Au fait, que reprochait Ségolène Royal à François Hollande et Jean-Marc Ayrault, dans son dernier livre ?

Ségolène Royal a été nommée mercredi ministre de l'Ecologie dans le gouvernement Valls. Voilà qui permet de relire d'un oeil neuf quelques passages de "Cette belle idée du courage".

Paru en mai 2013, ce livre de portraits (Mandela, Jaurès, Jeanne d'Arc ...) contenait quelques critiques larvées contre Jean-Marc Ayrault (alors premier ministre), et François Hollande (toujours président). Rappel

Critiques de la ligne Hollande

Quel président passe pour avoir pris les mesures s'imposant en temps de crise, dans les années 30, avec son New DealFranklin D. Roosevelt (1882-1945), aujourd'hui brandi comme un étendard par les opposants à l'austérité.

Ségolène Royal rendait dans l'ouvrage un vibrant hommage au président américain,  vantant notamment l'"impressionnant bilan des cent premiers jours de son premier mandat". Sans arrière-pensée ?

Qui visait-elle en écrivant :  Roosevelt "désigne les vrais responsables de l'essor des fascismes militaristes et des populismes autoritaires : des gouvernements velléitaires et prisonniers des vieux schémas donc impuissants" (p.236) ?

Et quand elle concluait: "Le courage de Roosevelt ...prouve qu'on peut tenir la dragée haute, aujourd'hui comme hier, aux lobbies financiers qui, à nouveau, se croient tout permis et rêvent, comme leurs lointains prédécesseurs américains, de coloniser les Etats. Le courage de Roosevelt fut de comprendre qu'un peu d'hétérodoxie économique est la condition de politiques créatives et efficaces" (p.238) ?  Allô, l'adversaire du "monde de la finance" ?

Pique à Jean-Marc Ayrault :

Ségolène Royal relatait comment, députée des Deux-Sèvres, elle avait obtenu en 1990 l'aide de François Mitterrand pour faire "bifurquer l'itinéraire de l'autoroute Nantes-Niort vers le nord de Niort, au lieu de massacrer, au sud, le Marais poitevin" (page 210). 

"Depuis des mois", ajoutait-elle, "la presse est pleine de cette polémique qui n'est pas sans rappeler celle de Notre-Dame-des-Landes. On a été traités de 'grenouilles du Marais poitevin voulant sauver des champs d'orties'".

La "grenouille poitevine" soutient-elle les manifestants nantais opposés au futur aéroport ? Pas impossible puisqu'elle avait déjà remis en cause le projet, en octobre 2011, lors de la primaire socialiste. La toute nouvelle ministre de l'Ecologie a désormais le dossier entre ses mains.

En vantant "la belle idée du courage", la présidente de Poitou-Charente se montrait surtout prête à affronter tempête et grand vent, et toujours disposée à se retrousser les manches. Avec un an de retard, le message est parvenu à l'Elysée.

-> Cette belle idée du courage, de Ségolène Royal (Grasset, 19 euros)

Quelques autres points saillants du livre :

La dédicace : "A mes quatre enfants , sources de courage et de gaieté inépuisables". L'auteure se présente d'emblée en mère de famille (et élude le père qui siège à l'Elysée).

L'entrée en matière : Citation intégrale du plus connu des poèmes de Rudyard Kipling, "Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie/Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir..." ("Tu seras un Homme mon fils"). En français : toujours prête à repartir au combat.

La première phrase : "Panser ses plaies et repartir". Une citation de Paulo Coelho qu'on lui a "maintes fois envoyée" pour l'encourager à aller de l'avant.

La dernière phrase : "Et vous l'aurez constaté, les épreuves, parfois surhumaines, n'empêchent jamais la joie de vivre".

ENA et féminisme : si l'épisode est connu, Ségolène Royal rappelle néanmoins "la stupéfaction générale et les regards mi-goguenards mi-méprisants des 150 nouveaux reçus à l'Ena" (p.133) lorsqu'elle qu'elle proposa de baptiser du nom de Louise Michel (institutrice, anarchiste et héroïne de la Commune, 1830-1905) sa promotion devenue célèbre sous le nom de Voltaire.

Elle souligne qu'il n'y avait alors qu'une seule promotion au nom féminin : "la philosophe Simone Weil, exception de l'année 1972". Un coup d'oeil à la dernière liste des promotions de l'Ena permet de vérifier qu'en plus d'un quart de siècle, la parité des appellations n'a quasiment pas progressé.