L’invention du canular téléphonique a vraisemblablement suivi de près celle du téléphone (ou du moins l’accès à celui-ci par le grand public). Les moyens de communication d’aujourd’hui conjugués à l’extrême tension des forces de police soumises aux impératifs de l’état d’urgence depuis des mois, ainsi qu’à l’indécrottable sens de la couillonnade mal à propos des adolescents ne pouvaient que produire un mélange détonant, tôt ou tard.
C’est chose faite depuis le samedi 17 septembre puisque peu avant 16 heures, un appel à la préfecture de police de Paris a signalé une prise d’otages au sein de l’église Saint Leu Saint Gilles dans le Ier arrondissement. Cet appel a logiquement déclenché une forte mobilisation policière et la mise en œuvre de l’application gouvernementale SAIP (système d’alerte et d’information des populations), créée pour prévenir le public en cas d’attentat.
Très rapidement, il a été établi qu’il s’agissait d’une fausse alerte. Une enquête a été ouverte à l’initiative du parquet de Paris des chefs de dénonciation de crime imaginaire et divulgation de fausses informations afin de faire croire à une destruction dangereuse.
Les investigations se sont progressivement dirigées vers deux mineurs qui se vantaient de leurs agissements, sur Facebook notamment, indiquant avoir voulu le buzz.
Un adolescent de 16 ans a été interpellé le lundi 19 septembre et placé en garde à vue.
Que risque ce mineur ?
Les deux délits susceptibles de lui être reprochés sont prévus par les articles 434-26 du code pénal (dénonciation d’une infraction imaginaire punie d’une peine de six mois d’emprisonnement) et 322-14 du même code (divulgation d’une fausse information dans le but de faire croire qu'une destruction, une dégradation ou une détérioration dangereuse pour les personnes va être ou a été commise, punie d’une peine de 2 ans d’emprisonnement).
A l’issue de sa garde à vue, le mineur sera vraisemblablement présenté (c'est à dire déféré) à un juge des enfants aux fins de mise en examen. En effet, si d’autres modes de poursuites sont possibles, nul doute que compte tenu de la nature du dossier et de son retentissement public, le parquet choisisse cette voie.
Aucune détention provisoire n’est envisageable à son égard, puisque s’agissant d’un mineur de 16 ans, une telle mesure ne serait possible que si la peine encourue était supérieure à trois ans d'emprisonnement, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence.
Le juge des enfants saisi pourra toutefois ordonner à son encontre un contrôle judiciaire pouvant notamment comprendre le placement du mineur dans un centre éducatif, en fonction des éléments de personnalité qui lui auront été transmis (casier judiciaire, éléments de personnalité transmis pas divers intervenants…).
A l’issue de l’instruction, s’il estime les infractions suffisamment caractérisées à l'encontre du mineur, le juge des enfants instructeur pourra soit renvoyer l’affaire devant un tribunal pour enfants, juridiction composée d'un juge et de deux assesseurs issus de la société civile susceptible de prononcer des peines, soit devant un autre juge des enfants qui ne pourra prononcer à son égard que des mesures éducatives (admonestation, remise à parents, placement éducatif...).
Bref, une somme d'ennuis considérable qui aurait pu être évitée si l'ado en question avait tourné sept fois sa langue dans sa bouche avant de téléphoner et de connaître son quart d'heure de gloire warholien de façon peu enviable - quoi que puissent en dire les amis Facebook de l'intéressé.