La campagne présidentielle battant désormais son plein, il faut moins de temps à un candidat pour proférer un bon gros mensonge qu'à un tribunal correctionnel pour juger un dossier de comparution immédiate.
Démonstration facile et récente de cette tendance : interviewée hier sur Radio Classique, Mme Marine Le Pen s'est une fois de plus élevée contre le supposé répandu laxisme judiciaire français, affirmant avec une belle assurance qu' « Aujourd’hui on ne peut pas incarcérer des gens qui sont condamnés à moins de cinq ans de prison ».
Les esprits crédules en auront immédiatement déduit que les 69077 détenus que comptent actuellement les prisons françaises ont été condamnés à des peines supérieures à cinq ans d'emprisonnement. Tranquillisons-les donc immédiatement : ce que raconte Mme Le Pen sur ce point est complètement faux.
Les tribunaux correctionnels prononcent quotidiennement des peines de prison de durée variable, et la plupart (environ 90 % selon de rapides calculs d'après les chiffres-clés de la justice, accessibles à tous pour chaque année sur le site de la Chancellerie) pour des durées inférieures à cinq ans. Si certaines peuvent être mises à exécution immédiatement, dès le prononcé du jugement de condamnation lorsqu'un mandat de dépôt est décerné à l'encontre de la personne concernée, il est dans de nombreux cas possible que la peine d’emprisonnement ferme puisse être exécutée plus tard.
Tout d'abord, la loi prévoit que toute peine inférieure à deux ans d’emprisonnement ferme puisse faire l’objet d’un aménagement, ce qui signifie a contrario que les peines supérieures à ce quantum sont mises à exécution, avec incarcération du condamné.
Concernant ensuite les personnes dont la peine peut être aménagée (placement sous surveillance électronique, semi-liberté…), une telle mesure n’est nullement automatique, puisque chaque requête en aménagement est soumise à l'appréciation du juge de l’application des peines (JAP) qui prendra sa décision en fonction de la situation sociale, familiale et professionnelle du condamné, ainsi que de son positionnement par rapport aux faits pour lesquels il a été condamné. En clair, un condamné à une peine de prison ferme d’une durée d'un mois qui ne fournit aucun effort de réinsertion et ne répond pas aux convocations qui lui sont adressées par le JAP pourra sans difficulté être incarcéré pour cette durée.
De même, une personne condamnée à une peine d’emprisonnement assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve qui ne respecte pas les obligations mises à sa charge par le tribunal ou le JAP pourra voir son sursis révoqué par celui-ci, là encore pour des durées pouvant se limiter à quelques mois.
Les propos de Mme Le Pen ne font que confirmer que le Dr Gregory House avait raison : tout le monde ment. Mais ceux qui approchent d'une échéance électorale importante et sont prêts à tout pour être élus mentent probablement encore plus.