La République française n'a pas encore de Président, mais Mme Le Pen, qualifiée pour le second tour de l'élection, a d'ores et déjà annoncé son intention de nommer M. Nicolas Dupont-Aignan, récemment rallié à sa cause, au poste de Premier ministre en cas de victoire. Ces informations ont suscité de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux, diverses personnalités du show-biz s'épanchant principalement sur Twitter. Si sans surprise, M.Bernard Pivot a fait preuve d’élégance dans son propos, en tweetant que « J'ai écrit Dupond (-Aignan) avec un d comme damné alors que j'aurais dû écrire Dupont avec un t comme ténèbres. », d’autres ont été plus lestes dans les opinions exprimées à l'égard du candidat de Debout la France.
Enigmatique, M. Benjamin Biolay a ainsi commenté une photo de M. Dupont-Aignan d'un "À tes risques et périls petite teupu. Tu vas le payer cher".
Plus direct, M. Mathieu Kassowitz a qualifié l’élu d' « espèce de trou du cul » tandis que M. Gilles Lellouche, inspiré par le même registre anatomique, le traitait de « grosse merde ».
M. Dupont Aignan n'a pas tardé à clamer son intention de déposer plainte à l'encontre de ces artistes. Si MM. Biolay et Lellouche ont retiré leurs publications respectives, M. Kassowitz a pour sa part surenchéri d'un "Je rajouterais: je t'encule Thérèse. Impatient de vous retrouver dans un tribunal pour parler de votre anus. #viergeeffarouchée" ».
On peut constater que l'humeur des auteurs de ces propos semble bien au diapason de ces quelques jours durant lesquels la seule expression d'une opinion politique semble immanquablement provoquer l'agressivité ou le mépris d'au moins un interlocuteur. Quelle que soit la sympathie que l'on entretient pour l'un ou l'autre camp, on ne peut manquer de convenir du fait que les artistes sus-cités s’exposent à des sanctions pénales sous la qualification d’injure, voire de menace.
Rappelons que l’injure est définie comme « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait est une injure » et est sanctionnée d’une peine d’amende de 12 000 euros, et correspond évidemment aux termes employés dans les tweets litigieux.
Les propos de M. Biolay seraient même susceptibles d'être considérés comme menaçants dans la mesure où ils assurent à M. Dupont-Aignan qu'il va "le payer cher", évoquant un acte commis à ses "risques et périls". Une interprétation sévère peut conduire à analyser ces termes comme des menaces de violences (faute de certitude sur leur contenu exact, l'idée de menace de mort caractérisée ne peut être retenue), sanctionnables à ce titre de l'amende prévue pour les contraventions de 3ème classe, soit 450 euros.
On pourrait envisager que M. Dupont-Aignan, s'il était appelé à diriger le gouvernement, ait plus important à gérer que les suites judiciaires à donner aux propos même injurieux tenus à son égard par tel ou tel artiste. Imagine-t-on le général de Gaulle déposer plainte à l'encontre de tous les mécontents dont le verbe haut s'élèverait à son égard ? Eh bien oui. Le général, à l'époque, ne tolérait pas qu'on lance à son passage un "à la retraite !", ni même un "hou hou !", et déposait plainte pour de telles offenses. L'incarnation de l'indifférence à l'injure au plus haut sommet de l'Etat semble avoir été l'apanage de M. Giscard d'Estaing, qui en avait fait un principe et s'était ainsi laisser traiter sans sourciller en une de Libération de "grande saucisse sans moutarde" (parmi d'autres joyeusetés que rigoureusement ma mère m'a défendu de nommer ici).