Mardi 29 septembre 2015 s’est tenue l’audience de la Cour d’appel de Paris dans le litige opposant Bernard Tapie et le Crédit Lyonnais au sujet de la vente de la société Adidas. Au cours de cette audience, l’homme d’affaires a réclamé l’attribution de 516 millions d’euros à 1,174 milliard d’euros à titre de dommages-intérêts, outre une somme en réparation de son préjudice moral.
J’avoue humblement ne pas disposer des informations ni des compétences nécessaires pour apprécier le bien fondé des demandes présentées, s’agissant d’une situation extrêmement complexe sur le plan juridique.
Il est vrai que ces demandes peuvent paraitre très importantes, mais, au regard des principes juridiques qui gouvernent l’indemnisation d’un préjudice quel qu’il soit, la juridiction saisie du litige doit veiller au respect du principe de réparation intégrale du préjudice subi. Si M. Tapie démontre ainsi l’existence d’un préjudice à hauteur des sommes demandées, en lien avec la cession d’Adidas, il peut être bien fondé à obtenir lesdites sommes.
J’émettrai une seule remarque quant aux demandes présentées : M. Tapie réclame l’octroi d’une somme de 50 millions d’euros en réparation de son préjudice moral et personnel. A l’appui de cette demande, son conseil a soutenu devant la Cour d’appel que « les noms des créateurs d’entreprise ont une valeur » et que celui de M. Tapie avait été « traîné dans la boue ». Il ajoute que « l'intensité et la durée des attaques conduites à l'encontre des époux Tapie pendant plus de 20 ans » et une « banalisation de l'insulte » à l'égard de l'homme d'affaires lors des campagnes de presse justifient le versement d’une telle somme.
Je ne conteste nullement que M. Tapie ait pu subir un préjudice moral dans le cadre de cette procédure, du fait des difficultés consécutives à cette vente.
Il me semble toutefois important de préciser que l’indemnisation doit correspondre au préjudice. Il est certes complexe d’évaluer financièrement le montant d’un préjudice moral qui, par définition, ne peut être démontré par des factures, des récépissés de virements ou autres preuves toutes matérielles.
On peut toutefois se référer à des situations autrement plus graves et dramatiques pour constater que la demande présentée est particulièrement choquante en son montant.
Ainsi, il n’est pas rare qu’une personne qui a été violée pendant de nombreuses années par un parent alors qu’elle était mineure obtienne de la Cour d’assises qui condamne celui-ci une somme de 30.000 euros en réparation de son préjudice moral ; les parents d’une personne décédée dans un accident de la route peuvent obtenir 15.000 € en réparation de leur préjudice moral par un tribunal correctionnel.
Les 50 millions d’euros réclamés sont ainsi sans commune mesure avec ce qui se pratique devant les juridictions françaises pour des situations moralement bien plus difficiles.
La réputation de M. Tapie a sans aucun doute de la valeur, mais les atteintes qu’elle a pu subir ne peuvent provoquer de préjudice supérieur, ni même équivalent, aux horreurs subies par les victimes de viols ou à la disparition brutale d’un proche.