Même si ce n’est pas la première fois ici, les derniers rebondissements dans l’affaire du meurtre de Grégory Villemin nous amènent à aborder de nouveau la question de la prescription de l’action publique et celle de l’allongement des délais en la matière.
Rappelons s’il en est besoin les faits : le 16 octobre 1984, vers 17 heures, Grégory Villemin, âgé de 4 ans, disparaît alors qu'il joue à proximité du domicile de ses parents. Le corps de l’enfant noyé sera découvert quelques heures plus tard, à proximité d’un barrage dans la Vologne.
Depuis lors, de nombreuses péripéties judiciaires se sont succédé (dont la condamnation de M. Jean-Marie Villemin pour l’assassinat de son cousin Bernard Laroche, qu’il soupçonnait du meurtre de son fils), jusqu’à la mise en examen ce jour de la grand-tante du petit Grégory, Mme Jacqueline Jacob et de son mari, M. Marcel Jacob pour enlèvement et séquestration suivie de mort.
On peut légitimement s’interroger sur les possibilités de poursuites dans ce dossier, alors que le délai de prescription de l’action publique était de 10 ans (il a été étendu à 20 ans par la loi du 27 février 2017), s’agissant d’un crime.
32 ans après le meurtre, le délai légal de 10 ans paraît en effet à première vue largement expiré. Sauf que selon les dispositions de l’article 9-2 du code de procédure pénale, le délai de prescription de l’action publique est interrompu notamment par « Tout acte, émanant du ministère public ou de la partie civile, tendant à la mise en mouvement de l'action publique, tout acte d'enquête émanant du ministère public, tout procès-verbal dressé par un officier de police judiciaire ou un agent habilité exerçant des pouvoirs de police judiciaire tendant effectivement à la recherche et à la poursuite des auteurs d'une infraction, tout acte d'instruction accompli par un juge d'instruction, une chambre de l'instruction ou des magistrats et officiers de police judiciaire par eux délégués, tendant effectivement à la recherche et à la poursuite des auteurs d'une infraction, tout jugement ou arrêt. »
L’interruption du délai de prescription fait courir un nouveau délai de prescription égal au délai initial. Chaque acte d’investigation ou décision juridictionnelle a donc fait courir un nouveau délai de 10 ans.
En l’occurrence, les actes interruptifs de prescription sont multiples : arrêt de la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Dijon du 3 février 1993 prononçant un non-lieu au bénéfice de Christine Villemin, arrêt de cette même chambre de l’instruction du 11 avril 2001, réouverture de l’instruction à l’initiative du Parquet général de Dijon suite à la demande des époux Villemin du 9 juillet 2008, pour n’en citer que quelques-uns parmi ceux qui ont été publics.
Cela explique que nonobstant l’ancienneté des faits, la poursuite de l’instruction judiciaire et l’éventuelle condamnation des personnes qui pourraient être mises en examen dans le cadre de ce dossier trentenaire soit encore possible. Sans que cela signifie pour autant que la recherche de la vérité à partir des recoupements de déclarations remontant à plusieurs décennies et de preuves matérielles relativement restreintes soit aisée.