Les dessous des patrons

Ernest-Antoine Seilliere, Jean Claude Mailly, Laurence Parisot, Jouy-en-Josas le 30 septembre 2005

               Les patrons ne font pas de politique. Les patrons, pas tous, mais le patronat ? Le patronat lui, il flirte avec la politique. Bernard Giroux, qui vient de publier "MEDEF: les confidences d'un aparatchik" ( éditions de l'Archipel), en a été un témoin privilégié. Il est entré au CNPF au début des années 80 pour ne quitter le service de communication du MEDEF qu’en 2003. Près de 25 ans c’est largement suffisant pour bien connaître les petites histoires du patronat.

En 1981, c'est le branle-bas de combat dans les couloirs du CNPF.

                On n’en connaît souvent que la « vitrine », c’est à dire le patron des patrons, mais à travers les portraits des présidents successifs du patronat français depuis 1980 c’est la face cachée de cette « curieuse maison », que Bernard Giroux dessine les relations sociales et la politique économique de la France. Mais pour ce faire il va chercher des anecdotes bien avant son arrivée.

Ainsi en Avril 1968 François Ceyrac (qui apprit son métier de terrassier par des ouvriers …communistes) souffre d’une hernie discale et il doit être opéré. Le négociateur social du patronat décroche donc son téléphone et demande à André Bergeron pour Force Ouvrière et Henri Krasucki pour la CGT pour les prévenir qu’il doit se faire opérer. Les deux se veulent rassurants et lui donne la même réponse : « tout est calme… ». Le patron se fera opérer et passera «  à coté » de mai 68…

Pendant la campagne de l’élection présidentielle de 1981 les émissaires de Valery Giscard d’Estaing viendront demander un coup de main au patronat. Le service de presse du CNPF devient alors un cabinet noir, fournissant des articles et des éditoriaux « clés en mains » à la presse, notamment régionale. Des articles qui expliquaient (déjà ?) que « les entreprises subissent beaucoup de contraintes dans un environnement de plus en plus difficile ». Giscard est donné battu et dès le soir du premier tour, dans les couloirs du patronat on pilonne et on détruit des documents, certains iront même jusque les cacher chez eux.

Et de l’influence de l’IUMM dans l’histoire du patronat français. L’Union des Industries et des Métiers de la Métallurgie et ses valises pour aider au dialogue social ou même au dialogue international, dans les pays d’Europe de l’Est. Les représentants de l’UIMM qui diront en 1997 à Jean Gandois, alors président du CNPF: «  Vous ne dirigez plus que votre secrétaire… » Le début de la fin d’une présidence, quelques semaines plus tard sur les marches de Matignon Jean Gandois expliquera qu’il a été « berné » par son ancienne collaboratrice, Martine Aubry, ministre des affaires sociales.

 

Le "baron" à la tête des patrons

Jean Gandois démissionne avant la mise en place des 35 heures. Il sera remplacé par Ernest Antoine Sellière. Le CNPF a vécu, il devient le MEDEF, et les 35 heures sont le principal cheval de bataille du patronat.

Le baron Sellière, ou « EAS » pour ses proches, rencontre pour la première fois François Hollande, alors le patron du PS, il lui trouve un air coincé :

« Monsieur le Premier secrétaire vous n’êtes pas souriant avec les télés et les photographes.

- C’est parce que vous me broyez la main ! »

rencontre de François Hollande et Ernest Antoine Seilliere le 13 janvier 1999

rencontre de François Hollande et Ernest Antoine Seilliere le 13 janvier 1999

C’est dans les petites histoires du patronat que l’acuité et le second degré de Bernard Giroux sévissent le plus (un second degré bien connu des journalistes qui ont suivit les longues nuits de négociations entre partenaires sociaux au siège du MEDEF).

Ainsi, Ernest Antoine Sellière, dans une soirée jet-set demande à sa voisine ce qu’elle fait dans la vie, sans se rendre compte qu’il dine à coté d’Elizabeth Taylor. Ou Laurence Parisot qui, dit Bernard Giroux, aime tant son personnel qu’elle ne supporte pas de...partager son ascenseur.

Un livre pour ceux qui s’intéressent aux dessous de la vie sociale en France, à quelques semaines de l’élection du prochain patron des patrons, le successeur de Laurence Parisot.

MEDEF: confidences d'un aparatchick. Bernard GIROUX. Editions de l'Archipel

Martin Gouesse

 

Publié par Anne Brigaudeau / Catégories : Actu