Sous le parasol, sur le paréo, dans le sac de plage, pliés, cornés, tordus, ils résisteront au sable, au sel, au soleil et aux gouttelettes d'eau de mer. Dix livres pour les vacances, format poche, crise oblige, à glisser dans la valise :
1. Nous sommes des oiseaux de la tempête qui s'annonce, de Lola Lafon (Babel, 9,70 euros)
Rebelle. Vous avez lu (et aimé) La petite communiste qui ne souriait jamais , ce roman virtuose sur la gymnaste roumaine Nadia Comaneci, récompensé par une avalanche de prix littéraires ? Complétez avec Nous sommes des oiseaux de la tempête qui s'annonce, son précédent roman. L'histoire ? "La narratrice, une danseuse qui ne danse plus, raconte son amie, sa presque-soeur dont le coeur s'est arrêté", résume France Culture. Et puis ... Lola Lafon déroule à nouveau une histoire de corps dressés pour la perfection (ici la danse classique), et de jeunes femmes qui aspirent à leur liberté. Fantaisie, révolte, esprit d'insurrection.
2. Naissance d'un pont, de Maylis de Kérangal (Folio, 7,40 euros)
Constructif. La romancière met en scène dans la ville imaginaire de Coca ( Amérique du Sud ?) une série de personnages, et autant de métiers. Venus de tous horizons, ils s'activent sur le gigantesque chantier de construction d'un pont. Lire Maylis de Kerangal (aussi auteure de Réparer les vivants, grande réussite de la rentrée 2013) permet de réaliser à quel point le travail dans ses aspects techniques, scientifiques ou physiques, est un des grands absents de la littérature française d'aujourd'hui. Naissance d'un pont vient magistralement combler ce vide.
3. Dans l'ombre de la lumière, de Claude Pujade-Renaud (Babel, 8,70 euros)
Vibrant. Dans un roman éblouissant, Claude Pujade-Renaud donne voix à la compagne de Saint-Augustin, quasi-ignorée dans les Confessions. Elissa raconte avec chaleur et passion le destin exceptionnel de l'évêque d'Hippone. Leur histoire d'amour dans un Carthage paradisiaque. Le départ pour l'Italie et la naissance de leur enfant, qu'il lui prendra, avant de la répudier. De cet homme là, changeant et multiforme, la romancière fait un portrait exceptionnel, dont les angoisses font écho à celles de l'empire romain à l'agonie (Rome sera mise à sac en 410). Sombre et pourtant lumineux.
4. Les enfants d'Alexandrie, de Françoise Chandernagor (LgF, 7,60 euros)
Antique. Remontons quatre siècles et quittons Carthage pour Alexandrie, au temps des amours de Cléopâtre et Marc Antoine. Françoise Chandernagor entrelace l'histoire des combats de Marc Antoine (vaillant général et piètre politique) et la destinée de Cléopâtre, reine d'Egypte sans guère d'autre pouvoir que celui de choisir son protecteur. Un grand roman historique et cruel, qui s'ouvre sur une scène totalement inoubliable, celle du triomphe d'Octave traînant sous le soleil, attachés à un char, les trois enfants d'Antoine et Cléopâtre, fardés pour le spectacle et suppliciés pour une plus grande gloire du nouvel empereur.
5. La vie rêvée d'Ernesto G. , de Jean-Michel Ghenassia (LgF, 7,90 euros)
Prenant. Sachez-le, Ernesto Che Guevara ne fait que passer dans ce roman captivant. Le héros s'appelle Joseph Kaplan, émouvant personnage de médecin juif tchèque ballotté par un XXe siècle tourmenté. De Prague à Paris et d'Alger à Prague, il verra sa vie menacée ou malmenée par le nazisme, puis par les régimes communistes mis en place pendant et après la guerre froide. Cette saga couvre cent ans d'histoire et assure des heures de bonheur de lecture.
6. Que tous nous veuille absoudre, Stéphanie Janicot (J'ai Lu, 7,10 euros)
Rédempteur. "Mais priez Dieu, Que tous nous veuille absoudre ..." On a reconnu le refrain lancinant de François Villon dans La ballade des pendus. Le roman de Stéphane Janicot conte l'histoire d'une reporter de guerre, blessée dans un attentat à la voiture piégée, où son mari est mort. Une survivante, qui, tous les jours, place de la Contrescarpe à Paris, entend un enfant de Sarajevo faire d'étranges prophéties ... Guerres, attentats, migrations en Europe, tous les éléments résonnent plus forts encore aujourd'hui qu'à la sortie du roman il y a quatre ans. Et, comme toujours chez l'écrivain, se dessine la possibilité de retisser des liens et recomposer à sa guise une famille de coeur.
7. Nous étions faits pour être heureux, de Véronique Olmi (LgF, 6,60 euros)
Addictif. Pourquoi Serge, 60 ans, à qui tout a réussi dans la vie - fortune, jolie femme etc. - tombe-t-il amoureux d'une accordeuse de piano qui n'a rien d'extraordinaire ? Que doit cette passion subite à un coin d'enfance enfoui? Avouons-le, les romans de Véronique Olmi ont tout de la barre chocolatée. C'est trop sucré, mais c'est si bon.
8. Indigo de Catherine Cusset (Folio, 6,46 euros)
Burlesque. Indigo ... Inde, I go ! L'intrigue du dernier Catherine Cusset ? L'Alliance Française du Kérala (sud de l'Inde) invite pendant une semaine trois intellectuels français (dont une Française résidant à New York, comme l'auteure) à un festival culturel. L'occasion pour nos héros de sonder leurs coeurs (des amourettes se noueront), leurs vanités et leurs blessures dans des tribulations tantôt burlesques tantôt poignantes. Et, comme toujours en Inde, rien ne se passe comme prévu. Plume trempée dans l'humour et un brin de mélancolie par une romancière aguerrie..
9. La grâce des brigands, de Véronique Ovaldé (Points Seuil, 6,90 euros)
Fantaisiste. Los Angeles, un décor de carton-pâte et d'illusions autour de Maria-Cristina, qui a fui l'univers confiné d'une petite ville enneigée pour les mirages hollywoodiens. Et se consacre désormais à l'écriture, après avoir été secrétaire et maîtresse d'un écrivain prestigieux. Mais quand sa mère, perdue de vue depuis des lustres, l'appelle pour lui demander d'adopter le fils de sa soeur ... Loufoque et inattendu, un délice signé Ovaldé.
10. Le Pont invisible de Julie Orringer (Points Seuil, 9,50 euros).
Excellent. L'histoire d'un jeune étudiant architecte, juif hongrois, et de sa famille, pendant la Seconde guerre mondiale, de Paris à Budapest. Volumineuse saga familiale, en grande partie autobiographique (l'auteure, américaine, s'est inspirée du destin de son grand-père, qui a émigré aux Etats-Unis après guerre). Tout à gagner à l'acheter en poche : les pages du grand format se plient et se froissent sous le vent comme du papier bible.