Depuis la parution de photos de Florian Philippot en compagnie d'un homme à Vienne, l'homosexualité du vice-président du FN, connue des journalistes, est dévoilée au public. Pour évoquer cette révélation, on parle d'outing, en omettant souvent de le définir
Définition
Le terme "outing", subi, vient du terme "coming out", volontaire. Un coming out consiste à révéler au grand jour son homosexualité. Littéralement, en anglais, cela signifie "sortir du bois", révéler au public son penchant sexuel pour le même sexe, avec tout ce que cela peut demander de courage.
La nuit du 27 juin 1969, au Stonewall Inn, un café gay new-yorkais le à Greenwich Village, six officiers de police en civil effectuent une descente : interpellations de travestis, clients bousculés, fermeture du café. Mais ce soir-là, les gays réagissent et accueillent la police à coups de briques et de talons aiguilles. Trois nuits d'émeutes suivent. C'est la naissance du "coming out of the closet" (sortir du placard).
L'outing, c'est quand une personne le fait pour une autre. Une pratique qui vise à nuire : la personne tient à garder son homosexualité privée, elle est révélée par un tiers. Florian Philippot tenait à garder sa sexualité confidentielle, elle est révélée par Closer. "Traqué, pisté, pris en photo à votre insu" déclare-t-il. L'outing est vécu comme une intrusion hostile.
La communauté gay britannique Outrage a effectué les premiers cas militants d'outing dans les années 1990. Ils ont révélé l'homosexualité de membres de l'Eglise Anglicane qui tenaient des propos antigays. Ainsi menacé de révélation par Outrage, l'évêque de Londres David Hope a-t-il dû confesser publiquement son homosexualité.
Un nouveau terme adopté avec circonspection
Outing est un nouveau mot. On est prudent dans son utilisation. On y met des guillemets pudibonds. Comme la plupart des journalistes, Serge Federbusch du Figaro dans sa dernière chronique hier matin met ainsi le terme en exergue : "«Outing» de Florian Philippot : comment le FN peut en profiter." Dans le corps de son billet, il met aussi des guillemets : "Voici a décidé de «outer» Florian Philippot en goguette à Vienne" (il s'est aussi trompé de canard). Le néologisme n'est pas encore assumé.
Souvent mal maîtrisé
Les rédactions emploient ce terme sans toujours bien l'intégrer. Toujours dans sa chronique, Federbusch écrit : "Grâce à Chenu et au «outing» de Philippot". Omission de l'article défini. Il faudrait dire "à l'outing" de Philippot.
Léa Salamé, hier, interrogeait Florian Philippot sur France Inter. Une interview précise, maîtrisée, qui a permis à la victime des paparazzi de Closer de se défendre. Or, ironie du sort, le même jour, Léa Salamé avait son portrait en dernière page de Libération intitulé "Timbale libanaise". La jeune journaliste libanaise chrétienne est interrogée sur sa relation avec l'un des membres de la revue Inculte, juif, avec qui elle est depuis trois ans. Ça ne "rend pas les choses faciles" répond Léa. Le journaliste réclame des noms. Léa refuse : "Trop tôt pour faire mon outing. Vous ne vous rendez pas compte. Ils ne nous lâcheront plus." Léa confond "outing" et "coming out".
La lexicalisation de l'outing n'est pas aboutie.
Qui ne s'applique pas qu'à l'homosexualité
Léa nous montre aussi par cet exemple que le coming out et l'outing ne s'appliquent pas qu'à l'homosexualité. On l'emploie pour toute chose qu'on préfère tenir secrète... jusqu'au jour où on se décide à la révéler (coming out) ou que quelqu'un décide de la divulguer (outing). Exemple : "La BPCE fait son coming out de bancassureur." (Les Echos, 13 février 2014) En ancien français, ça donnerait : "La BPCE assume désormais sa double casquette de banquier et d'assureur."
Les nouveaux mots d'un vieux débat : "peopolisation", "gayfriendly", "homophobe"
Notons tout de suite l'influence évidente de l'anglais dans les termes du débat. On peut y voir l'influence de la political correctness et des débats qu'elle a suscités outre-Atlantique. On dit plus facilement qu'on a un ami "black" qu'un ami "noir" (les Américains vont plus loin et disent "afro-américain").
Gay-friendly
De l'anglais friendly (accueillant), cet adjectif désigne une attitude favorable dans un contexte traditionnellement hostile. "Le FN n’est pas gay-friendly, ni l’inverse. Il est french-friendly” dit Florian Philippot à Léa Salamé. Selon Philippot, le Front national est neutre sur l'homosexualité, qui appartient au domaine privé, mais défend la France, souvent vilipendée (on parle souvent de French bashing).
Friendly se décline en changeant de préfixe : écofriendly, business friendly. Aujourd'hui, on ne dit plus : "la maison tolère les animaux", qui sonne comme une autorisation du bout des lèvres, mais "ce restaurant est dog friendly", qui parait beaucoup plus bienveillant.
Peopolisation
Pour défendre sa décision de publier les clichés de Philippot, la directrice de Closer a déclaré sur Europe 1 : "On est dans la lignée de la peopolisation, qui est quelque chose qu’on fait régulièrement à Closer." Philippot est un people comme les autres. Il sera traqué comme les autres.
La peopolisation désigne la tendance des médias à accorder plus de place aux "people" (le nouveau nom des stars). Dans cette acception, peopolisation s'écrit aussi avec un "i" pour marquer le mépris : pipolisation. Il existe même des magazines spécialisés dans la vie des stars (Voici, Gala, Closer, Public). Dans leurs domaines respectifs, François Hollande, Florian Philippot et Léa Salamé sont des people. En plus de leur métier, ils ont une visibilité. Ils sont susceptibles d'être traqués. C'est la rançon du succès.
Peopolisation résume aussi la tendance des people à utiliser leur vie privée pour faire parler d'eux. François Hollande, Florian Philippot et Léa Salamé peuvent être exempts de ce reproche. Ils considèrent tous les trois que leurs relations, leur famille, leurs amis appartiennent à leur sphère privée. Si elle est divulguée - on pourrait dire "outée" – c'est de la peopolisation forcée, qui correspond à la ligne éditoriale de Closer, qui ne "s’interdit rien et n’épargne personne". Julie Gayet- François Hollande, Florian Philippot-son compagnon, relation homosexuelle ou non, un paparazzo ne fait de discrimination.
Homophobe
Dans l'affaire Philippot, on emploie souvent ce terme à propos de la contradiction entre un parti, le FN, qu'on estime homophobe et un de ses membres, que l'on découvre homosexuel.
Cette affaire a aussi permis à différents personnalités politiques de réaffirmer leurs positions politiques en dénonçant les homophobes de tout poil dans des postures qui font le buzz. Cécile Duflot a posé aujourd'hui pour un cliché où elle apparaît enlaçant une journaliste connue : "Lutte contre l'homophobie : Cécile Duflot pose en couple avec Virginie Lemoine." (Le Parisien) Grâce à un faux coming out, elle fait du vrai militantisme people.
On a beaucoup employé ce terme dans le débat sur le Mariage pour tous. Il y a peu, Pierre Laurent du PCF a qualifié la position de Sarkozy en faveur de l'abrogation de la loi Taubira de "coming out homophobe".
Homophobe est synonyme d'antigay. Par le suffixe -phobe (qui signifie peur), cet adjectif met dans le même paquet intolérances, peurs et détestations. On peut être à la fois arachnophobe (peur des araignées), claustrophobe (peur d'être enfermé) et islamophobe (intolérant envers l'islam et ses pratiquants). L'homophobie donne l'impression que l'on est atteint d'un syndrome. "C'est plus fort que moi, je suis homophobe." En mêlant diagnostics médicaux et comportements xénophobes (xenos : étranger en grec), l'adjectif offre un alibi commode à une homophobie décomplexée.
Cette dérive lexicale n'est pas étonnante. De la peur instinctive de l'autre naissent les comportements hostiles.
cf Florian Philippot : "Le FN n'est pas gay friendly, il est french friendly"