Il y a quelque chose de pourri au royaume de Westeros. Ce ne sont pas les multiples guerres ou complots qui sont dangereux dans la saison 5 de Game of Thrones. Non, c'est un poison plus vicieux qui se distille aux cours des épisodes et qui risque d'être mortel : l'ennui.
Après une saison 4 riche en événements et une année d'attente accompagnée de teasers aussi excitants les uns que les autres, on trépignait d'impatience pour découvrir la suite des aventures des Lannister, Stark, Targaryen and co. Problème : il faut bien reconnaître qu'on reste sur notre faim. Les lendemains de diffusion d'épisode ne sont plus rythmés par les traditionnels "t'as vu l'épisode d'hier? T'AS PAS VU l'EPISODE D'HIER?? Faut vraiment que tu le voies pour qu'on en parle". A la place, règne un silence gênant pour une telle série. Pop Up' s'est donc demandé pourquoi cette nouvelle saison est, pour l'instant, si ennuyeuse. [Attention, il y a quelques spoilers]
Parce qu’elle est construite comme les précédentes (et ça commence à se voir)
Non ? Vous n’avez rien remarqué ? A chaque saison, HBO installe lentement le décor, nous rappelle que tout le monde a des ennuis, et surtout que Winter is coming. Daenerys affronte des dilemmes moraux, Tyrion boit pour oublier ses problèmes, Jon Snow ne sait rien, Arya égrène les noms de ses ennemis, Jaime ne fait pas grand chose, Sansa est maltraitée, Stannis manque de fric pour faire la guerre et Cersei clashe tout le monde en buvant du rouge.
Tout ça pendant huit épisodes. Au neuvième, bim, on prend une grosse claque (never forget the Red Wedding), qui va changer le cours de l’histoire. Et le dernier épisode termine gentiment la saison. Bisou et à l’année prochaine.
Le problème, c’est que ça commence à se voir. Même si l’intrigue la plus ennuyeuse a été laissée de côté pour cette saison (Where is Bran ? Maybe in the kitchen, but not in season 5), ce qui aurait pu laisser croire à un scénario plus dense, cette structure narrative est usée.
Parce que les méchants cools sont morts (et les nouveaux sont détestables)
Le génie de Game of Thrones réside, en partie, dans ses méchants, ses menteurs, ses colériques, ses manipulateurs, ses tueurs. Ceux qu’il est si bon de détester. Mais les pires des Lannister y sont passés. La blondeur de Joffrey, la voix sirupeuse de Tywin, la sale gueule du Chien nous manquent forcément un peu.
Ils nous abandonnent avec Tommen, un enfant bien gentil mais parfaitement inutile, assis sur le Trône de fer. Il ne reste, pour nous consoler, que des vrais dégueulasses sans nuance : les Bolton. Roose, le père glauque, et Ramsay, le fils sadique, peinent à trouver grâce à nos yeux, il faut bien l’admettre. Surtout après l’épisode 6.
(Un indice pour distinguer les méchants qu’on aime détester et les méchants qu’on déteste : c’est facile, ceux de la seconde catégorie, on souhaite juste leur mort )
Parce qu’elle s’éloigne de la saga de George RR Martin
Les puristes des romans de George R.R. Martin fulminent. Des intrigues, majeures ou anecdotiques, sont éludées ou totalement transformées. Respecter la narration du maître aurait peut-être évité bien des désagréments.
Prenons le cas de Sansa. Dans la version originale, la jeune femme reste avec Littlefinger au Val, bien loin de Winterfell et de Ramsay Bolton. Ce dernier est marié à une quasi-inconnue, que Littlefinger a fait passer pour Arya Stark, afin de tromper les Bolton, qui croient alors renforcer leur emprise sur le Nord. Dans la série, Littlefinger fait probablement la chose la plus stupide qui soit : abandonner Sansa aux Bolton. Il semble ignorer ce que tout Westeros sait pourtant : Ramsay est un monstre sadique, à qui personne ne confierait son pire ennemi.
Les surprises de ce type sont nombreuses dans cette saison 5 qui s’affranchit toujours plus du rythme et du scénario de l’auteur. On peut s’en plaindre, crier au scandale, mais il faut reconnaître que la saga de George R.R. Martin, qui invite sans cesse de nouveaux personnages, déjà très nombreux, risque de perdre en chemin les lecteurs impatients. Avec seulement 10 épisodes par saison, les créateurs de la série ne peuvent pas se permettre de s’éparpiller (plus qu’ils ne l’ont déjà fait).
Parce qu'il y a (beaucoup) trop d'intrigues dissociées
Abondance de bien nuit. Avec les principaux personnages partis au quatre coins du royaume, la trame de la série se retrouve complètement fragmentée, et donc beaucoup moins lisible. En plus de Danaerys qui se trouve toujours a Meereen et Jon tu-ne-sais-rien Snow scotché au Mur, Jaime Lannister, son frère Tyrion et Sansa Stark ont quitté Port-Réal pour suivre de nouvelles aventures et donc de nouvelles intrigues avec l'intégration de nouveaux personnages qu'il faut présenter.
Ce départ massif de la capitale est d'autant plus problématique qu'il rompt l'unité de lieu qui permettait de faire vivre plusieurs intrigues imbriquées en même temps. De quoi ralentir le rythme de cette saison qui donne l'impression de ne pas avoir encore démarré à l'image d'un apéro qui s'éternise alors qu'on commence à avoir sérieusement la dalle.
Sans oublier qu'il faut aussi suivre l'apprentissage d'Arya (je vais y revenir) à Braavos et les pérégrinations de Brienne et Podrick. Bref, trop, c'est pas beau et il est grand temps que ces divers arcs narratifs et personnages se croisent, histoire de redonner un peu de cohésion a cette saison car, pour le moment, on a vraiment l'impression que chacun joue sa partition dans son coin.
Parce que les personnages sont frappés d'immobilisme
Arya attend, Jon Snow hésite, Danaerys tergiverse, Cersei calcule, Stannis réfléchit, Sansa subit... La plupart des personnages sont bloqués depuis le début de la saison cinq et ça commence sérieusement à faire tourner la série dans le vide. Même quand ils voyagent, à l'image de Tyrion ou Brienne, il ne se passe rien: le nain le plus connu de Westeros est d'abord confiné dans une caisse puis un carrosse avant de se retrouver captif de Jorah Mormont sur une toute petite embarcation. Quant à la plus dévouée guerrière du royaume et son écuyer, à part une courte escarmouche, ils assistent de loin, et impuissants, aux malheurs de Sansa.
Arya symbolise à elle seule cet enlisement de la narration. Enfin arrivée à Braavos pour suivre les enseignements de Jaqen H'ghar, on trépigne d'impatience à l'idée de la voir se transformer en une assassin de haut vol capable de venger sa famille. Pas de bol, elle se retrouve à devoir attendre avec au programme du ménage, des soins du corps sur des cadavres, des conversations avec une fille aux cheveux gras et des quiz chelous.
Toutefois, avec l'épisode 6, il semble que la série se soit enfin décidée à se secouer les puces car tous les personnages passent à l'action à l'image de Jon Snow qui quitte enfin le mur, d'Arya qui est partie pour démarrer pour de bon son initiation, de Cersei qui est passée à l'offensive face à la famille Hautjardin. Sans oublier que Tyrion n'a jamais été aussi proche de rencontrer une Danaerys qui a enfin décidé de réagir face aux attaques des Fils de la Harpie en rouvrant les arènes de gladiateurs.
Et puis, il y a fort à parier que le viol, polémique, de Sansa par Ramsay Bolton ait de nombreuses répercussions et annonce une fin de saison en boulet de canon. Winter is coming ? On espère.
Camille Caldini et Jérôme Comin