Les élu(e)s français ne semblent pas toujours faire un usage pondéré des réseaux sociaux - bien qu'y commettre certaines bourdes de campagne (au hasard, se risquer à quelques commentaires peu élogieux au sujet du futur président de la République) n'empêche nullement d'hériter d'un maroquin ministériel, ainsi que nous avons pu le constater aujourd'hui.
Mme Françoise Grolet, conseillère municipale élue sous l'étiquette du Front National à Metz, en a fait la malheureuse expérience : le 5 janvier dernier, elle s'est avisée de publier sur sa page Facebook le post suivant : « #Metz, un [bus municipal] Mettis A (Borny/Woippy) attaqué par balles hier 21h à Borny. Chauffeur sous le choc. Il est temps de restaurer l’ordre ! ». Rien de bien particulier, hormis le fait qu'aucun bus n’avait été attaqué dans l'agglomération ce jour-là, ni durant les jours précédents.
Suite à la plainte déposée par la commune, l’élue a été convoquée devant le tribunal correctionnel le 17 mai 2017 pour diffusion de fausse nouvelle.
Cette infraction, qui n'est pas si fréquemment poursuivie à ma connaissance, est prévue par l'article 27 de la loi du 29 juillet 1881 modifiée : « La publication, la diffusion ou la reproduction, par quelque moyen que ce soit, de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers lorsque, faite de mauvaise foi, elle aura troublé la paix publique, ou aura été susceptible de la troubler, sera punie d'une amende de 45 000 € ».
Si la première condition (à savoir la fausse information) semble aisée à satisfaire, deux autres doivent être réunies : le risque de trouble de la paix publique, et la mauvaise foi.
S’agissant du risque de trouble de la paix publique, les tribunaux doivent l’apprécier en faisant référence à des éléments concrets, et non de manière abstraite. Le tribunal correctionnel de Nanterre a ainsi considéré, à propos d’un reportage photo monté de toutes pièces autour de prétendues exactions commises dans une cité, que « cet article laissant apparaître un climat d'insécurité particulièrement inquiétant a conduit l'autorité municipale, pour apaiser les craintes et ramener la paix publique, à diffuser un tract sur l'ensemble de la commune », concluant en conséquence que « la vivacité et l'immédiateté de la réaction traduisent de manière flagrante le trouble porté à la paix publique ».
Il appartiendra donc au tribunal correctionnel de Metz de rechercher de façon concrète si la diffusion de l’information sur le compte Facebook de cette élue était de nature à entraîner de tels troubles. On pourrait par exemple estimer que si la conseillère municipale avait eu 4 "amis" Facebook au nombre desquels ses enfants et un compte au nom de son chat, le risque de trouble à l'ordre public eût été assez réduit.
Même si cette condition est remplie, la répression pourra être écartée s'il peut être établi que Mme Grolet était de bonne foi : autrement dit, si elle pensait réellement que l’information diffusée était vraie au moment où elle l'a mentionnée dans son statut Facebook, elle ne pourra être reconnue coupable du délit poursuivi. Il appartient évidemment au procureur de la République de démontrer la connaissance par la prévenue de la fausseté de l'information pour demander valablement sa condamnation.
En l'attente de la décision du tribunal messin, autant s'abstenir de répandre sur le net des informations non vérifiées, notamment lorsqu'elles peuvent affecter la tranquillité de nos concitoyens. Sauf, évidemment, si l'on est président d'une grande démocratie d'outre-Atlantique, par exemple.