Alors qu'un vent de fronde souffle sur le corps enseignant, le ministre de l'Education nationale Vincent Peillon s'apprête à publier les 14 ou 21 février prochain un livre sur sa vision de l'école. Belle occasion de revenir sur les facilités de plume (plus que d'action ?) des locataires de la rue de Grenelle. Des biographes, théoriciens ou pédagogues hors pair ... sur le papier.
Commençons par l'actuel titulaire du poste. Agrégé de philosophie, Vincent Peillon sait manier le clavier et les idées, comme le prouve une bibliographie fournie qui oscille entre philosophie (une passion pour Merleau-Ponty) et politique (il a brossé les portraits de plusieurs figures de la gauche française pré-marxiste, comme Jean Jaurès ou Pierre Leroux).
Sur la question scolaire, il a co-signé un débat avec un de ses prédécesseurs rue de Grenelle, Xavier Darcos (Peut-on améliorer l'école sans dépenser plus ? 2009), mais s'est surtout intéressé à Ferdinand Buisson (1841-1932), prix Nobel de la paix et grand défenseur de l'enseignement laïc (Une religion pour la République : la foi laïque de Ferdinand Buisson, 2010).
A 52 ans et avec 14 ouvrages à son actif (en incluant celui de février) , il a encore de la marge pour rattraper Jack Lang, 73 ans (à la tête de l'Education nationale de 1991 à 1993 et de 2000 à 2002), ou Xavier Darcos, 65 ans, locataire rue de Grenelle de 2007 à 2009 sous Nicolas Sarkozy, à qui l'on doit la très contestée semaine de quatre jours à l'école.
Vingt-trois livres chacun, dont quelques-uns sur l'enseignement : l'agrégé de droit socialiste vantait dès 2003 les ambitions d'Une école élitaire pour tous. Quant à l'agrégé de lettres classiques UMP (qui a également commis des manuels scolaires, des biographies de Mérimée et des anthologies de la poésie française), il a débattu avec le chercheur (de gauche) Philippe Meirieu (Deux voix pour une école, 2003).
Mais la palme d'or éditoriale revient à Luc Ferry, ministre de l'Education nationale de 2002 à 2004, sous Jacques Chirac. A 62 ans, cet agrégé de philosophie ne connaît pas la crise, notait Le Figaro en mars 2011 : il compte parmi ses 29 livres plusieurs best-sellers (Apprendre à vivre, tomes 1 et 2 et, en 2011, une autobiographie, L'Anticonformiste) et les lecteurs se pressent à ses conférences, même payantes.
Comme les autres, il a couché par écrit ses idées sur l'Education nationale : Lettres à tous ceux qui aiment l'école avec Claudie Haigneré et avec son (futur) successeur Xavier Darcos (en 2003) ou Combattre l'illettrisme (2009, texte issu d'un rapport du Conseil d'analyse de la société, qu'il présidait alors).
A deux notables exceptions près (deux non-universitaires : un certain ... François Fillon, de 2004 à 2005, et Luc Chatel, dernier locataire de la rue de Grenelle sous Sarkozy, de 2009 à 2012), nos récents ministres de l'Education n'ont jamais hésité à distribuer en librairie leurs exposés sur la jeunesse. Y compris, comme Vincent Peillon, lorsqu'ils sont en exercice.
Saluons leurs aptitudes à la dissertation et à l'argumentation. Dommage, comme l'attestent les classements PISA (qui comparent le niveau d'éducation dans les différents pays de l'OCDE), que ces qualités reculent en France.
Faut-il rappeler qu'il y a urgence à agir tout autant qu'à écrire ? Les parents, qui savent de moins en moins à quel saint (laïc) se vouer, essuient depuis des années les plâtres des réformes successives. Et recourent de plus en plus, quand ils en ont les moyens, aux solutions alternatives, comme le prouve le boom de l'enseignement privé (qui s'est souvent bien gardé d'appliquer la réforme Sarkozy des quatre jours d'école par semaine, dont l'actuel gouvernement a tant de mal à se dépêtrer).