Il y a des choses pour lesquelles on est doués : une intubation, une ponction lombaire, un diagnostic de lupus, convaincre un patient de se soigner, mais ... on n'est pas doués pour faire grève !
Pourtant nous sommes français, c'est soit-disant ancré dans notre culture ! Mais non, une fois de plus, notre dernière grève (lundi, car oui, vous n'avez peut-être même pas su) était un flop. Je dis "notre" au nom des internes, mais aucun d'entre nous du blog n'a fait grève, et pour certains nous n'étions même pas au courant 2 jours plus tôt.
Pourtant ce n'est pas que nous n'avons rien à revendiquer, non, vous voyez bien que l'on se plaint tout le temps ! Mais il faut avouer une très grande faiblesse du corps médical quand il s'agit de se rassembler, combattre et revendiquer ensemble... Alors pourquoi tant de difficultés ?
Un bouquet de revendications
Tout d'abord, parce que nous manquons d'unité : on n'a pas qu'un seul métier, on en a autant qu'il y a de spécialités différentes, et donc autant de revendications différentes : le gériatre voudrait travailler moins, mais le chirurgien craint qu'en travaillant moins, il soit insuffisamment formé en 5 ans. L'anesthésiste veut moins de gardes parce que 9 gardes par mois c'est l'enfer, mais le dermatologue n'en a que 2 par mois et ça lui va bien, mais, lui il aimerait pouvoir aller en cours. L'urgentiste déplore le manque de moyens à l'hôpital limitant certains soins, mais le radiothérapeute n'est pas gêné ! Bref, on a du mal à s'unir sur un seul et même discours, et si l'on fait grève pour un problème précis, ce sont souvent les 20 autres problèmes qui ressortent.... Les médias et le public n'y comprennent alors plus rien.
Des représentants déjà épuisés
L'autre problème ce sont nos représentants. Nous n'avons pas de représentants dont la profession serait de nous représenter. Les quelques syndicats d'internes, apolitiques, sont tenus par des internes. Oui, oui, ces mêmes qui travaillent déjà 80 heures par semaine !
--> "90h par semaines durant 4 mois"
--> Internes en médecine, la dernière roue du carrosse
Alors même dévoués et faisant un travail remarquable, non seulement le temps leur manque pour rassembler les foules, mais leurs talents de communications avec les internes, comme avec les médias ont également leurs limites. Pour la dernière grève, pas de tracts à l'hôpital ni d'affiches, juste un mail 1 mois plus tôt que tout le monde n'a pas reçu. Et un "event" Facebook que tout le monde à oublié avec 600 participants (j'ignore combien il y a d'internes en France mais on doit être dans les 20 000).
De toutes les manières, quand on fait grève, c'est toujours nos patients d'abord bien sûr, on ne peut pas annuler 1 appendicite sur 3 comme on annule 1 train sur 3. Dans les service on s'organise, 1 ou 2 des internes peuvent aller manifester, pendant que les 2 autres travaillent deux fois plus jusqu'à pas d'heure pour compenser l'absence, avec un sparadrap "en grève" dans le dos.
Mais qui veut se "mouiller" devant ses patrons ? Qui ose se plaindre ? "C'était pire à notre époque", disent les "vieux", et l'interne rêve d'être embauché dans le service dans deux ans.... Alors beaucoup se taisent mais n'en pensent pas moins....