Ça n'aura échappé à personne : Grand Theft Auto V (GTA V) arrive dans les rayons mardi 17 septembre. Le dernier volet de la sulfureuse saga aux 125 millions de copies vendues à ce jour est attendu par des millions de fans, impatients de gravir les échelons du crime organisé dans les rues de la ville de Los Santos.
J'ai essayé tous les GTA depuis le deuxième épisode, sorti en 1999, ce qui ne me rajeunit pas. Et pour la première fois, j'ai l'impression que l'arrivée de ce nouvel opus est un véritable événement culturel, qui dépasse largement l'actualité des seuls jeux vidéo. Voici pourquoi.
Parce que c'est un jeu aux moyens d'un blockbuster de ciné
La démesure des moyens nécessaires à la conception de GTA V laisse songeur. Le quotidien écossais The Scotsman évoquait le 8 septembre une somme de plus de 200 millions d'euros pour développer et promouvoir cet épisode. Un expert du domaine, interrogé par LeMonde.fr, évalue lui les coûts de production et de publicité à 165 millions d'euros.
Ces sommes propulsent en tout état de cause GTA V très loin des standards en matière de jeux vidéo. A titre de comparaison, cela représente le budget nécessaire au tournage de quatre saisons de la série Game of Thrones, si l'on se base sur les chiffres du Hollywood Reporter (article en anglais). Ou le prix nécessaire à la production du film Avengers, ou encore Man of Steel.
A ce prix-là, les équipes de Rockstar North ont pu se faire plaisir : univers de jeu dont la taille triple par rapport à celui de GTA IV, bande originale où se croisent Snoop Dogg, Steevie Wonder et Britney Spears, et campagne publicitaire XXL.
Parce qu'il s'est -presque- débarrassé des polémiques
Les sorties des précédents épisodes ont systématiquement été entourées d'une forte odeur de soufre. Dès le début des années 2000, l'association Familles de France s'est insurgée contre cette franchise, dans laquelle braquer une banque puis écraser des policiers lors d'une course-poursuite constitue le pain quotidien.
En avril 2008, la même association craignait (document PDF) que GTA, quatrième du nom, ne "banalise" la violence et les crimes. Nadine Morano, à l'époque secrétaire d'Etat à la Famille, était aussi vent debout contre GTA IV, jeu "violent", "amoral" et "potentiellement addictif"... Et de se faire photographier par Paris Match, manette en main, en train d'expliquer à son fils pourquoi "ce jeu est un jeu violent, un jeu addictif, avec des images inacceptables". Autant de commentaires qui n'ont pas franchement aidé la série à se faire accepter pour ce qu'elle est : une œuvre de fiction pour adultes, à ne pas mettre entre toutes les mains.
Mais cette année, rien ou presque. La vidéo d'un jeune enfant de 11 ans qui reçoit le jeu un peu avant sa sortie officielle devrait bien susciter quelques réactions, mais j'ai le pressentiment que cette fois, les polémiques épargneront GTA. Grâce, sans doute, aux autres succès violents sortis entre temps, sans susciter de levée de boucliers. Récemment, la saga Bioshock, le dernier volet de Tomb Raider ou encore The Last of Us ont contribué à banaliser l'idée selon laquelle les adultes sont des joueurs comme les autres.
Parce que la presse le présente comme le dernier "Star Wars"
Symptôme d'une situation qui évolue favorablement, le traitement réservé par la presse généraliste à GTA ressemble comme deux gouttes d'eau à celui d'un blockbuster de cinéma. File d'attente devant les magasins qui ont vendu le jeu avant l'heure, double-page dans Libération, tests sur les sites de médias traditionnels... On confondrait presque ce GTA avec le nouveau Star Wars.
Du coup, les sites spécialisés trouvent d'autres moyens de raconter GTA V. A titre d'exemple, Polygon a publié un excellent article (en anglais), dans lequel les scénaristes du jeu expliquent quels mécanismes narratifs ont été bouleversés par le passage d'un à trois personnages principaux. Pas encore Les Cahiers du cinéma, mais tout de même.