Dans son dernier roman paru fin août chez Flammarion, Les lisières (qui passait pour sérieux candidat au Goncourt avant d'être évincé de la première sélection), Olivier Adam, peintre et romancier social d'une France en perdition, fait revenir le narrateur du livre, Paul (qui lui ressemble beaucoup), sur les lieux de son enfance. Une ville sans âme de la périphérie parisienne, où le collège sert de machine à éliminer. Extrait.
"Pour la plupart, l’écrémage avait eu lieu dès le collège, la machine était en marche et elle était impitoyable et bien rodée : CAP ou déscolarisation pour les garçons de la cité, bac pro pour les filles, bac technique pour les lotissements bas de gamme et les pavillons modestes, lycée puis BTS pour les lotissements milieu de gamme, université pour les maisons du centre-ville, grandes écoles, écoles d’ingénieur écoles de commerce pharmacie vétérinaire médecine pour les enfants des résidences haut de gamme.
Bien sûr il y avait des exceptions, dans toutes les classes et dans tous les sens, mon frère et moi en étions la preuve, mais c’était la règle générale, elle était établie depuis longtemps, les classes dominantes s’employaient depuis toujours à la maintenir en l’état, à l’entretenir, la huiler, la lubrifier, la visser, la perfectionner, et ni les politiques ni l’école n’y pourraient jamais grand-chose."
L'œil du romancier voit juste. L'enquête PISA 2009 (le Programme international pour le suivi des acquis des élèves, qui compare les résultats scolaires dans 65 pays) révèle qu'en France, l'école ne parvient pas à corriger les inégalités de départ et que ces inégalités se sont accrues pendant la décennie 2000-2010.
Pire encore, "l'impact du milieu socio-économique sur la performance y est plus grand que la moyenne OCDE". Pour tenir la promesse du candidat Hollande de "redonner espoir aux jeunes générations", il faudra davantage qu'une visite présidentielle au collège Youri Gagarine de Trappes, la veille de la rentrée.