Le livre reste le cadeau préféré des Français. Crise oblige, vous n'êtes pas prêt à débourser une vingtaine d'euros pour un grand format ruineux ? L'équation n'a rien d'insoluble. Oubliez le très périssable cru 2014 des prix littéraires. Entrez dans une librairie, sélectionnez en format poche quelques valeurs sûres, filtrées par les lecteurs. La liste idéale de cadeaux littéraires à moins de dix euros pour ces fêtes 2014 ? Elle pourrait s'inspirer de celle-ci :
1. Cherchez la femme, d'Alice Ferney (Babel, 9,90 euros)
Une histoire d'amour. Une idylle se noue entre Serge, brillant et narcissique, et Marianne, ardente et inquiète. Chéri à l'excès par sa mère, lui se prend pour un génie. Elle, plus modeste, plus sincère, se cherche comme artiste. Leur ascension conjointe précipite le divorce. Les malentendus se font lézardes et les failles cassures. Sur ce thème classique, le roman d'Alice Ferney emporte le lecteur dans un tourbillon où le brio de l'écriture fait oublier le fond tragique. Cruel et malicieux.
2. L'homme qui aimait les chiens, de Leonardo Padura (Points Seuil, 9 euros)
Un roman historique. Huit cents pages passionnantes déroulent en parallèle la vie de Léon Trotski en exil et celle de son assassin, Ramon Mercader. Le bras armé de Staline prend ici une épaisseur inattendue. Que sait-on, d'ailleurs, de cet Espagnol devenu colonel du KGB, qui n'a jamais parlé ? Bien peu de choses : idéal pour en faire un héros fascinant. L'histoire, dans le roman, est racontée par un écrivain cubain puisque Mercader a fini sa vie à La Havane, en 1978. Avec, comme seuls amis, des lévriers, chiens qu'il adorait. Comme Trotski, sa victime. Meilleur roman historique de l'année 2011 pour le magazine Lire.
3. L'ombre de l'Eunuque, de Jaume Cabré (Babel, 9,70 euros)
Une saga barcelonaise. Vous avez lu et aimé Confiteor, le roman virtuose du catalan Jaume Cabré, traduit en France l'an dernier ? Vous adorerez L'ombre de l'Eunuque. Même maestria. Même valse à trois temps. Un temps long, celui d'une dynastie barcelonaise, où s'inscrit la durée, plus courte, d'une vie : celle de Miguel, critique d'art jadis engagé dans la lutte armée contre Franco. Et le moment, plus bref encore, d'une passion : celle du héros pour une violoniste. Un chef d'oeuvre ironique et mélancolique, qui éclipse, de très loin, l'ordinaire de la production romanesque.
4. Le garçon incassable, de Florence Seyvos (Points Seuil, 6,30 euros)
Un récit burlesque et émouvant. Le héros du livre, Henri, est un enfant handicapé, contraint à de durs exercices de rééducation. Mû par un amour hors normes, son père veut en faire un être autonome : "un garçon incassable". Vingt ans plus tard, la narratrice se souvient des gestes maladroits d'Henri, son frère d'adoption, en écrivant la biographie de Buster Keaton, star magique et mécanique du cinéma muet. Magique comme ce livre funambule oscillant entre rires et larmes. Prix Renaudot Poche 2014. (En bonus ci-dessous, l'extrait le plus fameux de Steamboat Bill Jr : la tempête).
5. Dora Bruder, de Patrick Modiano (Folio, 6,20 euros)
Un Modiano. Pas plus que Fleur Pellerin, vous n'avez lu le prix Nobel de littérature 2014 ? Commencez par Dora Bruder, enquête qui s'inscrit dans le Paris trouble de la seconde guerre mondiale cher à l'auteur. Point de départ : une annonce parue dans Paris-Soir, fin 1941. "On recherche une jeune fille, Dora Bruder, 15 ans, 1 m 55, visage ovale, yeux gris-marron (...)". L'écrivain va rassembler toutes les pièces du puzzle sur la disparition du foyer familial, pendant quelques mois,de cette adolescente juive qui sera ensuite déportée à Auschwitz, avec son père. Mais il n'éclaircira pas le secret de sa fugue, que nul n'a pu "lui voler". Ni les bourreaux, ni la littérature. Mais celle-ci se nourrit de mystère, et le respecte.
6. Pedigree, de Patrick Modiano (Folio, 6,20 euros)
Encore un Modiano. Vous pouvez aussi choisir Pedigree, où Modiano raconte son enfance et son adolescence. Le livre ouvre bien des portes sur l'univers du Nobel . "Un écrivain, a-t-il dit lors de son discours à l'Académie de Stockholm, est marqué d’une manière indélébile par sa date de naissance et par son temps (...) Je suis comme toutes celles et ceux nés en 1945, un enfant de la guerre". Comme "on rédige un constat", il raconte ses années de construction entre un père absent et mystérieux- ce père juif qui a survécu pendant la guerre en faisant du marché noir- et sa mère actrice. Confié aux uns, aux autres, et même à l'internat, tenu éloigné des activités de ses parents, l'enfant se vit comme étranger à lui-même. Et dans ce livre sec persiste le halo de brouillard qui enveloppe l'oeuvre.
7. Notre cher Marcel est mort ce soir, de Henri Raczymov (Allia, 8 euros)
Une variation sur Proust. Quoi ? Vous n'avez toujours pas ouvert La recherche du temps perdu, malgré les cent ans Du côté de chez Swann célébré l'an dernier ? Ce récit enlevé sur les trois dernières années du plus célèbre snob asthmatique de la littérature française sert d'excellente introduction. On y voit Marcel retouchant inlassablement son manuscrit palimpseste, malgré l'inscription du mot fin. S'interrogeant sur la manière la plus courtoise de se débarrasser d'un amant pesant. Tourmentant la fidèle Céleste, qui cherche en vain à le nourrir, au milieu de ses papiers tachés de verveine. Et recevant jusqu'au bout, à minuit, le tout-Paris littéraire. Léger, érudit, magistral.
8. Pour trois couronnes, de François Garde (Folio, 7,40 euros)
Une légende revisitée. Un jeune homme trouve, dans le tiroir d"un magnat du commerce, un manuscrit. Ce texte bref raconte, à la première personne, l'histoire d'un matelot payé trois couronnes pour faire un enfant à une femme qu'il ne reverra jamais. Payé par la veuve du millionnaire défunt, l'archiviste amateur part enquêter sur les origines de cette histoire, dans une île lointaine qui tient d'Haïti. Les secrets d'une ville tropicale racontée avec verve par un énarque devenu écrivain, sur fond de révolution et d'injustice coloniale.
9. Le maître du jugement dernier, de Léo Perutz (Zulma, 8,95 euros)
Un oeuvre viennoise. La jolie collection Zulma se décline désormais en poche. Elle réédite Le maître du Jugement dernier de Léo Perutz, un des grand romanciers viennois du début du XXe siècle. L'intrigue ? A Vienne en 1909, le corps sans vie d'un acteur célèbre, Eugen Bischoff, est découvert au cours d'un récital, dans un cénacle huppé de la capitale austro-hongroise. Suicide ? Meurtre ? L'enquête devient labyrinthe, le livre vire au fantastique et le lecteur se perd dans un roman noir qui emprunte quelques traits à un ancien collègue de Perutz dans les assurances : un nommé Frantz Kafka.
10. Guerre sale, de Dominique Sylvain (Points Seuil, 7,60 euros)
Un thriller sur la françafrique. Mourir avec un pneu enflammé autour du cou? Un supplice peu fréquent à bord des piscines parisiennes. Ainsi commence, pourtant, ce polar de Dominique Sylvain. Il va entraîner le lecteur entre Paris et l'Afrique sur fond de corruption et de commissions illicites. Dans ce climat glauquissime, le duo Lola Jost-Ingrid Diesel joue du contraste pour faire avancer l'enquête. La première est une commissaire à la retraite peu portée sur les compromissions. La seconde, blonde beauté américaine, est aussi à l'aise sur scène en strip teaseuse qu'en jean-marcel-blouson de cuir dans la rue. Meilleur polar français 2011 du magazine Lire.