"Nous avons créé le SAS parce que nous étions jeunes, inconscients et très certainement complètement fêlés." Voilà comment le narrateur de cette BD d'aventures, Jock Lewes, commence son récit de la création d'une des unités de commandos les plus célèbres au monde. Et son récit vaut le détour.
Ça parle de quoi ?
1941. La Grande-Bretagne est acculée sur son île par Hitler, tandis que l'Afrikakorps de Rommel lui taille des croupières dans son pré carré nord-africain. Un officier, David Stirling, obtient de ses supérieurs l'autorisation de créer une unité de commandos vouée aux actions de sabotage derrière les lignes ennemies. Il recrute pour cela la fine fleur des têtes brûlées, au premier rang desquelles Jock Lewes, un Australien qui a failli succomber aux charmes du nazisme lors d'un séjour en Allemagne, et Paddy Mayne, une force de la nature irlandaise, aussi bien porté sur la bibine que sur la castagne.
De cet alliage hétéroclite, il va forger l'une des unités les plus redoutées des forces britanniques, au point que le Führer donnera la consigne de ne jamais faire de prisonniers chez les SAS. Le premier tome de la série nous conte les débuts laborieux de l'unité. Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce n'est pas une franche réussite : un parachutage calamiteux, des infos un rien éventées et des dissensions internes minent le moral des troupes. Lors de cet apprentissage, le SAS fait l'amère expérience que son principal ennemi n'est pas encore l'Afrikakorps, mais le désert et ses pièges mortels...
Pourquoi on adore ?
Raconter la grande histoire en bande dessinée présente toujours un risque de paraphraser un manuel d'histoire et de passer à côté de l'intérêt du média. Vincent Brugeas, un fondu d'histoire à qui on doit le formidable Le Roy des Ribauds (dans un registre plus fictionnel), évite l'écueil avec aisance. Plutôt que de professer son savoir (qu'il restitue dans un dossier de huit pages très instructif, en fin d'album), il choisit de nous narrer une histoire d'hommes, David, Jock et Paddy, qui essuient les plâtres de cette nouvelle forme de combat.
L'utilisation régulière de flash-back permet de casser un récit qui aurait pu être un peu trop linéaire, étant donné qu'il faut introduire les personnages. Le solide dessin de Thomas Legrain ne varie que légèrement par rapport à sa série d'espionnage au long cours, Sisco. L'auteur, qui nous avait plutôt habitués à des histoires urbaines, se montre très à l'aise avec les paysages sahariens. Mention spéciale à la coloriste Elvire de Cock, qui sublime des décors qui auraient pu être monotones en renouvelant sans cesse sa palette. Si les débuts du SAS sont dus à trois hommes décidés, l'excellent début de la série est imputable aux talents conjugués de ces trois artistes.
C'est pour vous si...
Si vous aimez les BD historiques ascendant militaire et que vous pouvez réciter de mémoire les dialogues d'Airborne 44 (une autre série du genre, dont le tome 7 est prévu fin novembre), vous tombez pile dans la cible. Mais si vous avez la bosse de l'histoire, ou que vous aimez les épopées bien racontées, vous feriez bien de ne pas passer à côté de cet album, qui inaugure un premier cycle de trois tomes... voire plus si affinités.
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The Regiment, l'histoire vraie du SAS, livre 1 de Vincent Brugeas, Thomas Legrain et Elvire de Cock, éd. Le Lombard, 64 p., environ 14 euros.