« Ma rentrée de prof »

(Crédit AFP)

C’est reparti pour un tour ! Dans quelques heures, les enseignants se retrouveront, pour préparer ensemble le grand jour afin d’accueillir leurs nouveaux élèves, dès mardi matin. Je les ai invités à dire les sentiments qui sont les leurs à l’orée de l’année, à raconter un souvenir marquant de leur rentrée de prof. Voici quelques-uns des très nombreux témoignages reçus !

« La rentrée pour moi, c'est chaque année se préparer à se lancer dans le vide. Dès le mois de juillet, avoir en tête ce moment qui s'approche inexorablement et sentir l'appréhension, l'angoisse et aussi l'excitation prendre le pas sur le rythme tranquille des vacances jusqu'à la dernière semaine, la dernière soirée, où l'on se sent au bord du précipice mais où on n'a pas d'autre choix que de sauter. Les fournitures rangées, la première journée préparée comme on prépare son parachute avant de sauter. Et puis, le jour J, l'odeur des cartables, la peur d'arriver en retard, la fébrilité quand on retrouve les enfants, le sourire qu'il faut garder face aux enfants et aux parents quand on aimerait se faire toute petite et enfin, l'arrivée dans la classe et sentir le besoin des enfants d'être rassurés sur cette nouvelle classe, cette nouvelle maitresse. Alors, on saute, on sort le grand jeu et on donne la direction à suivre pour que tout le monde, maitresse et enfants, atterrisse en douceur et reparte le soir, soulagé et confiant pour l'année à venir. »

« Ma toute première rentrée... École de ZEP à Marseille. J'étais tellement dans les starting-blocks que dès la 1ère partie de la matinée, j'évalue français-maths, évaluations bien rébarbatives et BEAUCOUP trop difficiles pour mon public. La réaction ne s'est pas faite attendre et la classe a commencé à devenir houleuse... L'après-midi une petite, absente le matin, vient. Je l'accueille, l'évalue (...oui, je sais...) quand tout à coup une furie surgit dans la classe en hurlant et gifle la gamine. Tout en paniquant, j'essaie de la calmer, de comprendre ce qu'elle dit (elle ne parlait pas français). Finalement, heureusement, une collègue alertée par le bruit, vole à mon secours. La maman avait interdit à sa fille de venir à l'école. Mais la petite avait profité de la sieste de sa mère pour venir. Arrive enfin la fin de la journée... J'arrive tant bien que mal à ranger les élèves, j'ouvre la porte... et là, un petit balance son cartable par la fenêtre du palier (nous étions au 1er étage). Manque de chance, les parents attendaient leurs enfants en bas... J'ai donc appris à remplir un constat d'assurance avec le papa qui s'est pris sur la tête un cartable tombé du ciel... Mes proches ont eu le plus grand mal à me persuader de ne pas démissionner. Et je les en remercie. J'adore mon métier. Je n'ai pas du tout envie de me lever à nouveau tous les matins à 6h30, mais je suis impatiente de revoir mes élèves. Ça sera ma 12ème rentrée. »

« Dans quelques jours, j'effectuerai ma cinquième rentrée... en centre pénitentiaire. Inutile - ou plutôt utile - de vous décrire ma première rentrée en ce lieu, en 2011 : après un été mémorable ("qu'est-ce qui t'a pris de te mettre dans cette galère"), j'arrive donc dans ma classe et vois arriver, au coup par coup, six élèves (je sais, ça fait envie). Le 7ème est sans doute au parloir, le 8ème au service médical, me dit un détenu. Je n'ai aucune idée de comment il faut se présenter face à des hommes musclés majeurs, de 18 à 55 ans. Je suis seule face à eux, mon alarme pas loin. Je joue la carte de la bienveillance et du naturel. Les trois heures se déroulent sans heurt, je parviens même à les faire rire. C'est ma première surprise, ça, de rire en prison. J'irai de découverte en émotions avec ces personnes si impressionnantes et si... vulnérables en même temps. Le premier temps marquant, c'est lorsque je leur distribue leur pochette scolaire : chacun est émerveillé de toucher un cahier, de prendre ses stylos, de jouer avec le tube de UHU. "Ça fait tout drôle, madame, de se servir de ça, ça fait tellement longtemps !" Je me régale de retourner jeudi en ce lieu si particulier, vraiment. Pour l'anecdote, je ne me suis jamais servie de mon alarme. Bonne rentrée à tous ! »

« Jour de pré-rentrée. 
Nouvelle école. 
Nouveaux collègues.
Nous étions tous assis en salle des maîtres à attendre... 
Après quelques dizaines de minutes, l'un d'entre nous s'exclame en me regardant de manière insistante : 
- et si nous commencions !
- Le directeur est là ? dis-je innocemment. 
- Mais ce n'est pas toi ?... Grand silence...
Quelques minutes plus tard, coup de téléphone de l'inspecteur me confirmant sur le poste de direction et non d'adjoint. »

« Cette expérience n’est pas forcément celle que je vis chaque année, et pour cause...
Atteinte d’une maladie orpheline j’ai dû m’arrêter de bosser pendant trois ans. La maladie étant compliquée et pas guérissable. Pendant 3 ans je regardais avec déchirement la rentrée des classes au JT et ça me mettait presque les larmes aux yeux. J’ai failli au cours de ces 3 années jeter tout ce que j’avais concernant l’école, la fatigue et la maladie étant très fortes. Vint le temps de voir l’expert médical pour décider de la suite vu que j arrivais au bout de mon congé longue maladie "légal". Celui-ci me dit qu’au vu de mon dossier médical très chargé et de mon état il est temps d’arrêter là. Je ne pouvais m’y résoudre et l’ai supplié d’accepter au moins ma reprise en mi temps thérapeutique. Il a fini par accepter! Je l’ai tellement remercié – j’aurais eu envie de lui claquer la bise! – qu’il en était tout étonné! A la rentrée j’ai angoissé bien sûr, oscillant entre le stress et l’envie de reprendre. Et le grand jour est arrivé. Le fait est que j’ai eu l’impression 3 ans après de n’avoir jamais arrêté ! Que du plaisir, et même du bonheur en veux-tu en voilà... Depuis je continue, à plein temps, avec une invalidité à 80%, une injection de chimio par semaine, entre autres, pour pouvoir écrire car les inflammations rendaient l’écriture presque impossible sans ce traitement. J’ai dû passer par des heures de rééducation pour surmonter perte musculaire, difficulté à la marche et j’en passe. Des heures de labeur mais au bout... l’école!!! Une victoire pour moi, juste une victoire personnelle. La semaine de 4 jours et demi ne m’a pas simplifié les choses, a amplifié fatigue et douleurs. Qu’importe, je repars pour un tour cette année, excitée et un peu inquiète de "tenir" mais toujours enthousiaste et curieuse de découvrir mes petits élèves... »

« Professeur en lycée, je vais faire ma dixième rentrée cette année et ma huitième en tant que professeur principal d'une classe de terminale. Des sentiments et des émotions qui s'entremêlent à chaque fois. L'excitation de la préparer. Le plaisir de respirer l'odeur des nouvelles fournitures. Attendre la boule au ventre le tour de sa classe dans la cours pour l'appel de mes nouveaux élèves. Passer les premières semaines emprise par la nostalgie, à regretter son ancienne classe à laquelle on s'était tant attachée. Avant de retrouver mon élan, découvrir ces nouvelles personnes et bâtir une nouvelle année. Pour moi une rentrée est ce mélange de nouveau et d'ancien, de frénésie, de nostalgie et d'angoisse. Un grand moment que l'on appréhende je pense tous, élèves comme professeurs. Un moment que j'aime et que j'attends avec impatience. »

« Cette histoire a 20 ans à quelques jours près. Toute fumeuse encore de mes belles théories iufmièmes, j'arrive dans un petit village très joli mais situé je pense sur la diagonale du vide. Persuadée que j'allais avoir des grands, je débarque dans la cour de l'école (enfin, le parking de la mairie); j'aperçois le préau (enfin, le garage de la mairie) et je m'approche toute confiante de l'école (appelée aussi pompeusement "le château") Quelques minutes plus tard, la directrice m'annonce la nouvelle...Je suis titulaire de la section enfantine, autrement dit, j'ai hérité de la seule classe à 5 niveaux de la circo, de la toute petite section au c.p., 11 élèves au total. Walnut Groove, me voici ! 33 francs par an et par élève... Mais de beaux souvenirs tout de même. Le bouquet final, véridique : un magnifique souterrain qui permettait aux pêcheurs d'accéder à la rivière toute proche et situé au milieu de la cour de récréation. »

« Premier cours de ma première année de prof , je commence par une classe d'électriciens (tous entre 16 et 20 ans )… Ils arrivent :

- Bonjour madame, c'est vous la nouvelle ? 
- Oui oui, asseyez-vous et préparez vos affaires.
Ils s'asseyent tous, sortent leurs bics, leur cahier et leur COUTEAU qu'ils déposent devant eux.
S'ensuit un long silence ...
- Je ne crois pas qu'on aura besoin de couteaux aujourd'hui pour écrire le règlement du cours. D'ailleurs je vais mettre ça en première règle : pas de couteau pour mon cours, hein.
Ils ont rigolé et les ont rangés.
En fait, ils ont besoin d'un couteau pour leur cours d'électricité pour dénuder les fils et ils avaient cours juste après... Ce couteau ne sort plus du labo électricité jusqu'au 30 juin mais je suppose qu'ils ont vu la seule occasion de faire flipper la petite jeune…
Le reste de l'année s'est très bien passé ! »

« Ma première rentrée de maitresse était aussi la première rentrée de mes élèves. Une année de stage pour moi, une première année de maternelle pour eux. On rentrait tous dans la grande machine, avec autant d'appréhension et d'excitation d'un côté que de l'autre. Je suis toujours très émue quand je pense à cette classe, ma première classe, sur un poste protégé, près de chez moi, dans une école idéale. J'y ai passé une année exceptionnelle. La semaine prochaine, c'est dans un autre contexte que je découvrirai mes élèves pour un an. J'ai été nommée l'an dernier dans une école de quartier difficile, en zone violence/ambition réussite/REP+ ou que sais-je encore. La vie de ces élèves est bien différente de celles de mes petits/moyens d'il y a trois ans, ils n'ont pas la même insouciance ni la même innocence. J'ai choisi d'y rester, pour avoir un poste définitif et pouvoir m'investir dans une école et une classe qui seraient les miennes. Je sais qu'il y aura des moments difficiles mais je sais aussi que j'ai fait mes preuves l'an passé, j'ai tenu bon, j'ai grondé, rappelé à l'ordre, puni, appelé les parents et l'institution à l'aide, je n'ai rien lâché. Il y a eu des moments d'une grande violence, verbale, psychologique et parfois physique. Mais malgré tout, j'ai aimé ma classe, j'ai aimé chacun de mes élèves. On a formé une bonne équipe eux et moi ; on a tous progressé. Eux dans leurs acquis, moi dans ma pratique. Pour certains de nos élèves, le maitre ou la maitresse représente le seul cadre et le seul élément de stabilité. C'est toujours à ça que je pense quand je regarde mes élèves assis à leur place à 8h30 le premier jour : "Est-ce que je vais faire la différence pour l'un d'eux ? Est-ce que je saurai les aider tous ?" Cette année aura une saveur particulière : je sais que je serai la dernière maitresse de la moitié de ma classe avant la grande aventure du collège. Une nouvelle responsabilité et une nouvelle étape dans ma vie de maitresse. Plus que quelques heures pour s'y préparer... ! »

« Mon anecdote est la suivante: Le deuxième jour de l'année scolaire en CP, un parent d'élève me fait part d'un commentaire de sa fille, mon élève, la veille au soir quand son papa lui demanda comment sa première journée en CP s'était déroulée. Celle-ci lui répondit que la journée s'était très bien passée et lui ajouta : "Par contre je ne sais toujours pas lire ! "... »

« Et bien moi la première chose que je mets dans mon sac de rentrée c'est un change complet ! Surtout depuis cette fameuse rentrée des classes en TPS/PS où je tente de consoler un bout de chou pour qui l'heure de la séparation d'avec maman a sonné ! Et oui chers jeunes collègues, conseil d'amie: ne prenez pas le bout de chou dans les bras, car il vous pissera dessus !!! J'vous raconte pas la matinée que j'ai passée ! A la pause dej je filais chez moi prendre une douche ! »

« Premier jour de stage iufm (soupir presque nostalgique) en responsabilité avec des petites sections. Pour une fois, ils étaient à ma taille ! J'habitais en banlieue de Versailles et c'était porte de Saint Ouen. Un long, très long trajet métro, RER, bus, bondés au retour, à l'issue duquel je me suis rendue compte qu'un de mes nouveaux petits élèves m'avait laissé un joli souvenir de bienvenue : une petite main de peinture bien rouge sur la fesse droite de mon jean blanc... Que j'avais fièrement arboré pendant 1 h 30 à l'insu de mon plein gré... »

« Depuis quelques années j'adore encore plus la rentrée  Je suis remplaçante, alors la rentrée pour moi c'est chouchouter mes collègues (prof et directeur) lors de la dernière ligne droite (pour nous ce sera vendredi et lundi) et gérer les inévitables "dernière minute" du jour J. Je papillonne d'une classe à l'autre, je dépanne, je partage, j'épaule et je crée du lien et ça me plaît terriblement. »

« En 2009, premier jour de direction de notre collègue juste instit : à la récréation de l'après midi nous l'appelons en urgence pour un (petit ) serpent dans le bac à sable, le voilà obligé de faire face malgré sa panique et de tuer le serpent devant les élèves avec une pelle à poussière !! Il a cru que cela faisait partie de son bizutage ! »

« Instit, on rate toujours / la plupart du temps la rentrée de nos propres enfants... Enceinte de ma deuxième petite fille et donc en arrêt, je me faisais une joie de pouvoir accompagner ma première fille pour sa rentrée... Perdu ! J’ai accouché de bébé numéro 2 ce jour-là ! »

« Ma première rentrée des classes, je tremblais de partout. Je n'arrêtais pas de lire et relire ma liste de classe. Présentation des maîtresses et là mon Nom. J'ai cru que j'allais tomber dans les pommes. Puis je me dirige vers mes futurs élèves qui avaient tous le sourire aux lèvres. Et là une maman me tape sur l'épaule et me dit Ca va aller! " J’ai adoré ce geste plein de courage et de compassion. Mon métier me rend heureuse malgré les moments difficiles qu'on connait tous. C'est une vocation et j'en suis fière. »

« J-31 . Ça y’est on est en août. Je suis en vacances à 250 km de l’école, mais je sais ce que ça veut dire. Dans un coin de ma tête, les vacances, les vraies, se terminent. Mon conjoint le sait bien maintenant, ce sera ma huitième rentrée. Il se fait un plaisir de me rappeler la date. J-20. Je ne suis plus qu’à 30 km de l’école, à la maison quoi. J’allume l’ordi et je rouvre mon dossier « Ecole 2015/2016 ». Je ne suis pas encore efficace. J’ai le temps. J’ai tout de même rêvé de l’école cette nuit. Tout allait bien. J- 10. J’ai bien avancé dans mon travail. Puis j’ai fait une « liste de choses à faire ». Ah mince, elle est encore longue. Je recopie la liste de mes futurs élèves. Je les connais tous, c’est ma troisième rentrée dans cette petite école de campagne. Les 2/3 m’ont même déjà eu comme maîtresse. En écrivant leur nom je pense donc à chacun. Leurs facilités, Leurs difficultés, comment celui-ci est adorable, comment celle-là peut être casse-pied. Je me demande s’ils auront changé. Ils auront grandi, et c’est déjà pas mal. L’an dernier j’ai vu le fait de connaitre 2/3 de ma future classe comme un grand avantage, moi qui avait changé d’école(s) tous les ans jusque là. Cette année j’en suis moins sûre, je les connais trop bien. Eux aussi me connaissent bien. Et ça j’aime. Je finis de recopier la liste en ayant hâte de les retrouver. J-7. Je suis à l’école. La livraison n’est pas encore là, elle. Quand arrivera-t-elle ? Sûrement la veille… En attendant j’ai plein de choses à imprimer, installer, photocopier dans cette classe où j’ai tout enlevé en juin pour pouvoir repartir à zéro….. La semaine passera trop vite. J-1. La prérentrée. Les livres et les cahiers devaient tous être prêts, mais ils ne le sont pas encore. Les photocopies devaient être bien triées sur un coin du bureau mais non, car j’ai encore changé d’avis sur ce qu’on allait faire demain. Pour revenir à ma première idée. Qui marche bien, je le sais maintenant. Quand je pense au temps que je mets juste pour préparer cette journée ! Je croise les collègues, les ATSEM, je raconte mes vacances et l’heure tourne. Il est 16 h 00, la pré-rentrée est terminée. C’est demain. H-10. Je vais me coucher la nuit sera courte. Je me demande si mes instits dormaient si mal la veille de la rentrée… Parce que moi petite je n’avais pas cette boule dans le ventre. »

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