Y a-t-il des sujets tabous dans les examens et les concours français ? C’est une question que je me suis posée après avoir lu un post de blog américain. Aux Etats-Unis, un certain nombre de thèmes ne doivent pas être abordés dans les sujets de concours et d’examens car ils pourraient susciter chez les candidats des réactions nuisibles à leur concentration et à leur efficacité. Il existe même une charte officielle transmise à chaque rédacteur afin de les briefer sur les « contenus partisans, sensibles ou controversés ».
J’avoue que je ne m’étais jamais posé la question : le contenu d’un sujet d’exam peut-il à lui seul altérer les chances de réussite d’un élève et donc générer une forme d’inégalité ?... J’ai eu beau chercher, je n’ai pas trouvé trace d’un texte officiel sur la question en France. Peut-être les rédacteurs de sujets sont-ils sensibilisés off lors des réunions de cadrage ?…
"Discussion sportive complexe", "perception extra-sensorielle"
Je doute quand même qu’on en arrive à une liste comme celle établie par le Département Education de l’état de Californie, indiquant aux rédacteurs les sujets à éviter :
"- la violence (y compris les armes à feu et autres armes, la violence envers les animaux)
- la mort, la maladie, la faim, la famine
- la guerre
- les catastrophes naturelles entraînant des victimes
- les drogues, les médicaments, l’alcool, le tabac, le fait de fumer
- la junkfood
- les abus, la pauvreté, la fugue
- le divorce
- les avantages socio-économiques (y compris les jeux vidéos, les piscines, les ordinateurs à la maison, les vacances onéreuses)
- le sexe
- la religion
- les discussions sportives complexes
- l’esclavage
- l’évolution, les temps préhistoriques, l’âge du système solaire, les dinosaures
- la musique rap, les concerts de rock
- la perception extra-sensorielle, la sorcellerie
- Halloween, les vacances religieuses
- quoique ce soit d’irrespectueux, d’avilissant, de moralisant, de chauvin
- les situations mettant en scène des enfants copiant des situations ou des décisions adultes ; des jeunes contestant ou interrogeant l’autorité
- la mention d’individus pouvant être associés à l’usage de la drogue ou à la publicité pour des substances comme la cigarette ou l’alcool
- le fait de perdre son travail, sa maison, son animal domestique
- les rats, les cafards, les poux, les araignées
- les régimes et ce qui concerne l’image de soi
- les problèmes politiques
- tous les sujets susceptibles de contrarier les élèves et d’affecter leur performance sur le reste de l’examen"
Surtout, laisser la vraie vie dehors
Mazette, ils sont si soupe-au-lait que ça, les élèves américains ? Incapables de gérer leurs émotions face à un énoncé, au point de péter les plombs si on parle de sport ou d’ordinateur ? Les occurrences perturbatrices listées couvrent à peu près tout le spectre de la vie quotidienne : il y a les sujets polémiques universels comme la politique et la religion, les sujets morbides (mort, maladie, guerre, famine), ce qui a trait à l’inégalité sociale, poussé jusqu’à l’absurde (d’où la piscine, les vacances, l’ordinateur), il y a tous les sujets-qui-pourraient-donner-des-mauvaises-idées-aux-jeunes comme le tabac, la drogue ou la contestation de l’autorité, il y a un rayon « accidents de la vie susceptibles de rappeler des mauvais souvenirs», genre le divorce, la perte de travail ou de son animal domestique, les sujets typiquement américains et ultrasensibles comme l’esclavage, les armes à feu, la junk-food et le régime, l’évolution et l’âge du système solaire (le créationnisme a décidément bien progressé), les phobies animales, ce qui relève du paranormal (et moi qui donne des problèmes de maths impliquant des sorcières touillant des potions avec des centilitres de bave de crapaud et des hectolitres de larmes de chauve-souris)…
Sans compter qu’à mon avis, si on réfléchit, on peut encore interdire de nombreux sujets : le train, l’avion et plus généralement tous les moyens de transport vu le nombre de morts, la haute finance, les fonds de pension, le crédit et tout ce qui touche de près ou de loin au capitalisme fou genre subprimes, et puis tant qu’on y est les olives et tous les fruits à noyaux qu’on risque d’avaler et de s’étouffer avec, et aussi les couteaux (ça coupe), pourquoi pas les casseroles (ça brûle, parfois) et bien sûr l’amour (ça brûle, parfois).
Et au fait, j’y pense, qu'attendent les lobbys ophiophobes pour faire inscrire le serpent sur la liste ? Parce que si on commence avec les phobies, on n’a pas fini. Moi qui suis castelbrianophobe, je suis tombé sur Chateaubriand au bac de français, ça m'a sacrément déstabilisé et je me suis bien loupé. Bêtement, je n'ai pas porté plainte.
Blague à part, d’où vient cette impression que c’est la vie elle-même, dans ce qu’elle a de complexe, d’ambivalent, de nuancé, de vaste et de profond, que l’on arrête aux portes des salles d’examens ? D’où vient ce sentiment qu’on prend les élèves pour des névrosés immatures ?...
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