C'est reparti, mon kiki ! Il faut bien que de temps en temps, on donne un bon gros nonosse à la presse pratico-psycholo-fémino-cuculo-lapralino pour qu'elle ait de la soupe avec de vrais gros morceaux de pseudo-science à nous vendre.
Ici, le nonosse, c'est une indispensable étude sur l'amitié homme/femme.
Im-pos-si-ble, évidemment!
Puisqu'on vous le dit, alors! Parce que quand même, ça se saurait, sinon. Et puis qu'est-ce qu'on aurait à raconter, hein, si ça existait pour de vrai, l'amitié homme/femme, à part de magnifiques histoires de complicité, de tendresse, de soutien, de bienveillance, de respect et de fidélité qui font fi du genre ?
De l'attirance et de la séduction dans l'amitié? Ah mais non, quelle horrrreeeeur!
Attention les yeux, ça brille : des chercheurs américains (ça fait toujours plus chic quand ça vient des yankees) ont interrogé séparément des duos amicaux mixtes sur l'attirance physique qu'ils ressentaient (ou pas) l'un pour l'autre.
Résultat : les amis se disent effectivement mutuellement séduits. Ce qui jusqu'à preuve du contraire n'est pas incompatible avec l'amitié. Seconde info : les hommes se pensent plus attirants pour leur potesse qu'ils ne le sont vraiment selon elles. Vanité, quand tu nous tiens! Autre scoop complètement dingo : les ami-es ont parfois eu des contacts physiques et se sont possiblement embrassés. Embraaaaaaaasssssés? Oh nom d'un bec, ça, ça fait une bonne raison de jeter à jamais l'amitié hommes/femmes aux oubliettes.
Et l'amitié femmes/femmes et hommes/hommes, c'est sans tendresse ni séduction?
Mais au fait, c'est quoi d'autre que de la séduction, de la tendresse et in fine de l'amour, l'amitié? Il y a parfois de l'ambiguïté, est-ce grave? N'est-ce pas le propre de toute relation humaine autre que la haine aveugle de se situer dans l'ambiguïté justement? Sans que cela signifie forcément que la nature du rapport soit disqualifiée ou que le sentiment fluctuant justifie la concrétisation des éventuelles tentations?
Est-il si anormal qu'on se plaise? Qu'on trouve l'autre beau ou belle? Qu'on ait envie, pourquoi pas, de lui caresser les cheveux ou de lui piquer un baiser? De le prendre dans ses bras ou de se lover tout contre?
Les amies femmes ne se tiennent-elles pas parfois la main, quand l'une d'elles a besoin d'être réconfortée? Ne se serrent-elles pas très fort quand elles ont envie de se temoigner de l'affection? Ne se disent-elles pas mutuellement que leur robe est seyante, que leur sourire est radieux, que leur présence est un charme, qu'elles ont besoin l'une de l'autre, qu'elles s'aiment? Les hommes entre eux osent moins, même si ce n'est pas forcément l'envie qui leur en manque, si j'en crois ceux qui se sont ouverts à moi sur le sujet, en me demandant de rester discrète, par peur de passer évidemment pour des pédés (forcément refoulés, ça va de soi).
Parce que c'était lui, parce que c'était moi...
J'ai toujours eu des amis hommes (n'en déplaise à mes contradicteurs et contradictrices qui s'imaginent que je suis une horrrrriiiiiible castratrice qui ne leur veut que le pire).
La première de ces amitiés remonte à mes années collège. J'avais fait la connaissance de F. en 4e et nous ne nous sommes quittés qu'après l'hypokhâgne. C'était un ami, un vrai. Nous passions notre vie ensemble. Nous choisissions nos orientations pour rester dans la même classe d'une année sur l'autre. Parfois, je dormais chez lui. Parfois, il dormait chez moi. Nous jouions au flipper, nous lisions Lautréamont, nous écrivions des poèmes à quatre mains. Nous refaisions le monde au téléphone jusqu'à pas d'heure. Nous étions mutuellement séduits par l'intelligence, l'humour et les qualités humaines de l'autre. Je me sentais en confiance. Lui aussi, je pense, sans parler à sa place.
Normalement, puisque nous étions en pleine poussée hormonale, nous aurions forcément dû avoir des idées derrière la tête. Nous en avions, en effet. D'autres nourrissaient nos fantasmes et nous vivions nos premières expériences de la sexualité chacun de notre côté. Nous en parlions, nous nous confiions, nous nous conseillions. Comme des amis.
Comme nous étions toujours l'un à côté de l'autre, il arrivait que nos mains se frôlassent. Je m'en excusais systématiquement, soucieuse d'écarter toute ambiguïté. Un jour, F. m'a dit : "Allez, on va pas s'excuser à chaque fois qu'on se touche, on s'en fout de ce que les autres pensent." Ce que les autres pensaient, qu'ils nous connussent de près ou qu'ils n'eussent que croisé notre route, c'était soit que nous étions secrètement ensemble, soit que cela n'aurait su tarder. Ça n'arriva jamais, je n'en conçois aucun regret. Si F., que j'ai perdu de vue après une fâcherie, me manque parfois, c'est bien d'un ami dont j'ai la nostalgie.
Il était gay, ça fait tant de différence que ça?
Quelques années après, j'ai rencontré B. et je l'ai immédiatement aimé. Il était gay. Est-ce que ça change la donne ? Là encore, nous étions indéniablement séduits l'un par l'autre. Là encore, nous avions envie de passer nos soirées et vacances ensemble, à parler de Monique Wittig et de Virginia Woolf, à lire Guibert et Violette Leduc, à rire comme des tordus dans les rues de Rome, New York ou Barcelone, à se soutenir l'un l'autre quand d'insupportables discriminations nous faisaient du tort ou réveillaient nos colères. Là encore, j'étais en confiance et je savais qu'il l'était aussi. Je me sentais bien, je me sentais libre d'être moi. J'étais heureuse qu'il fût bien, qu'il fût lui.
Je pris immanquablement le titre de "fille à pédé". Il fut soupçonné de m'empêcher de faire ma vie avec un homme qui m'épouserait, me ferait des enfants, me proposerait la vie à la campagne dont je rêvais aussi. B. n'a rien empêché, ni rien cherché à empêcher. Quand j'ai été prête, quand j'ai trouvé l'homme avec lequel j'avais à la fois envie de vivre et de coucher, j'ai construit ma vie de couple, en toute simplicité. B. est un vrai ami. Malgré les milliers de kilomètres qui nous séparent à présent qu'il vit aux Etats-Unis, je sens qu'il est là. Je sens que notre amitié palpite, comme un cœur nécessaire.
Tout ce que B. a apporté et apporte dans ma vie n'est que du bonus, ce n'est que de la joie, de la tendresse, de l'attention, ce sont tous ces signes de l'amitié qui construisent la confiance en soi et aident à se sentir aimé-e et à s'aimer.
C'est mon ex, nous n'avons gardé que le meilleur de ce que notre relation fut
Parmi mes amis hommes, il y a quelques ex, aussi. Que j'aime sans arrière-pensée, que j'admire sans plus en être amoureuse. Comme T. par exemple, dont le dernier roman m'a subjuguée, que j'aime sentir heureux dans sa vie familiale, qui m'a donné des coups de pouce dans ma vie professionnelle, avec qui j'échange souvent par mail ou par tchat dans une sensible sympathie nourrie de la connaissance intime que nous avons du tempérament de l'autre. Il a les bons mots quand j'ai des doutes ou des chagrins. J'essaie de les avoir aussi, quand il en a besoin.
Quand ce qui reste de la relation passée n'est que le plus fort, le plus intense, le profond respect de la personne, la certitude qu'on a fait le bon choix quand on s'est intéressé à cet individu, même si on s'est possiblement trompé alors, sur le mode de la relation... Ou si, sans s'être "trompé", cette relation a simplement évolué, pacifiquement.
Ma déclaration
L'amitié homme/femme, je l'ai vue. Je la vois tous les jours. J'y crois parce qu'elle existe et parce qu'elle est une intarissable source d'enrichissement et d'émotions pour moi.
L'amitié homme/femme, je la vis aussi dans la tendresse et dans la séduction, qui n'est pas qu'affaire de désir physique. Qui est aussi et surtout de l'ordre des sentiments, du respect et de la curiosité pour autrui.
Aussi, je n'ai pas peur de faire une vraie déclaration à mes amis hommes : je vous aime, en vraie sincérité, sans arrière-pensée. Et parce que vous êtes des vrais types bien, je vous sais aussi capables de m'aimer, de vous investir dans une relation intense avec moi sans avoir l'intention secrète de me baiser. Mes amis hommes sont formidables. Je souhaite à tous ceux et à toutes celles qui ne "croient" pas à l'amitié hommes/femmes d'en rencontrer d'aussi bons.
Ce post no-Valentin est pour F., B. et T.
Et aussi pour R. (qui m'a entre autres appris à jouer au tarot) et pour P. (précieux témoin).
Photos couple d'amis : (c) ColinLogan (Licence Creative Commons)