Manuel de com' : la leçon de Valls à 3 temps

Le Premier ministre, Manuel Valls, le 1er avril 2014, après la passation de pouvoirs avec Jean-Marc Ayrault, à Matignon, à Paris. (VILLARD/WITT/SIPA)

Il y a eu les "erreurs de com'", les "couacs", les "bourdes", la "cacophonie" que les éditorialistes de tous bords ont commentés, conspués -que dis-je ?- vilipendés au cours de ces 22 premiers mois de présidence. Puis, vint la débâcle des municipales, l'amertume des élus battus. La rancoeur aussi. Il fallait envoyer des signes de changement. Rapidement. Et là, glissement. Peu enclin à la communication, François Hollande s'est subrepticement mis à bouger les lignes de son horizon. Finis les retards et les approximations, bonjour la réactivité et le sens du tempo. Retour sur l'arrivée de Manuel Valls, expert en communication, à la tête de Matignon.

1 Leçon n°1 : Ecran de fumée et détournement de l'attention médiatique

 

Vous vous souvenez, vous, de la débâcle socialiste d'il y a deux jours à peine ? Des plus de 150 villes de 9000 habitants tombées aux mains de l'UMP ? De la gifle électorale assénée dimanche soir à un PS désenchanté ? Non. Et c'est voulu. Une fois n'est pas coutume, François Hollande s'est exprimé en temps et en heure pour annoncer l'arrivée de Manuel Valls à la tête du gouvernement. Résultat : exit les discussions à n'en plus finir sur la défaite socialiste, place aux portraits du nouveau "PM". Par ce déplacement de l'attention médiatique, de la déroute électorale au choix du Premier ministre, François Hollande oblige l'ensemble des leaders de droite à se positionner sur le sujet qu'il a placé lui-même en "Une" de l'agenda médiatique. Si vous êtes plus adeptes de métaphores footballisques -à quelques heures du match de Champions League "PSG-Chelsea"- on pourrait dire que le Président oblige les ténors de la droite à jouer à domicile. Sur son terrain. Celui qu'il a choisi. Le Palais est magique.

2 Leçon n°2  : Passation de pouvoir et storytelling

 

Pour sa première intervention médiatique sur le perron bondé de Matignon en tant que Premier ministre, Manuel Valls n'a rien laissé au hasard. Qui pour assurer le SAV cathodique de ce passage de relais ? Monique Juif, assistante de direction, embrassée par le nouveau "PM" sous le crépitement incessants des flashs des photographes attroupés. Aussitôt repérée par les médias, elle est devenue -en un instant- l'icône de cette passation sur les chaînes d'information. Non seulement, cette future retraitée ne tarit pas d'éloges à l'égard du nouveau Premier ministre avec lequel elle a collaboré par le passé, mais plus encore, elle l'appelle "Manuel", sans ambages.

"C'est une personne pour moi exceptionnelle. C'est un modèle, une volonté. Le respect d'autrui, il aime son pays. [...]
Je pense qu'il est tellement volontaire, il aime tellement le pays, il veut que ça change le plus vite possible."

Un objectif évident : jouer la carte de la proximité avec l'opinion. Manuel Valls doit permettre aux socialistes de renouer avec les classes populaires et il entend bel et bien le faire. Il a d'ailleurs choisi le 20h de TF1 pour s'exprimer face au plus grand nombre ce soir.

3 Leçon n°3 : composition du gouvernement et posture d'ouverture

 

Pour son gouvernement de "combat", Manuel Valls sera donc entouré de 16 ministres. Ce chiffre ne manquera pas d'être martelé dans les médias, à dessein. Plus qu'un gouvernement, il s'agit de mettre en scène et en images l'émergence d'une "task force" expérimentée et rassemblée. La nomination des secrétaires d'Etat n'interviendra que la semaine suivante, de manière tactique en vue du vote de confiance au gouvernement. Une manière d'imprimer le rythme, de gagner du temps, de prolonger la séquence tout en gardant la main sur l'agenda. Pour contrer les possibles critiques d'un remaniement d'opérette, des éléments de langage ont déjà été pensés : "les ministres ont une surface politique, une expérience, qui leur permettra de porter avec force leurs dossiers." Certes, la nomination de Stéphane Le Foll -l'ami de toujours du Président- au porte-parolat, atteste que la "voix" du gouvernement sera aussi celle de l'Elysée. Certes, le choix à la dernière minute de Bernard Cazeneuve -au détriment de Rebsamen et de Urvoas-, pour le ministère de l'Intérieur est plutôt en faveur du "Château". Mais qu'on ne s'y trompe pas ce gouvernement d'ouverture permet aussi à Manuel Valls de se positionner en tant que rassembleur capable de composer avec les forces en présence.

Un défi lorsqu'on sait que Laurent Fabius et Arnaud Montebourg s'arrogent d'ores et déjà tous les deux le ministère du commerce. L'opposition, aux aguets quant à elle, entend bien montrer que l'absence des écologistes au sein de l'exécutif ne présage rien de bon à venir.

Par définition, il faut être deux pour danser la valse. Et deux, c'est sans doute déjà de trop.

 Anne-Claire Ruel

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