Comment gagner des milliards ? Dans L'Etat au régime, qui paraît au Seuil le 20 septembre, René Dosière récidive. Après s'en être pris au train de vie de l'Elysée sous Nicolas Sarkozy, le député socialiste épingle les gaspillages tous azimuts : Assemblée, Sénat, gouvernement, collectivités territoriales ...
Partout, estime-t-il, existent des gisements d'économie. Comment convaincre les électeurs de se serrer la ceinture si les élus ne sont pas exemplaires ? Passage en revue.
Elysée : davantage de personnel qu'à la Maison Blanche
Diagnostic : peut mieux faire.
Si René Dosière se félicite que la présidence de la République dispose depuis 2008 d'un budget propre, donc plus transparent (elle puisait auparavant dans d'autres caisses, notamment ministérielles), il juge possible des économies d'effectifs. A l'Elysée, note-t-il, on comptait 882 personnes au 1er janvier 2012 contre 583 à la Maison-Blanche et 527 à la Chancellerie allemande.
Prescription : "abaisser les effectifs du personnel de la présidence à 600 personnes".
Gains espérés : "une économie globale de 39 millions d'euros paraît réalisable" (sur 115,658 millions d'euros de dépenses en 2011).
Gouvernement : combien coûte un cabinet ministériel ?
Diagnostic : le député décerne un satisfecit au gouvernement Ayrault pour la diminution de 30% des ministres et la réduction à 15 maximum du nombre de leurs collaborateurs, mais s'attarde sur cette étrangeté : "les rémunérations des cabinets ministériels ne sont pas connues".
Les efforts d'exemplarité vont-ils "s'inscrire dans la durée" ? Difficile à vérifier puisqu'il n'existe pas de document unique regroupant "l'ensemble des données concernant le fonctionnement des cabinets ministériels".
Prescription : L'idée est de créer un document qui mentionnera"effectifs des cabinets ministériels, rémunérations des membres de cabinet, plafond de dotations ministérielles, composition du parc automobile, superfice et valeur locative du logement de fonction".
Ce qui permettra, année après année, d'apprécier les efforts fournis. "Un tel document pourrait être disponible pour le budget de l'année 2014, c'est à dire à l'automne 2013".
Assemblée : les polémiques "indemnités représentatives"
Diagnostic : le député Dosière se montre plutôt indulgent avec l'institution qui le nourrit. L'Assemblée nationale dispose pourtant d'un coquet budget, équivalent à celui de la ville de Nice avec 526,9 millions d'euros en 2011.
N'y aurait-il rien à redire au train de vie d'un élu du Palais-Bourbon ? Glissons sur les menus avantages (carte de train, vols gratuits Paris-province, forfait téléphonique de 4200 euros annuels..) pour aller à l'essentiel : l'élu du Palais-Bourbon touche une indemnité nette de 5818 euros, une enveloppe de 9138 euros mensuels pour recruter des collaborateurs, et 5899 euros nets d'indemnité représentative de frais de mandat (IRFM). C'est l'indemnité qui fâche le plus puisqu'elle n'est ni fiscalisée, ni soumise à contrôle.
Dans un rapport publié en janvier 2012, la commission pour la transparence de la vie financière avait pourtant souligné que l'IRFM "contribue pour la durée d'un mandat à un enrichissement oscillant entre 1400 euros et 200.000 euros", soit une somme parfois rondelette.
Prescription : le député estime qu'au nom de la séparation des pouvoirs, le contrôle doit être assuré par l'Assemblée elle-même et pourrait être confié à la commission de vérification des comptes.
Gains espérés : non chiffrés. René Dosière préfère insister sur les économies déjà réalisées. De 2006 à 2011, le budget du Palais-Bourbon a baissé, selon lui, de 6,5% "si l'on prend en compte l'inflation".
Sénat : des effectifs pléthoriques ?
Diagnostic : le député sort l'arme lourde contre la chambre haute. "Les dépenses du Sénat", qui disposait d'un budget de 333,157 millions d'euros en 2011, "ont augmenté 7,5 fois plus vite que celles de l'Assemblée sur la même période 2006-2011". Quant au personnel du palais du Luxembourg, il équivaut à celui de l'Assemblée (1338 contre 1337) alors que les sénateurs sont moins nombreux que les députés (348 contre 577).
Prescription : "Ces quelques éléments suffisent à montrer que des économies sont possibles et nécessaires au Sénat. Il appartient aux sénateurs d'en déterminer les modalités". Laconique et explicite.
Collectivités territoriales : à quand la fin des cumulards ?
Diagnostic : du Canard enchaîné au Point, c'est le chapitre qui a le plus retenu l'attention. Pourtant, "la dette est à 78% le fait de l'Etat et, secondairement, de la sécurité sociale, à hauteur de 12%. Les 10% restants concernent le secteur local qui, depuis des années, reste sensiblement au même niveau".
Néanmoins, pour alléger les 240 milliards d'euros annuels de coût, il reste à simplifier le "millefeuille administratif" (communes, syndicats de communes ...) et à moraliser les pratiques. Heureux le député qui exerce une fonction locale puisqu'il peut cumuler jusqu'à 8272 euros mensuels. Au-delà du plafond, il peut attribuer le montant écrêté de ses indemnités à un ou plusieurs de ses collègues. De quoi susciter des fidélités, et entretenir des féodalités.
Prescription : "une règle simple devrait s'appliquer : en cas de cumul, l'élu ne peut percevoir qu'une seule indemnité à son choix", en attendant l'application réelle du non-cumul des mandats, prévue dans le programme du candidat Hollande et toujours pas en vigueur.
Gains espérés : "Attention,prévient l'auteur, instaurer le non-cumul des mandats n'est pas forcément facteur d'économies. Mais l'instauration du non-cumul "constituerait un formidable appel au renouvellement des élus".