"J'ai lu le dernier pamphlet de Richard Millet, Langue fantôme suivi d'Eloge littéraire d'Anders Breivik, dans un mélange croissant de colère, de dégoût et d'effroi", écrit Annie Ernaux dans Le Monde daté du du mardi 11 septembre.
Après avoir balayé "la prétendue ironie" de cet Eloge, la romancière juge qu'" il faut appeler un chat un chat et l'Eloge littéraire d'Anders Breivik un pamphlet fasciste qui déshonore la littérature".
Un "acte politique à visée destructrice"
"Ce texte répugnant," écrit-elle, "est un acte politique à visée destructrice des valeurs qui fondent la démocratie française."
" C'est pourquoi, au lieu des questions effarouchées que lui posent les médias, il faut oser demander à Richard Millet : "Que voulez-vous ? La fermeture des frontières ? Le renvoi de tous ceux qui ne sont pas 'français de sang' ? Quel régime à la place de cette démocratie que vous haïssez ?"
"Pas davantage aujourd'hui qu'hier", poursuit l'auteure de La Place, " je ne me sens menacée dans ma vie quotidienne, en grande banlieue parisienne, par l'existence des autres qui n'ont pas ma couleur de peau...Et, par-dessus tout, jamais je n'accepterai qu'on lie mon travail d'écrivain à une identité raciale et nationale me définissant contre d'autres".
Un appel signé par des dizaines d'écrivains célèbres
Editeur chez Gallimard, Richard Millet a publié son brûlot fin août. Le tueur de l'île d'Utoya, écrit-il, est ce que "méritait la Norvège".
Parmi les auteurs Gallimard, Tahar Ben Jelloun et Annie Ernaux avaient été les plus prompts à dénoncer cet ouvrage qui a fait scandale.
Dans Le Monde, des dizaines d'écrivains qui partagent "pleinement" l'avis d'Annie Ernaux ont signé son appel. Parmi les plus célèbres, Olivier Adam, Amélie Nothomb, Nancy Huston, Jean-Marie Le Clézio, Delphine de Vigan. On trouve aussi parmi les signataires certains des romanciers les plus prometteurs d'une nouvelle génération, comme Jean-Baptiste Del Amo ou Jakuta Alikavazovic.