Bourse plate et cerveau vide, si près de Noël ? Rappelons-le, le livre reste en tête des cadeaux préféré des Français pour les fêtes, selon Livres Hebdo. Et les meilleurs sont en poche, puisque déjà lus et approuvés par les lecteurs (en grand format). Voici, éclectique, une liste où puiser, en désespoir de dernière minute, dix  idées de livres récents ou réédités, à moins de dix euros:

1. Zulu : un maxi-polar sur l'Afrique du Sud post-apartheid (8,20 euros)

Sorti en décembre, le film Zulu ne doit pas vous dissuader de lire le polar de Caryl Férey (Folio) dont il est issu. Car le livre fouille davantage les blessures de l'Afrique du sud post-apartheid, ses querelles non-vidées et le rôle trouble de l'Inkhata, milice zouloue alliée du pouvoir blanc.

Quant au héros, Ali Neuman, chef noir de la police criminelle de Cape Town, il y est campé en commissaire  plus vif que celui joué par Forest Whitaker. "Sombre et enragé, écrivait L'Express, Zulu est un roman à couper le souffle, digne des plaquages les plus désespérés".  Une lecture prolongeant sans niaiserie la Mandelamania qui a saisi la planète, après la mort, le 5 décembre du plus célèbre prisonnier de Robben Island.

2. Ce qu'il advint du sauvage blanc : égaré entre deux cultures (7,20 euros) 

"Au milieu du XIXe siècle, Narcisse Pelletier, un jeune matelot français, est abandonné sur une plage d'Australie. Dix-sept ans plus tard, un navire anglais le retrouve par hasard : il vit nu, tatoué, sait chasser et pêcher à la manière de la tribu qui l'a recueilli. Il a perdu l'usage de la langue française et oublié son nom. Octave de Vallombrun, celui qui va recueillir à Sydney, le "sauvage blanc", s'interroge. Que s'est-il passé pendant 17 ans?"

Couronnée de multiples prix, dont le Goncourt du premier roman 2012, cette robinsonnade explore les inconnues d'une histoire vraie, et décrit avec justesse un égaré entre deux cultures. Il est signé d'un condisciple de Pierre Moscovici à l'Ena: François Garde. Retenez son nom: avec deux fictions seulement à son actif (toutes deux des contes insulaires), cet ancien administrateur des terres australes et antarctiques, un temps directeur de la station de ski de Val d'Isère, est désormais suivi de près par la critique.

3. Du côté de chez Swann : Proust vous explique tout sur les réseaux (7,20 euros)

Longtemps vous vous êtes couché de bonne heure sans ouvrir La recherche du temps perdu ? Il est temps de réparer ce trou béant, en ce centenaire de la publication de Du côté de chez Swann, premier tome de l'oeuvre.

Car de quoi parle Marcel Proust, ce mondain angoissé, sinon des ressorts des réseaux ? Ragots, suivisme, panurgisme, jalousie ...Vous l'avez compris: cent ans plus tard, le nouveau salon des Verdurin, ces bourgeois parisiens fascinés par l'élite aristocratique des Guermantes,  s'appelle Twitter,  avec sa subtile hiérarchie abonnements/abonnés (ceux qui vous plaisent / ceux à qui vous plaisez). Mais qui sont donc les Guermantes, cette élite vouée à la disparition ?

4. Happé par Sempé :  une certaine idée du bonheur (7 euros)

Petite merveille que ces soixante-dix pages d'hommage au dessinateur Sempé, signées Christophe Carlier  (Happé par Sempé, Serge Safran éditeur). Un romancier drôle et subtil pour analyser le charme d'un dessinateur décalé et amateur de "nonsense", quoi de mieux ?

Sempé a "changé le monde", écrit Christophe Carlier, en mettant en scène "ces moments simples où l'absurdité nous sourit au lieu de nous détruire". Pourquoi lui a-t-il consacré ce délicieux opus fraîchement paru? Pour "savoir, explique-t-il, d'où venait cet homme -Sempé - qui a servi toute sa vie une certaine idée du bonheur". Une idée contagieuse.

5. Alcools d'Apollinaire : fort, évidemment (7 euros. Ou 9)

Il a fallu 95 ans à l'oeuvre d'Apollinaire pour tomber, cette année, dans le domaine public. Le Point a décortiqué ce long chemin : 50 ans, durée classique + 30 ans pour être mort à la guerre + seconde guerre mondiale ...

Ce qui n'empêche pas les éditeurs de publier et republier Alcools, le plus connu des recueil du poète. Points Seuil propose à 9 euros une version illustrée par Ludovic Debeurme, dessinateur fasciné par l'étrange, les rêves et la psychanalyse. Pourquoi pas, même si l'on peut s'en tenir au classique Poésies Gallimard (7 euros seulement), pour relire inlassablement le Pont Mirabeau.  "Vienne la nuit sonne l'heure..."

6. Encore un mot : pourvu qu'il soit juste (6,70 euros)

Encore un mot rassemble les billets d' Etienne de Montety. D'une plume virtuose, le directeur du Figaro Littéraire s'interroge sur les mots du jour. Il remet ainsi à leur place les cuistres qui s'en étaient pris au terme "méprisance"  employé par Nicolas Sarkozy.

"Le mot ne figurant pas au dictionnaire des éléments de langage, les beaux esprits se sont aussitôt esclaffés. "Méprisance dites-vous ?" Haro sur l'orateur. Vous vous êtes mépris, messeigneurs. Rentrez votre moue méprisante. Le mot existe, bien sûr. Lecteurs assidus de la Princesse de Clèves, vous devriez avoir des lettres qui remontent à loin. Méprisance, on le trouve à la lettre M, entre mépris et méprise." Brillant et assassin, il rappelle que la prétention mal placée n'est pas la plus judicieuse des armes politiques.

 

7. Noces suivi de L'été : un Camus solaire (6 euros)

Pour célébrer le centenaire d'Albert Camus (né en Algérie le 7 novembre 1913), contournez en librairie  les panneaux consacrés aux oeuvres complètes ou aux romans sinistres de l'auteur (La Peste, L'Etranger ...).

Foncez au rayon classiques, et ouvrez son livre le plus solaire, Noces suivi de l'Eté (Folio).   "Au printemps, Tipasa est habité par les dieux et les dieux parlent dans le soleil et l'odeur des absinthes, la mer cuirassée d'argent, le ciel bleu écru, les ruines couvertes de fleurs et la lumière à gros bouillons dans les amas de pierres".

La suite est accessible sur ce site canadien offrant des téléchargements ... strictement prohibés dans l'hexagone. En vertu de la loi française sur le droit d'auteur, les oeuvres d'Albert Camus ne tomberont en France dans le domaine public que soixante-dix ans après sa mort (donc le 4 janvier 2030), contre cinquante ans au Canada.

 

8. Bâtir la civilisation du temps libéré : visionnaire André Gorz  (5,80 euros)

Quand un couple d'octogénaires a été retrouvé mort, main dans la main, dans une chambre de l'hôtel Lutétia, fin novembre, plus d'un lecteur s'est souvenu d'André Gorz (1923-2007). Ce philosophe et journaliste s'est suicidé en 2007 avec sa femme Dorine, à qui il avait dédié Lettre à D., Histoire d'un amour de cinquante ans.

D'André Gorz, qui co-fonda Le Nouvel Observateur, viennent d'être réédités trois articles, sous le titre Bâtir la civilisation du temps libéré (Les liens qui libèrent/Le Monde diplomatique). Ce petit livre de 60 pages reste d'une pertinence confondante. Si comme InternetActu l'a analysé, notre société progresse vers une innovation sans emploi, "que doit être une société dans laquelle le travail à temps plein n'est plus nécessaire, ni économiquement utile ? "  Et d'esquisser des pistes, qui vont du travail partagé au revenu de base. Avec ce postulat préalable : "rompre avec l'idéologie de la croissance".

9. Disparitions : un mini-polar percutant (4 euros)

Vous ne connaissez pas Dominique Sylvain, l'auteur de Guerre sale, roman sur les méandres de la Françafrique élu meilleur polar 2011 par la rédaction de Lire ?

Erreur à réparer d"urgence avec Disparitions (éditions in8). L'intrigue ? Une femme cherche à récupérer sa fille, enlevée par son compagnon, parti avec la mère porteuse. Vous suivez ?  Une nouvelle choc de trente pages rédigée dans ce style direct-du-droit dont le lecteur sort groggy, et obscurément content (malgré une fin ténébreuse). Et un apéritif avant la suite de Guerre sale, annoncée pour 2014.

 

10. Description de la peste de Florence : Machiavel pour 0 euro

Faut-il rappeler qu'il y a foultitude de livres gratuits sur Internet et d'immenses bibliothèques à portée de clic? A l'heure où la peste sévit à Madagascar, et - qui sait,  bientôt en France ? puisons sur Wikisource cette Description de la peste de Florence par Machiavel, médusante flânerie au milieu des mourants et -mais oui- quasi-scène de drague dans Florence qui agonise. Une idée parmi d'autres de romans, fictions, nouvelles, récits gratuits à offrir (une fois imprimés au bureau).

Cette même oeuvre de Machiavel existe, avons-nous découverts, en livre audio, téléchargeable sur le site d'une association de bénévoles pour malvoyants. Une banque sonore littéraire pour malvoyants, conducteurs de voiture ou marathoniens du dimanche, voilà qui requiert du temps, mais assez peu d'argent.

Note finale : ça ne vous a pas échappé, de la conception à la fabrication,  toutes les propositions ci-dessus sont (sauf erreur) du "made in France" qui n'explose pas le budget.