Gérard de Villiers est mort jeudi à 83 ans, après avoir publié cet automne son 200e SAS, La Vengeance du Kremlin, autour de la mort de Boris Berezovski (oligarque russe retrouvé sans vie dans sa villa en Angleterre, en mars dernier). Le dernier opus du romancier d'espionnage aura donc été un retour aux fondamentaux de la guerre froide.
Avant de mourir, le créateur de SAS a pu savourer, en 2013, d'élogieux articles de la part d'une presse qui l'avait jusque là négligé.
Six mois après Le New York Times (Le romancier espion qui en savait trop), c'était en effet au Monde (Magazine) de lui consacrer en août un long papier intitulé Itinéraire d'un réac et signé Ariane Chemin et Judith Perrignon. Enfin la reconnaissance qu'attendait l'auteur octogénaire et multimillionaire de SAS puisqu'il reproduisait la totalité de l'article à la fin de son ultime ouvrage.
Le Monde affirmait qu'il rêvait aussi d'Hollywood et que "Random House, le plus gros éditeur américain", lui aurait offert un joli contrat "pour les droits de cinq de ses SAS". Il n'en verra pas la concrétisation.
"Pour être informé, lisez Gérard de Villiers !"
Pourquoi Le Monde avait-il enfin braqué les projecteurs sur l'inventeur du prince Malko, célébrant "ce morceau de patrimoine populaire qu'est Son Altesse Sérénissime, alias SAS", après des dizaines et des dizaines de best sellers?
Parce que l'écrivain sortait son 200e SAS, mais aussi pour emboîter le pas au New York Times. Comme le quotidien américain, les journalistes françaises se faisaient l'écho des contacts du romancier à la DGSE (service de contre-espionnage français). Le New York Times affirmait même que, puisée aux meilleures sources, la série SAS fourmillait de révélations. "Pour être informé (sur l'actualité internationale), lisez Gérard de Villiers"! proclamait-il en substance.
En témoignait notamment, en 2010, un SAS qui a marqué les esprits. La liste Hariri avait surpris les spécialistes par son luxe de détails sur le complot contre l'ancien premier ministre libanais Rafic Hariri, tué à Beyrouth dans un attentat en 2005. Des précisions issues d'un rapport ultra-confidentiel des services de renseignement libanais.
L'auteur des 200 SAS, un "mâle blanc du siècle dernier"
Moins laudatif tout de même que Le New York Times, le quotidien du soir dépeignait le romancier en "mâle blanc du siècle dernier", politiquement extrêmement à droite, misogyne et peu avare de blagues racistes. Mais gardant néanmoins d'étonnantes amitiés puisque Claude Lanzmann, l'ex-amant de Simone de Beauvoir, auteur du film Shoah et intellectuel reconnu, n'hésitait pas à passer des vacances "chez Gérard" à Saint-Tropez.
Hubert Védrine, relatait déjà Le New York Times, l'avait convié au Quai d'Orsay quand il était ministre des Affaires étrangères de Lionel Jospin, il y a plus d'une décennie.
Autre titre de gloire, il était l'auteur favori de l'ancien président Jacques Chirac en vacances. Dans Bonnes vacances, Monsieur Le Président, un documentaire de Bertrand Delais rediffusé cet été sur la chaîne parlementaire LCP, un chauffeur assurait avoir acheté tous les Gérard de Villiers pour l'ex-chef de l'Etat. Jacques Chirac, paraît-il, les dévorait sur les plages qu'il affectionnait, à l'île Maurice ou ailleurs.
En revanche, le romancier ne goûtait guère François Hollande traité au passage, dans Le Monde, d'"apparatchik grassouillet". On imagine que l'Elysée ne tiendra pas rancune, en ce 1er novembre, à l'un des écrivains français les plus populaires depuis un demi-siècle.