Tandis que les policiers municipaux biterrois attendent (impatiemment, n'en doutons pas) leurs ordres de mission pour la traque des crottes de chiens, la municipalité de Perpignan se lance à son tour dans la course à la verbalisation exotique. En effet, cette semaine, un artiste de rue qui soufflait de grandes bulles de savon sur une place de la commune s’est vu infliger une amende de 35 € pour « déversement de liquide insalubre hors des emplacements autorisés ».
C’est avec une certaine perplexité que l'intéressé s'est vu délivrer cette amende, croyant dans un premier temps à une plaisanterie.
Le texte visé par les agents verbalisateurs est l’article R 633-6 du code pénal, qui sanctionne d’une amende prévue pour les contraventions de 3e classe (soit 450 euros maximum) « le fait de déposer, d'abandonner, de jeter ou de déverser, en lieu public ou privé, à l'exception des emplacements désignés à cet effet par l'autorité administrative compétente, des ordures, déchets, déjections, matériaux, liquides insalubres ou tout autre objet de quelque nature qu'il soit, y compris en urinant sur la voie publique, si ces faits ne sont pas accomplis par la personne ayant la jouissance du lieu ou avec son autorisation ».
On peut donc légitimement s’interroger sur le caractère "insalubre" du liquide utilisé en l'occurrence. Selon l’artiste de rue, il s’agit simplement d’eau savonneuse, qui ne me semble pas pouvoir être considéré comme nuisible à la santé des administrés ni à la salubrité des pavés perpignanais.
Par surcroît, est sanctionné le fait de « déposer, d’abandonner, de jeter ou de déverser » le liquide en question. Il paraît donc difficilement concevable que le fait de réaliser des bulles de savon, dont les légères éclaboussures se répandent sur le sol d’une place avant d'y sécher, soit constitutif de l’action de jeter ou déverser. Tout au plus pourrait-on caractériser l'infraction en cause si le créateur de bulles renversait le récipient contenant le liquide sur les pavés, à la fin de son spectacle.
Dans ces conditions, nonobstant la rédaction du procès-verbal d’amende forfaitaire, l'artiste de rue me paraîtrait fondé à contester cette amende en saisissant le juge de proximité, afin de pouvoir légitimement poursuivre son activité pour le plus grand bonheur de son public (dont ne font manifestement pas partie les membres de la municipalité perpignanaise et de sa police).