Ils ne sont pas militants dans l'âme, mais après plus de six mois de débat sur le mariage pour tous, ils ont envie d'agir, de "sortir du bois". Excédés par les discussions houleuses, par la radicalisation des opposants au projet de loi et par l'homophobie latente, de plus en plus de lesbiennes et de gays choisissent de s'engager dans des associations pour défendre leurs droits.
C'est le cas de Sébastien. Ce Parisien de 32 ans adhère à SOS Homophobie depuis le mois de janvier. "J'ai beaucoup souffert de l'homophobie dans ma jeunesse, lorsque je vivais dans un village du Sud", me raconte le jeune homme. "En habitant depuis dix ans à Paris, j'avais oublié tout ça. Et le débat a tout fait remonter." Son engagement au sein d'une association qui lutte contre les préjugés et les discriminations à l'égard des homos est alors devenu une "évidence", même s'il n'avait "vraiment pas l'âme d'un militant".
Un besoin de se sentir utile
Sarah, elle, a fait le choix de s'engager auprès de SOS Homophobie dès la fin du mois de septembre. "La loi sur le mariage pour tous a été annoncée en juin et tout l'été j'ai entendu des remarques homophobes dans mon entourage", m'explique la jeune femme de 27 ans. "Ce que je pensais être acquis ne l'était pas. Tout d'un coup, tout le monde a son avis sur notre vie, on devient une cible." Pour l'association, la jeune femme mène des actions de sensibilisation à l'homophobie en milieu scolaire. "S'engager est une manière d'extérioriser tout ce qu'on se prend dans la tête, cela fait beaucoup de bien, cela soulage de ne pas rester les bras croisés." Même besoin de se "sentir utile" pour Sébastien, qui recherchait aussi une "solidarité avec des personnes qui vivent la même chose" à travers ce débat. "Face à la radicalisation des opposants au mariage pour tous, adhérer à SOS Homophobie a été quelque chose de réconfortant", témoigne le jeune homme.
Sébastien et Sarah sont loin d'être des cas isolés. "Les adhésions à SOS Homophobie ont sensiblement augmenté depuis septembre. Le nombre de dons qui nous sont envoyés progresse beaucoup aussi, et ils sont très souvent accompagnés de messages d'encouragement", constate la présidente, Elisabeth Ronzier. Chaque mois, une cinquantaine de nouveaux adhérents viennent grossir les rangs de l'association. Tous sont stimulés par le débat sur le mariage pour tous et la violence de certains arguments. "On nous dit beaucoup : 'Je suis choqué par ce débat, cela m'a fait prendre conscience que l'homophobie existait encore, comment militer ?'", raconte Elisabeth Ronzier.
"Les blessures se transforment en colère"
Nombre d'homos "enragent" face à la force de frappe de la Manif pour tous. A l'image de Fabien, 32 ans, juriste à Toulouse. "Nous n'avons pas pris la mesure de la puissance des opposants au mariage pour tous, avec leurs moyens financiers énormes et leur maîtrise de la communication. Et cela a pu laisser l'impression que nous étions passifs, attentistes", regrette-t-il. Le Toulousain a choisi de s'engager auprès de L'Autre Cercle, une association qui lutte contre l'homophobie au travail. Pour lui, le débat "pousse les homos à sortir du bois". Et ces nouveaux militants ont un profil atypique. Ils sont "ultra-motivés", note la présidente de SOS Homophobie. "Ils veulent tout de suite aller sur le terrain, faire plein de choses. Cette soif d'agir dynamise notre mouvement et le rend plus vivant", se réjouit-elle.
Dans ce débat autour du mariage pour tous, certains opposants au projet de loi n'hésitent pas à parler de destruction de la famille, de destruction de la société, quand d'autres vont jusqu'à faire des amalgames avec la polygamie ou la pédophilie. Des dérapages qui blessent les homos et leur entourage, mais à force de "matraquage quotidien", "les blessures se transforment en colère", m'explique Thibault, 27 ans, étudiant à Paris. "On a l'impression de laisser passer une tempête qui n'en finit pas, donc cela donne envie d'agir." Le jeune homme préfère terminer ses études avant de s'engager pleinement dans une association. En attendant, il mène la riposte sur les réseaux sociaux. Et Thibault reconnaît une vertu au débat : "On a crevé un abcès. Après la tolérance qui nous était accordée depuis le Pacs, ils nous a fait prendre conscience de la haine et des préjugés qui existent encore sur l'homosexualité. On a encore beaucoup de pédagogie à faire."