Interdite de Champs-Elysées, la "Manif pour tous" se met en scène en victime

(MIGUEL MEDINA / AFP)

Comme prévu, la préfecture de police de Paris a pris, lundi 18 mars, un arrêté interdisant aux opposants au mariage pour tous de manifester, dimanche 24 mars, sur les Champs-Elysées. Comme prévu, la "Manif pour tous", collectif organisateur du défilé, dénonce "une décision politique déguisée en mesure de police". Avant toute chose, une précision : la préfecture n'interdit pas aux anti-mariage pour tous de manifester. Simplement, le cortège ne pourra pas emprunter "la plus belle avenue du monde". Aux organisateurs de trouver, en accord avec l'administration, un parcours alternatif.

Comment la préfecture justifie-t-elle sa décision ? Dans un communiqué publié (PDF) le 14 mars, elle invoque des "raisons impérieuses d’ordre public". "La proximité géographique de plusieurs institutions sensibles exclut la tenue de toute manifestation revendicative sur la place de l’Etoile, les Champs-Elysées et la place de la Concorde, a fortiori dans le cadre du niveau rouge renforcé du plan Vigipirate actuellement en vigueur", précise-t-elle. Et ajoute : "L’ouverture des commerces sur l’avenue des Champs-Elysées, la forte fréquentation de cette avenue le dimanche, notamment par des touristes, et la configuration des rues adjacentes rendent inenvisageables l’encadrement et la sécurisation d’un tel rassemblement sur le secteur."

La préfecture explique aussi avoir notifié cette interdiction aux organisateurs de la manifestation par courrier dès le 22 février. Depuis, plusieurs rencontres entre le collectif de la "Manif pour tous" et les autorités, qui leur ont proposé différents parcours alternatifs "permettant de concilier liberté d’expression et préservation de l’ordre public", ont eu lieu, sans succès. La "Manif pour tous" a, à chaque fois, réaffirmé à la préfecture son intention d'emprunter les Champs-Elysées. Le collectif, notamment emmené par Frigide Barjot, en a même fait un élément principal de sa communication.

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Se poser en martyr, une stratégie de communication efficace

"On veut au moins partir en haut des Champs-Élysées. On veut un lieu symbolique qui permette aux Français et au gouvernement de voir que nous existons en masse", a expliqué Frigide Barjot pour justifier son refus d'emprunter un itinéraire différent. A croire que notre capitale manque de lieux symboliques : Bastille, République, Nation...

Malgré le refus prévisible de la préfecture, la "Manif pour tous" persiste à vouloir défiler sur les Champs-Elysées et instaure ainsi un bras de fer, une guerre des nerfs, avec les autorités. Ce qui permet au collectif de se poser en victime bâillonnée par le pouvoir. Ainsi, le 14 mars, elle a dénoncé un "déni de démocratie". N'ayant pas peur des mots, le collectif invoque la "liberté de réunion en France", rappelant qu'il s'agit d'"une liberté fondamentale". "Il s’agit manifestement, une nouvelle fois, de faire taire les opposants au projet de loi 'mariage pour tous'", s'indigne-t-il.

Affiche annonçant la "Manif pour tous", bâillonnée après l'arrêté préfectoral interdisant le défilé sur les Champs-Elysées.

Affiche annonçant la "Manif pour tous", bâillonnée après l'arrêté préfectoral interdisant le défilé sur les Champs-Elysées.

Ne nous méprenons pas : il s'agit là d'une vraie stratégie de communication. Qui veut faire taire les opposants à l'ouverture du mariage aux couples de même sexe ? Avez-vous la sensation qu'on a ignoré la manifestation (impressionnante) du 13 janvier ? Frigide Barjot et son compère Xavier Bongibault ont-ils été boycottés par les médias ? François Hollande n'a-t-il pas reçu les représentants de la "Manif pour tous" le 25 janvier à l'Elysée ? N'a-t-on pas entendu les opposants au texte pendant les dix jours d'examen de la loi à l'Assemblée nationale ?

Le collectif montre une volonté délibérée de se poser en martyr à qui l'on refuse le droit d'expression. Dès l'appel à manifester, il encourageait les manifestants à défiler contre le mariage pour tous et pour "libérer la démocratie de la pensée unique". Après des mois de débats et de mobilisation, et après le vote favorable à l'Assemblée nationale, la "Manif pour tous" trouve aujourd'hui un nouveau moyen de continuer à mobiliser ses troupes et d'attirer l'attention des médias. Rien de plus efficace pour faire redoubler d'efforts ses militants que de leur dire qu'on cherche à les faire taire ou à les ignorer. Car, jusqu'à présent, le collectif de Frigide Barjot a su montrer qu'il maîtrisait à la perfection la communication, le sens de la mise en scène et du marketing. Malgré ce soi-disant "déni de démocratie", les opposants au mariage pour tous défileront bien dimanche dans les rues de Paris, sous les yeux des médias. Comme prévu.