On a beau afficher une volonté collective d'exemplarité, il n'est pas nécessairement facile pour nos représentants au Parlement d'adopter une meilleure conduite que la moindre brute de cour de récré. En témoigne le fait divers rapporté aujourd'hui par la presse, impliquant un nouveau député de la majorité présidentielle soupçonné d'avoir commis un acte de violence à l'encontre d'une autre personnalité politique de sa connaissance.
Les faits relatés par divers médias sont les suivants : alors que M. M‘Jid El Guerrab, député LREM et ancien militant socialiste, circulait en scooter, il aurait croisé la route de l’un de ses adversaires politiques en la personne de M. Boris Faure, premier secrétaire de la fédération PS des Français de l’étranger. Les deux hommes auraient alors entamé une vive discussion avant d'y mettre fin de façon brutale par deux violents coups de casque assénés par le député à M. Faure, provoquant la chute de ce dernier, des blessures l'ayant laissé en sang et son transport immédiat à l'hôpital.
Au-delà des explications qui ne manqueront pas d’être fournies par les protagonistes (légitime défense suite à une agression, insultes à caractère racial, ainsi qu'il a déjà pu être évoqué), il peut être intéressant de s’attarder sur le traitement pénal réservé pour l'heure à cette affaire.
Rappelons que si l’on se tient aux faits tels que racontés ci-dessus, l'acte de M. El Guerrab est qualifiable de violences volontaires avec arme (le casque), commises par un député (qui pourrait éventuellement être qualifié de personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, le débat n’a pas été tranché par la Cour de cassation), ce qui porterait les peines encourues à 5 ans d’emprisonnement et 75000 € d’amende, si la victime subissait une ITT (incapacité totale de travail) inférieure ou égale à huit jours. Il s’agit donc d’une infraction relativement grave.
La logique voudrait que, comme cela se pratique dans de très quotidiens cas similaires qui n’impliquent pas de député, la personne soupçonnée soit immédiatement ou très rapidement placée en garde à vue, cette mesure privative de liberté décidée par un officier de police judiciaire, prévue par l’article 62-2 du code de procédure pénale et qui permet de soumettre à ce régime "une personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement".
Cet article ajoute que "cette mesure doit constituer l'unique moyen de parvenir à l'un au moins des objectifs suivants :
1° Permettre l'exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne ;
2° Garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l'enquête ;
3° Empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ;
4° Empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches ;
5° Empêcher que la personne ne se concerte avec d'autres personnes susceptibles d'être ses coauteurs ou complices ;
6° Garantir la mise en œuvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit."
L'utilisation de la garde à vue est fréquente, lors de la commission d'actes comparables à celui qui nous intéresse, afin de faciliter l’enquête, notamment lorsque des investigations sont indispensables (auditions, confrontation, audition de témoins sans interférence de la personne mise en cause).
En l'occurrence, il ne semble pas que M. El Guerrab ait (pour l'heure) fait l’objet d’une telle mesure. Effet de son immunité parlementaire ? Il est vrai que l’article 26 de la Constitution précise qu' "Aucun membre du Parlement ne peut faire l'objet, en matière criminelle ou correctionnelle, d'une arrestation ou de toute autre mesure privative ou restrictive de liberté qu'avec l'autorisation du Bureau de l'assemblée dont il fait partie".
Toutefois ce même article ajoute immédiatement que "Cette autorisation n'est pas requise en cas de crime ou délit flagrant ou de condamnation définitive", ce qui est le cas en l’espèce, s’agissant d’une procédure de flagrance.
Dans ces conditions, j’imagine que les enquêteurs et le parquetier de permanence ont dû pouvoir procéder d'emblée aux actes d'enquête nécessaires (audition libre du mis en cause, recueil des déclarations du plaignant et d'éventuels témoins) ou, s'ils se sont trouvés dans l'obligation de différer leurs investigations, estimer que la qualité de député de M. El Guerrab le rendait aisément joignable par la suite.
En tout état de cause, l'absence de placement en garde à vue le concernant n'équivaut nullement à un "enterrement" du dossier ni à une indulgence judiciaire prévisible. Si le député n'a pas été entendu aujourd'hui, il sera bien évidemment convoqué par la suite pour s'expliquer de l'usage prohibé qu'il a décidé de faire de son casque.