...bien que peu probable, il est vrai.
L’Euro 2016 a débuté hier et déjà l’actualité déborde hors des stades, en particulier (pour l'instant) à Marseille où se sont affrontés aujourd'hui des hooligans anglais et russes, en préambule au match opposant leurs deux pays.
Au-delà des poursuites pénales qui ne manqueront pas d’être engagées à l’encontre des délinquants interpellés pour violences ou dégradations de biens, selon le cas (une pensée spéciale au passage pour les collègues marseillais de permanence ce week-end), on peut s'interroger sur les éventuelles conséquences disciplinaires qui pourraient résulter des différents actes commis par ces supporters.
Je précise immédiatement que je ne suis pas spécialiste du droit du sport, et encore moins en règlements applicables à l’Euro 2016.
Une petite recherche sur le site de l’UEFA m’a toutefois permis de découvrir deux documents qui me paraissent encadrer la compétition en cours, à savoir le règlement du championnat d’Europe de football de l’UEFA et le règlement disciplinaire de l’UEFA, ce dernier étant applicable selon son article 2 à « toute infraction aux statuts, règlements, directives ou décisions de l’UEFA, à l’exception des violations du Règlement de l’UEFA sur l’octroi de licence aux clubs et le fair-play financier ».
Au sein de ces deux textes, plusieurs articles concernent la responsabilité des associations nationales et les questions de sécurité.
L’article 6.01 du règlement du championnat précise tout d'abord que « Les associations sont responsables du comportement de leurs joueurs, officiels, membres et supporters ainsi que de toute personne exerçant une fonction lors d'un match en leur nom ».
L’article 6.02 ajoute que « l'association organisatrice est responsable de l'ordre et de la sécurité avant, pendant et après le match. L’association organisatrice peut être tenue pour responsable d’incidents de tout genre et faire l’objet de sanctions ».
Par surcroît, l’article 8 du règlement disciplinaire précise qu’une « association membre ou un club qui est lié par une règle de comportement figurant dans les statuts ou les règlements de l'UEFA est passible de mesures et de directives disciplinaires si la violation de cette règle résulte du comportement de l'un de ses membres, joueurs, officiels ou supporters, ou de toute autre personne exerçant une fonction au nom de l'association membre ou du club concerné, même si l'association membre ou le club concerné peut prouver l'absence de toute forme de faute ou de négligence ».
Enfin, l’article 16 de ce même texte indique :
« 1. Les clubs organisateurs et les associations organisatrices répondent de l’ordre et de la sécurité dans l’enceinte du stade et à ses abords immédiats avant, pendant et après les matches. Ils sont responsables de tout incident et sont passibles de mesures et de directives disciplinaires, sauf s'ils peuvent prouver qu'ils n'ont commis aucune forme de négligence dans l'organisation du match.
2 Néanmoins, toutes les associations membres et tous les clubs sont responsables des cas de conduite incorrecte suivants de leurs supporters et sont passibles de mesures et de directives disciplinaires même s'ils peuvent prouver qu'ils n'ont commis aucune forme de négligence dans l'organisation du match :
- envahissement ou tentative d’envahissement du terrain de jeu ;
- lancement de projectiles ;
- mise à feu d’engins pyrotechniques ou de tout autre objet ;
- usage de pointeurs laser ou d’engins électroniques similaires ;
- transmission par geste, parole, objet ou par tout autre moyen de tout message étranger à l’événement sportif, notamment de messages de nature politique, idéologique, religieuse, insultante ou provocatrice ;
- acte de déprédation ;
- perturbation des hymnes nationaux ;
- tout autre manquement à l’ordre et à la discipline observé dans l’enceinte du stade ou à ses abords immédiats »
Il résulte donc de ces différents textes que les violences et dégradations commises par les supporters sont susceptibles d'engager la responsabilité disciplinaire de la Fédération Française de Football (organisatrice de l’événement) et des fédérations des deux pays dont les hooligans ont la nationalité (fédérations anglaise et russe de football).
Toutefois, la responsabilité de la FFF me paraît délicate à établir puisqu’elle sera écartée en cas d’absence de négligence dans l’organisation du match ce qui a priori est le cas, l'adéquation des mesures destinées à assurer la sécurité de l’événement n'ayant pas été mise en cause.
En revanche, la responsabilité disciplinaire des fédérations russe et anglaise pourrait très certainement être engagée, s’agissant d’une responsabilité sans faute et nullement limitée, selon l’article 16 du règlement disciplinaire, aux abords immédiats des stades.
Dans ces conditions, les sanctions disciplinaires prévues par l’article 6 du règlement disciplinaire seraient susceptibles d’être prononcées à l’encontre des fédérations russe et anglaise (et par conséquent à l’encontre de leurs équipes) qui encourraient ainsi, entr'autres, la mise en garde, le blâme, l’annulation du résultat d'un match, le travail d'intérêt général en faveur du football (celle-ci a au moins le mérite de l'originalité), la déduction de points pour la compétition en cours voire l'exclusion de la compétition en cours ou de compétitions futures. On peut par exemple se rappeler la sanction d'exclusion pour trois ans des clubs anglais de toute compétition européenne prononcée par l'UEFA à la suite du drame survenu au Heysel, en 1985.
Il appartient aux instances disciplinaires de se saisir des incidents en cause. Il n’est toutefois pas évident qu'elles le fassent ni, dans cette hypothèse, qu’une sanction intervienne avant la fin de la compétition, aucun délai de mise en oeuvre d'une telle procédure disciplinaire n’étant prévu, sauf erreur de ma part.
[Merci à @MoquetteEnBois et @Proc_Epique , collègues parquetiers et twittos, pour m'avoir obligeamment fourni l'idée de ce billet.]