La grande crispation sur l’immigration affecte aussi bien la terre d’immigration qu'est le Royaume Uni que les terres de grande homogénéité culturelle telle que l’Autriche et la République Tchèque.
« A qui l’Europe devrait-elle ouvrir ses frontières ? »
Pour mieux observer le phénomène, disséquons la question et ses réponses. Les répondants ont plusieurs choix, qui regroupent l’ensemble des options politiques existant en Europe :
- A tout le monde
- aux réfugiés des zones de guerre
- aux migrants de pays développés
- aux migrants de pays en voie de développement
- à des quotas basés sur le job ou le pays d’origine des personnes
- aux personnes diplômées du monde entier
- à personne
En France, ils ne sont que 6% à répondre « à personne ».
10% veulent réserver l’immigration aux « diplômés du monde entier » et 12% optent pour une politique de quotas.
27% souhaitent s’ouvrir uniquement aux réfugiés de guerre.
43% sont prêts à accueillir tout le monde.
Les Espagnols sont quasiment sur la même distribution : seulement 2% répondent « à personne », 10% aux « diplômés du monde entier », 19% optent pour une politique de quota, 18% s’ouvrent aux réfugiés de guerre et 47% « à tout le monde ».
La France et l’Espagne sont néanmoins les deux seuls pays d’Europe où la jeunesse répond à plus de 40% « à tout le monde ». Le Luxembourg s’y approche (39%).
La Suisse et les Pays-Bas placent en tête l’accueil aux réfugiés de guerre et uniquement eux.
D’autres pays sont nettement plus confus.
En Italie, un tiers des jeunes sont partants pour ouvrir les portes de l'Europe à tout le monde, 23% uniquement aux réfugiés de guerre. Moins que les 24% qui ne s’ouvrent qu’aux « personnes diplômées du monde entier ». 9% choisissent « les quotas », et seulement 6% ne veulent personne. Un schéma qui ressemble à celui de la Belgique : le même tiers (35%) ouvert à tout le monde, une plus grosse proportion pour les réfugiés de guerre et uniquement eux (31%). Les jeunes Irlandais sont encore plus coupés : 25% s’ouvrent « à tout le monde », 19% uniquement aux réfugiés de guerre, 24% optent pour les quotas, 16% uniquement aux diplômés, et quand même 10% à personne.
Très grande proximité avec l’Allemagne, le pays qui s’est pourtant le plus ouvert en Europe aux réfugiés : 36% sont ouverts à tout le monde, 36% aux réfugiés, 11% aux quotas et 13% aux diplômés. Des chiffres à rapprocher des jeunes Hollandais : ils ne sont qu’un quart à être ouvert à « tout le monde » et privilégient à 37% les réfugiés de guerre.
On retrouve de la cohérence en examinant les pays ayant répondu majoritairement pour la préférence nationale à l’embauche (voir article précédent) : les jeunes en Autriche ne s’ouvrent qu’aux réfugiés de guerre à 44%, contre à peine 18% « à tout le monde ». On retrouve le socle de 7% fermé à tout le monde. Les jeunes Tchèques sont encore plus radicaux : ils placent en tête l’ouverture uniquement aux diplômés, tout juste 29% n’acceptent que les réfugiés de guerre. Comme en Irlande, l’option « à personne » franchi la barre des 10%.
Enfin, si les jeunes Britanniques placent en tête « tout le monde », ce n’est qu’un quart de cette génération (26%). Ils sont comme les Tchèques vis à vis des réfugiés de guerre : 17% à ne s’ouvrir qu’à eux. Ils sont 14% (le plus fort chiffre en Europe) à être fermés à tout le monde.
« À moi le monde, mais le monde hors de chez moi » ?
Cette génération très voyageuse, très tentée par l’idée d’aller vivre en dehors de son pays (51% de l’ensemble des répondants européens disent qu’un jour, peut être, ils s’installeront à l’étranger, et 18% dès qu’ils le pourront, soit un total de 69% qui envisagent sérieusement de quitter leur pays) est en revanche très frileuse sur l’accueil des autres.
Comme s'ils disaient: « à moi le monde, mais le monde hors de chez moi » ?
Heureusement non : la très faible proportion de jeunes ne voulant s’ouvrir à personne (6% de l’ensemble des répondants) prouve plutôt qu’une grande confusion s’est installée, et que le pays –la France- où le débat est né il y a plus de 30 ans est aussi le pays où l’ouverture aux autres est la plus grande, avec l’Espagne, pays débarrassé du fascisme depuis 40 ans. On peut se permettre une hypothèse : les pays où l’extrême droite a longtemps porté seule cette thématique des frontières fermées sont aussi les pays où la jeunesse rêve le plus de pays totalement ouvert. Comme une position de principe. En revanche, les pays où les forces politiques classiques portent -avec des partis populistes récents- ces thématiques sont ceux où les jeunesses sont les plus confuses.