environ 160 pages, 12,50 euros (le premier numéro est épuisé).

"Atom"

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La baseline : "La culture manga comme vous ne l’avez jamais lue". Un poil crâneur.

Ça parle de quoi ? : De manga, plutôt seinen. Atom se présente comme un magazine "haut de gamme" qui "milite pour une vision plus adulte, nourrie et éclairée du manga", selon son fondateur Fausto Fasulo (également rédacteur de chef de Mad Movies). Lancé en janvier 2017, Atom paraît tous les trois mois.

Ça vaut le coup ? : Depuis cinq numéros, Atom a pris le parti de parler de manga à travers ses auteurs. Interview fleuves (toutes réalisées par Fausto Fasulo) et chroniques de leurs œuvres, le magazine disponible en kiosques offre des analyses passionnantes aux lecteurs de manga exigeants (et adultes). Ici, on ne parle pas de One Piece mais on encense Inio Asano, Naoki Urasawa ou Shûzô Oshimi (ce qui nous convient parfaitement). Seul bémol, on aimerait y voir plus de femmes, tant à l’écriture que du côté des mangaka, comme l’a fait remarqué Nostroblog. Un souhait visiblement enfin entendu car la mangaka Rumiko Takahashi (Rinne, Inu-Yashasera au sommaire du sixième numéro.

Du côté de la maquette, moderne avec de belles respirations, c’est une vraie réussite. Notez également que le compte Instagram de la revue publie régulièrement des nouvelles du magazine en cours  de réalisation à travers des photos prises au Japon où se déroulent la plupart des entrevues avec les auteurs.

ATOM n° 5, 130 p., 9,90 euros (l’abonnement pour quatre numéros est à 22 euros). Les numéros 1 et 3 sont épuisés.

"Immersion"

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La baseline : "Revue sur le jeu vidéo". Laconique mais peu explicite.

Ça parle de quoi ? : De jeux vidéo, mais pensés "avant tout comme une pratique culturelle". Aux Inrocks, Mohamed Megdoul, le directeur de la rédaction, confie que l’idée lui est venue après avoir constaté "qu’il n’y avait pas de Cahiers du cinéma du jeu vidéo". En pratique, Immersion se présente comme une revue semestrielle dont le premier numéro (et le seul pour le moment) est sorti en décembre dernier et disponible en ligne ou dans des librairies spécialisées.

Ça vaut le coup ? : Ne pensez pas trouver dans Immersion un test du dernier Call of Duty. Le magazine prend le jeu vidéo comme point d’entrée à une réflexion plus globale. Au sommaire du premier numéro, on trouve ainsi un dossier sur le pouvoir thérapeutique des jeux violents ou un décryptage du travail de l'Américaine Sondra Perry, une artiste qui se sert des jeux vidéo pour parler de la discrimination des noirs en Amérique. Sans aucune publicité, la revue est volontairement détachée de l’actualité vidéoludique.

Et ne vous arrêtez pas à la couverture de ce premier numéro qui montre en gros plan Trevor. Ce personnages emblématiques de GTA V "symbolise ironiquement tous les clichés qui s’attachent encore au jeu vidéo", selon Mohamed Megdoul. Peut-être, mais elle reste assez repoussante pour le lecteur.

Immersion n°1, 136 p., 14,90 euros.

"Carbone"

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La baseline : "Culture pop, Fictions & Transmedia". Exhaustive et ambitieuse.

Ça parle de quoi ? : De cinéma, de bande dessinée, de séries télé, de livre, de jeux vidéo, bref, de pop culture au sens large. Mais Carbone, c’est également un site internet, très bientôt une application, et pourquoi pas, une future maison d’édition ou une chaine de télé, croient savoir Les Inrocks. Le premier numéro de cette revue trimestrielle transmédia est vendue en librairies et a pour fil conducteur, les cartes aux trésors.

Ça vaut le coup ? : Le petit dernier de la bande a de grosses ambitions. Lancé à l’issue d’un financement participatif enthousiasmant, le premier numéro de la revue Carbone débarque le 16 février. L’occasion de découvrir ce que vaut la revue tandis que son site s’est déjà fait remarquer grâce à ses articles longs formats passionnants aux angles originaux, comme ce très bon papier sur le jeu Persona 5 ou cet entretien avec le romancier Tristan Garcia, aussi passionné de manga que de séries télé.

Au sommaire de ce premier numéro enrichi d'illustrations originales, des nouvelles, des extraits de BD et de très nombreux papiers relativement courts qui se lisent aisément. Ne soyez pas intimidé par cet imposant mook qui trouvera aisément sa place sur votre table de chevet où vous piocherez chaque soir parmi une interview d’un chef décorateur sur des jeux vidéo ou un récit sur l’engouement suscité au Japon par L’Île aux trésors de Robert Louis Stevenson. Intéressant, les textes sont parsemées de renvois vers d'autres pages de la revue, à la façon des liens hypertextes, pour accentuer la sérendipité. Des jeux mobiles et des fictions interactives se cachent également dans la revue papier que la future application Carbone devrait permettre de décrypter.

Carbone n°1, 274 p., 20 euros.