Crédit Lionel Bonaventure / AFP
Jeudi 25 avril, le nouveau ministre de l’Education Nationale et le nouveau premier ministre sont tombés d’accord sur le toilettage à apporter à la réforme des rythmes scolaires, dans un « décret portant autorisation d’expérimentations relatives à l’organisation des rythmes scolaires dans les écoles maternelles et élémentaires ». Des changements non négligeables, qui interrogent les principes mêmes de la Réforme.
Sur le fond, le décret de janvier 2013 de Peillon n’est pas remis en cause : les 24 heures de classe hebdomadaires seront toujours réparties sur cinq jours, trois heures devant être dégagées pour mettre en place des activités périscolaires. Néanmoins le nouveau texte, présenté vendredi aux syndicats et publié mi-mai après discussion en réunion paritaire, apporte deux possibilités d’assouplissement.
8 demi-journées, plus 9
Les adaptations proposées « ne peuvent avoir pour effet de répartir les enseignements sur moins de huit demi-journées par semaine comprenant au moins cinq matinées, ni d’organiser les heures d’enseignement sur plus de 24 heures hebdomadaires, ni sur plus de six heures par jour et trois heures trente par demi-journée ». Formulé sous la forme d’une interdiction, ce point est en fait une autorisation, car un mot décisif est lâché : 8 demi-journées, là où Peillon avait toujours parlé de 9 demi-journées. Sur RTL vendredi, le ministre a clairement dit que les maires pourront « concentrer les activités périscolaires sur une seule demi-journée de façon à faciliter, notamment en milieu rural, une organisation du temps scolaire qui permette de passer des partenariats avec des associations, d’autres communes, et d’organiser plus simplement ce temps périscolaire ».
23 heures hebdomadaires et vacances raccourcies
Le deuxième assouplissement proposé consiste à alléger la semaine en passant de 24 heures de classe à 23 heures et de rattraper les 36 heures dégagées « sous la forme d’un allongement du temps de travail au détriment des vacances scolaires, sous réserve d’un accord entre la commune, la communauté enseignante, le rectorat et que l'objectif de cette nouvelle organisation du temps scolaire soit toujours la réussite de l'élève ». Concrètement, c’est la possibilité d’un format proposant 4 journées de 5 heures de classe plus 3 heures le mercredi matin. Il faudrait alors commencer une semaine plus tôt, fin août, et rattraper un ou deux jours par-ci par-là.
Esprit de la Réforme, es-tu là ?
Ces deux possibilités offertes aux communes modifient sensiblement la donne, mais l’esprit de la réforme initiale, sur laquelle tout le monde ou presque s’accordait, reste très inégalement respecté, notamment s’agissant des rythmes de l’enfant.
Le périscolaire consolidé
L’une des principales difficultés rencontrées par les communes est l’organisation du temps périscolaire : l’éclatement des trois heures en trois ou quatre tronçons de moins d’une heure rend difficile le recrutement des animateurs et réduit les possibilités d’activités. Regrouper les trois heures sur une après-midi complète va réduire les coûts, faciliter le recrutement, élargir les possibilités d’activité. Incontestablement, Hamon a voulu consolider le périscolaire, un des objectifs de la réforme étant de « favoriser l’égal accès de tous les enfants aux pratiques culturelles, artistiques, sportives, et aux loisirs éducatifs ». A condition que l’offre soit à la hauteur.
Le rythme journalier : aussi lourd qu’avant ?
C’était le premier objectif de la réforme : mieux répartir les 864 heures de classe annuelles sur la journée, la semaine, l’année. « Seules des mesures coordonnées d’harmonisation des trois temps scolaires (journée, semaine, année) seront capables d’apporter une réponse satisfaisante », avait mis en garde l’Académie de médecine dans son fameux rapport de 2010.
En offrant la possibilité de libérer une après-midi de classe pour le périscolaire, Benoit Hamon charge de fait les autres journées, dans un format à deux demi-journées de classe et trois journées complètes de 6 heures. Les enfants se retrouvent donc avec des journées aussi lourdes qu’auparavant, alors que l’idée était d’alléger des journées présentées comme les plus lourdes du monde (le décret Peillon fixait la norme à 5 h 30).
Le rythme hebdomadaire : toujours pas de samedi
Déjà passablement mise de côté par le décret Peillon, qui donnait le mercredi matin pour norme, la possibilité d’école le samedi matin est de nouveau quasiment écartée par Benoit Hamon, qui a même dit sur RTL que « l’intérêt général, c’est 5 matinées successives, c’est mieux pour les enfants ». Il faut donc redire ici que le rapport de l’Académie de Médecine, auquel se réfèrent pourtant les deux ministres, préconise le samedi matin et non le mercredi matin, pour des raisons de désynchronisation du rythme de l'enfant : « un certain nombre d’études ont établi que les performances mnésiques sont meilleures après un week-end de un jour et demi comparé à un week-end de deux jours ».
Le rythme annuel : les vacances en question
Le raccourcissement des vacances d’été, présent dès le départ dans la réforme, a déjà été évoqué par Peillon mais pas abordé frontalement. Astucieusement, Benoit Hamon rouvre le dossier en le présentant sous l’angle de la réduction du temps de classe hebdomadaire de 24 h à 23 h. De fait, ce format à 23 heures, qui prévoit 5 heures de travail par jour (plus une matinée de 3 heures) constituent un véritable allègement au quotidien et un meilleur étalement des 864 heures de classe sur l’année. On attend quand même de voir quelle commune va proposer ce projet, vu les discussions tendues qui se profilent avec les enseignants…
Grand flou sur la maternelle
En revanche, Benoit Hamon reste flou sur les modifications destinées à l’école maternelle, certainement l’endroit où la réforme est la moins adaptée – Peillon lui-même l’avait reconnu. Benoit Hamon dit bien qu’il y a « une spécificité de l’école maternelle », s’agissant des temps périscolaires, mais ne dit rien de nouveau sur l’organisation même du temps d’école pour les plus petits.
Hamon valorise les 5 matinées de travail
C’est certainement le gros point fort de la réforme des rythmes : le retour d’une 5ème matinée de travail. On s’est toujours étonné que Peillon n’axe pas davantage sa communication sur ce sujet, propre à toucher les enseignants. A l’usage, en effet (et même si le mercredi matin ne vaut pas, à mon sens, le samedi matin), le fait de travailler 5 matinées est un vrai plus, les élèves étant plus attentifs et concentrés sur ce créneau, tout enseignant peut le constater. Le ministre Hamon semble avoir compris que c’est là-dessus qu’il fallait appuyer. Sur RTL, il a par deux fois abordé cet aspect : "cela permet de concentrer les apprentissages fondamentaux aux moments où les enfants sont les plus attentifs, les plus concentrés, là où on a un pic de vigilance, ce qui n’est contesté par aucun expert ». Puis, quelques minutes plus tard : « On a beaucoup parlé du périscolaire, on a beaucoup moins parlé, ces derniers mois, de ce qu’est l’immense bénéfice d’une telle mesure, d’une telle organisation du temps scolaire : nous allons permettre enfin aux enfants de pouvoir bénéficier des apprentissages fondamentaux, savoir parler correctement, savoir compter, savoir écrire, aux moments où ils sont le plus attentifs ».
Comment vont réagir les communes ?
Avec ces propositions d’assouplissement, Benoit Hamon fait clairement un geste vers les communes et la puissante Association des Maires de France (AMF). Reste à savoir comment les collectivités locales vont s’emparer des possibilités offertes le ministre, alors que 94% d’entre elles ont déjà présenté leur projet et qu'à la tête des villes restantes figurent majoritairement des opposants politiques à la Réforme. Car, pour pouvoir bénéficier des nouveautés, les communes doivent déposer leur projet triennal avant le 6 juin. Le délai est court.
Suivez l'instit'humeurs sur Facebook.