Après une Civil War qui n'avait plus grand chose à voir avec celle du comic book dont elle s'inspirait, les studios Marvel poursuivent la troisième phase des aventures de leurs super-héros en explorant pour la première fois le côté mystique de leur abondant catalogue. Vous n'avez jamais entendu parler de Doctor Strange ? Vous n'êtes pas tout seul, car ce héros de comics, né en 1963 sous la plume de Stan Lee et les traits de Steve Ditko, n'a pas la popularité des Avengers, même s'il leur vient souvent en aide. Incarné au cinéma par le Britannique Benedict Cumberbatch (Sherlock, Imitation Game), le personnage de Doctor Strange pourrait bien prendre enfin de l'envergure dans le MCU (Marvel Cinematic Universe) grâce à cette adaptation drôle et mature, en salles en France mercredi 26 octobre. Un lifting réussi, grâce à cinq coups de baguette magique que vous détaille Pop Up'.
En féminisant son mentor
Stephen Strange est un neurochirurgien brillant, mais un homme orgueilleux et égoïste. Sa vie bascule le jour où un accident de voiture lui fait perdre l'usage de ses mains. Constatant l'impuissance de la médecine face à ce handicap qu'il refuse d'accepter, il part au Népal rencontrer L'Ancien, un guérisseur censé faire des miracles. L'Ancien n'a rien d'un rebouteux. Il est en fait un mage extrêmement puissant qui accepte de transmettre son savoir en devenant le mentor de Strange. Depuis sa création au début des années 60, L'Ancien est représenté dans les comics sous la forme d'un vieux sage aux traits asiatiques, sorte de croisement entre Gandalf (Le Seigneur des anneaux) et Miyagi (Karaté Kid).
Mais les studios Marvel ont décidé de chambouler le casting en confiant le rôle de l'Ancien à une femme. Un choix dont Kevin Feige, le directeur des studios, s'est expliqué au site américain Deadline : "Nous ne voulions jouer avec aucun des stéréotypes qui se trouvent dans les comics, certains d’entre eux remontant à cinquante ans ou plus. Nous avons senti que l’idée de changer le genre du personnage de L’Ancien était excitante. Cela ouvrait des possibilités, cela apportait de la fraîcheur à cet univers et une histoire vraiment caractéristique. Pourquoi ne pas faire du plus sage porteur de la connaissance dans l’univers des héros de ce film une femme plutôt qu’un homme ?" Incarné par l'actrice britannique Tilda Swinton (L'étrange histoire de Benjamin Button, Michael Clayton), L'Ancien va alors confronter Stephen Strange à son arrogance, mais également à sa misogynie.
Le choix judicieux d'une actrice permet ainsi de titiller la virilité de notre apprenti magicien qui va devoir se remettre en question et apprendre l'humilité avec une femme. Une adroite manière de faire souffler une brise de féminisme de ce côté-ci des héros Marvel et de rendre le personnage de Strange plus vulnérable et attachant.
En dépoussiérant l’image ringarde du magicien
Entre les invités du samedi soir de Patrick Sébastien et les shows de David Copperfield, l'image du magicien a depuis longtemps perdu de sa superbe. Il paraît loin le temps où les enfants avaient les étoiles plein les yeux devant Fantasia. Même dans la récente pièce de théâtre qui clôt les aventures de Harry Potter, l'apprenti sorcier a perdu de son charme en laissant place à un père de famille, employé au ministère de la Magie. Si la magie opère toujours, c'est surtout auprès des plus jeunes. Mais avec Doctor Strange, les studios Marvel enterrent définitivement baguettes magiques et lapins sortis du chapeau.
Devenu maître des arts mystiques à force de travail, Stephen Strange acquiert la capacité de voyager dans le temps et l'espace en manipulant les énergies. Qu'importe si son costume est aussi ringard que le zentai de Spiderman ou le bouclier de Captain America, les pouvoirs de Strange surpassent tous ceux des Avengers et des X-men, la Sorcière rouge incluse. Et ce n'est sûrement pas un hasard si Mandrake, autre magicien célèbre, resté jusqu'alors dans les pages de comics, va lui aussi enfin avoir droit à son adaptation sur grand écran. Incarné, selon Le Figaro, par le fantasque Sacha Baron Cohen, il devrait lui aussi subir un sérieux lifting. Suffisamment pour redonner la cote aux tours de magie d'antan ?
En surfant sur la tendance de la "pleine conscience"
A la différence de Spiderman, Hulk et autres Thor, Doctor Strange va acquérir ses pouvoirs à force de travail et de renoncement et non à la suite d'expérience ratée ou d'accident industriel. Mais plus qu'une ode au mantra de Nicolas Sarkozy, "Travailler plus pour gagner plus", Doctor Strange est avant-tout un voyage spirituel. Ce n'est pas un hasard si c'est à Kamar-Taj, un village fictif situé au Népal, que se rend Stephen Strange pour rencontrer un sage aux allures de bouddhiste. De là à imaginer que L'Ancien serait un genre de dalaï-lama plus puissant et moins médiatique, il n'y a qu'un pas.
"Le film parle de l'esprit et de notre capacité à affecter la réalité avec nos pensées, résume Tilda Swinton. Il y est question de courber la réalité, mais pas de la briser." Au début de son apprentissage, Strange peine énormément. Il a beau tenter de maîtriser l'énergie, il n'y arrive pas. L'Ancien lui conseille juste de lâcher prise. Vous devinez la suite. Plus fun qu'un livre de développement personnel, Doctor Strange surfe sur les tendances en vogue dans nos sociétés occidentales. On y évoque la méditation, on y apprend les arts martiaux, on étudie beaucoup et on prend ses distances avec l'esprit cartésien. Bref, Doctor Strange est pile-poil dans l'air du temps et, avouons-le, plus fun que Matthieu Ricard.
En employant (enfin) à bon escient la 3D
Jusqu'à présent, dans la plupart des films du MCU, la 3D était juste une coquetterie des studios qui servait surtout à justifier l'augmentation du prix du ticket de cinéma. Les choses pourraient bien changer avec Doctor Strange, réalisé par Scott Derrickson (Sinister, L'exorcisme d'Emily Rose) dont la scène d'ouverture est absolument bluffante. De quoi faire passer les effets spéciaux du Inception de Christopher Nolan pour le travail de fin d'année d'un étudiant en cinéma.
Renversantes au sens propre, les scènes de combat entre Tilda Swinton ou Benedict Cumberbatch et Mads Mikkelsen (La Chasse, Hannibal, Casino Royale), héros des forces obscures (pourtant affublé d'un maquillage que n'auraient pas boudé les clubbeurs du Palace en 1979) sont magnifiées par la 3D. Il serait, pour une fois, dommage de s'en dispenser.
En réussissant un film vraiment drôle
Avec son casting cinq étoiles, ses effets spéciaux spectaculaires et son scénario crédible, Doctor Strange marquait déjà quelques points dans le cœur du spectateur. Mais ce qui fait vraiment la différence avec l'apparition de ce nouvel univers, c'est son potentiel comique. Des punchlines que l'on doit pour beaucoup à l'acteur principal, le côté pince-sans-rire de Cumberbatch étant pleinement employé.
Pour une fois, les gags ne servent pas à dédramatiser un moment grave, comme dans le récent Captain America : Civil War où les répliques humoristiques sabotaient la dramaturgie de quelques scènes. Oui, Doctor Strange est un divertissement - qui pourrait imaginer autre chose en allant voir une production Marvel / Disney ? - mais c'est un divertissement de très bonne facture. Qui vous garantira au moins quelques fous-rires (plus que Brice 3 en tout cas).
Even beyond its insane visuals (cool stuff like you've never seen before), #DoctorStrange is tons of fun. A bit formulaic, but very solid.
— Ben Pearson (@benpears) 20 octobre 2016
#DoctorStrange is a great departure for Marvel. Tons of fun, visually stunning and a fantastic introduction to an intriguing hero. ?????? pic.twitter.com/tNulRgSeku
— Mark Daniell (@markhdaniell) 20 octobre 2016