A chaque jour sa polémique à connotation religieuse. Après l’évacuation hier de l’église Sainte Rita à Paris, en application de décisions de justice, le non-événement du jour se situe dans les Bouches du Rhône : une association de femmes d’un quartier de Marseille a privatisé un parc aquatique situé aux Pennes-Mirabeau, avec pour consigne de « ne pas venir en deux pièces (parties doivent être cachées de la poitrine aux genoux), mais le mini est un maillot une pièce avec paréo ou short caleçon ». Sur la page Facebook de l’association, il est précisé que "Bien entendu il y aura des maîtres-nageurs hommes c'est la raison pour laquelle l'association a négocié afin qu'exclusivement le parc autorise la baignade en burkini, (…) les enfants garçons sont également autorisés jusqu'à dix ans".
Ces quelques mots ont suffi à embraser une partie de la classe politique puisque M. Michel Amiel, maire de la commune, considérant que cet évènement "relève à la fois de la provocation et d'un repli identitaire", envisage de prendre un arrêté municipal pour interdire la manifestation "car elle peut menacer l'ordre public" (et a confirmé que son intention se matérialiserait en acte administratif dès la semaine prochaine, si j’ai correctement écouté son interview sur Europe 1 ce soir). "J'ai peur que, dans le contexte actuel, l’événement suscite des prises de position dures et agressives", explique-t-il. "Des femmes se battent, depuis des dizaines d’années, pour avoir des libertés, ajoute-t-il. Cette manifestation jette un voile, sans mauvais jeu de mot, d’obscurantisme sur la condition féminine."
Mme Valérie Boyer, députée LR, a quant à elle réagi en ces termes sur Twitter : « Privatisation à but communautaire d'un parc aquatique : Face à de tels actes communautaires insupportables agissons ».
M. Stéphane Ravier, sénateur-maire étiqueté FN, a également réagi :« Cette journée islamique démontre qu'au-delà des discours rassurants des autorités musulmanes, un certain nombre de musulmans se coupent volontairement de notre modèle républicain, et se mettent d'eux-mêmes à l'écart de notre société. »
Il est permis de rester sans voix face à l’ampleur prise par cette polémique au sujet d’une manifestation supposée se dérouler dans un lieu privé.
Rappelons que les principes de laïcité et de liberté religieuse sont prévus par l’article 1er de la Constitution qui précise que “la France est une République laïque. Elle respecte toutes les croyances”, la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat énonçant que la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes, et que la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte.
La loi consacre donc le principe de liberté et celui de neutralité de l’Etat à l’égard des religions, la liberté de culte impliquant nécessairement celle d’exprimer ses convictions religieuses, sous réserve d’éventuelles atteintes à l’ordre public.
C'est principalement au sujet du port de signes religieux que des difficultés ont pu se faire jour, en particulier le port du « foulard islamique ». Est ainsi autorisé le port d’un voile dans un lieu public, dans la limite de la contravention de dissimulation de visage prévue par le code pénal.
Mais je dirais que concernant le parc aquatique et ses burkinis, la question de la laïcité est annexe, s’agissant plutôt d’un principe de liberté au sens large, la manifestation se déroulant dans un lieu privé.
On peut ainsi rappeler que selon l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi. »
Aucune loi n’imposant ni n’interdisant le port d’un type de maillot de bain dans un lieu privatisé en France (heureusement), l’association organisatrice de cette manifestation me paraît être parfaitement dans son droit en imposant un dress-code aux participantes.
Imaginons que cette piscine ait été privatisée une journée par une association naturiste, désireuse d’y faire appliquer la même norme vestimentaire anti-textile que dans les campings pratiquant ses règles de vie : on peut raisonnablement parier que nul parlementaire n’eût protesté quant à la nudité obligatoire des participants, alors même que le code pénal, toujours lui, interdit au citoyen d’exhiber ses parties intimes sur la voie publique.
Est-il plus indigne d’imposer le port d’une tenue dans une piscine que d’interdire qu’il en soit porté dans un camping naturiste ?
Je dirais bien que non, mais que c’est également bien plus connoté, par les temps qui courent. Donc politiquement plus porteur, aussi.