Un jour, à table dans la cantine d'une entreprise, alors que j'évoquais ma passion pour la météorologie, j'essuyai de la part de mon interlocuteur - interloqué - un petit sourire narquois. Cette brusque tension zygomatique, entre la poire et le fromage, révélait probablement chez lui l'ignorance du sujet auquel j'eusse pu l'amener à disserter, ou plus prosaïquement, n'écartons pas cette hypothèse, un fort a priori sur la question qui m'intéressait alors: la passion de la météo. "C'est à dire, je comprends pas. Regarder le bulletin météo ?". À cette remarque, je répondrais, comme quelqu'un le fit naguère et dont j'ai oublié le nom, que notre premier bulletin météo à nous, passionné de météo, est... notre fenêtre de salon, qui nous indique en général assez fidèlement le temps dans les quelques heures à venir.
Et puisque nous sommes le 20 mars, et que donc, selon notre calendrier, c'est aujourd'hui le premier jour de printemps, ouvrons grand la fenêtre et tendons l'oreille. Qu'entondons-nous ? Milles bruits ! La pluie qui tombe et qui "fait des claquettes sur le trottoir" (Nougaro), le vent dans les branches des sapins, diverses espèces d'oiseaux qui gazouillent aux heures les plus matutinales, un coup de tonnerre peut-être ? ou le bruit léger de la neige soufflée par le vent ? le clapotis des vagues contre la côte d'Iroise en Bretagne, le fracas d'une cascade dans les Pyrénées, et bien d'autres choses... Bref, tous ces bruits sont, disent les plus savants d'entre nous, apériodiques. C'est le cas de la pluie, du vent, de l'orage, etc.
Ils impriment dans notre conscience (ou notre inconscience) des impressions, produisent des sentiments, voire des émotions. L'art a toujours été un vivier de la création humaine, en particulier la musique où certains artistes se sont frottés aux sons de la nature et ont essayé, parfois avec succès, d'en reproduire des mélodies harmonieuses. Et c'est le cas par exemple d'Antonio Vivaldi.
Notre italien est notamment connu pour ces très nombreux concertos (environ 400). Parmi tout ceux-là, retenons la publication en 1724-1725 de l'opus VIII: "Il Cimento dell'Armonia e dell'Invenzione". Autrement dit: "Le Combat de l'Harmonie et de l'Invention"... On traduit aussi parfois par "La rencontre de l'Harmonie et de l'Invention". Tout un programme (musical), et un vrai sujet de philo ! Ce recueil comporte 12 concertos dont les quatre premiers s'intitulent: "Quattre Stagioni" (les Quatre Saisons).
Hasard ? La même année, en 1724, Fahrenheit invente le thermomètre...
Mais écoutons d'abord le son moelleux des archers de l'orchestre de Vivaldi qui, à sa manière, imagine son "printemps"...
"Le printemps" de Vivaldi se décompose en trois mouvements: vif - lent - vif.
Le premier mouvement (allegro) chante l'éclosion fleurie de la nature. Dans le premier couplet, le violoncelliste illustre le chant des oiseaux, puis au deuxième couplet les ruisseaux qui coulent. Enfin, pour évoquer l'orage, le maître italien l'exprime par un trémolo grave et très rapide, et même de rapides gammes ascendantes pour le vacarme du tonnerre. Sans oublier les bourrasques de vent, grâce aux arpèges brisés du violon solo.
Voici le Printemps,
Que les oiseaux saluent d'un chant joyeux.
Et les fontaines, au souffle des zéphyrs,
Jaillissent en un doux murmure.
Ils viennent, couvrant l'air d'un manteau noir,
Le tonnerre et l'éclair messagers de l'orage.
Enfin, le calme revenu, les oisillons
Reprennent leur chant mélodieux.
Dans le deuxième mouvement (mon préféré), on retrouve un climat très onirique...
Et sur le pré fleuri et tendre,
Au doux murmure du feuillage et des herbes,
Dort le chevrier, son chien fidèle à ses pieds.
Enfin, le troisième et dernier mouvement rappelle l'allegro du début.
Au son festif de la musette
Dansent les nymphes et les bergers,
Sous le brillant firmament du printemps.
Mais Vivaldi n'est pas le seul à avoir composé pour les saisons.
À suivre ! ...