Déjà plusieurs semaines que la rumeur enflait... Solférino vendu, le parti socialiste réfléchirait à l'éventualité de franchir, non pas le Rubicon, mais le périphérique. Finalement, France Inter dans son JT de 7h30 ce jeudi 26 avril matin a vendu l'information. Une fuite visiblement non organisée par le parti socialiste, puisque la signature n'est pas encore actée et que cette décision doit être validée par un conseil national du Parti socialiste, dans les prochains jours. Alors pour en savoir plus sur ces nouveaux locaux de 1183 mètres carrés, nichés à Ivry-port sur une ancienne zone industrielle des bords de Seine, je me suis rendue sur place après avoir lu de descriptif et le plan des lieux. La présentation, succinte, indique qu'il s'agit d'"une ancienne manufacture entièrement restructurée en 2010 bénéficiant de grands volumes atypiques et d’un cadre de travail exceptionnel aux portes de Paris, à toute proximité des Quais de Seine et du quartier tertiaire d’Ivry sur Seine. Idéal start-up, agences d’architecture, communication, production TV …Possibilité de terrasse panoramique totalement aménagée (600 m²)" . Une fois sur place, la présentation de l'annonce s'avère conforme. Les locaux sont ouverts, modernes, à cinq minutes à pieds du RER C menant directement à l'Assemblée nationale, lorsqu'il n'y a pas de grèves. En face de ces bâtiments clairs, un petit bar-tabac baptisé "le Village Délice" se dresse. Des vernissages y sont régulièrement organisés par les artistes du quartier dont certains habitent juste à côté, dans les magnifiques lofts à l'intérieur d'une ancienne usine Danone. En quoi la vente de leur lieu historique pour rejoindre la banlieue rouge d'Ivry-sur-Seine peut être une bonne opération de communication ? La réponse et les photos des lieux ci-dessous.
Parce que le PS va réaliser des économies tout en adoptant une posture modeste
Alors que le Parti socialiste a subi un double revers à la présidentielle et aux législatives de 2017, ses subventions publiques relatives à son nombre d'élus avaient considérablement baissé. Il fallait réagir et vite. La vente de Solférino, niché dans le très chic VIIème arrondissement de Paris s'imposait. Le futur QG présente l'énorme avantage d'être dix fois moins cher que le précédent (45,5 millions d'euros)... De quoi renflouer les caisses et préparer plus sereinement la riposte. Si l'heure est aux restrictions budgétaires, les socialistes ne pouvaient vivre au-dessus de ses moyens. Cette posture "low profil" est à l'image de la stratégie de reconquête. Patiente. "Je ne dépenserai pas nos marges financières pour un lieu prestigieux au cœur de Paris" avait déclaré Olivier Faure dans son discours d'intronisation.
Parce que le bâtiment est moderne, fonctionnel et surtout ouvert sur l'extérieur
Olivier Faure, le nouveau patron du PS, souhaitait un lieu où "le fonctionnel primerait sur l'ostentatoire". Le 99 rue Molière remplit aisément ce cahier des charges. La photographie qui circule sur les réseaux fait assurément du tort au parti socialiste : la fuite, en deux temps, n'a pas été organisée et cela se voit car l'image d'illustration de l'article n'est pas flatteuse. Dommageable pour l'annonce officielle à venir. Cela n'aide assurément pas au storytelling et à la maîtrise de la communication. Sur place, le bâtiment se révèle beaucoup plus moderne et ouvert que Solférino, un prestigieux hôtel particulier certes, mais qui était fermé vers l'extérieur et cloisonné à l'intérieur. Avec ce nouvel espace très lumineux et avec des toits composés de verrières, s'étendant sur 4 étages, pas de cloisons, mais des open space pour startupers si chers à Emmanuel Macron dont les locaux d'En Marche, situés rue Ste Anne dans le deuxième arrondissement à Paris, paraîtraient presque démodés. Hall sécurisé, accueil, belles salles de réunion, espaces détente, open space, jardin privatif, cuisine aménagée directement accessible vers la terrasse... Et même la possibilité de faire des travaux car une "extension possible au R+2 de 150m² complémentaires" apprend-t-on. A proximité, un bar "Le Village Délice", dont la gentillesse de Cheng, le propriétaire, est bien connue des habitants du quartier. Son bo bun n'a plus qu'à être validé par le premier secrétaire. À 10 euros, pourquoi se priver.
Parce que choisir une banlieue, c'est envoyer un signal fort aux électeurs
Chargé par le président de la République, en novembre 2017, de proposer un plan de bataille pour les banlieues, Jean-Louis Borloo a remis son rapport au premier ministre, Edouard Philippe, ce jeudi 26 avril. Et il est semble-t-il édifiant... Jean-Louis Borloo dénonce un « scandale absolu » et prévient que son plan est celui de la dernière chance car les maires et les associations sur place sont épuisés et à court de ressources... A l'heure où l’écart entre les catégories les plus favorisées et le reste de la population ne cesse de s’accroître, décider d'implanter son QG dans une banlieue rouge, bastion communiste depuis 1925, c'est suggérer que les socialistes protègeront les plus fragiles, les perdants de la mondialisation, les oubliés de la République, la France des bas salaires confrontée à la réalité. Plutôt habile car l'opposition avec la France connectée des villes riches et de l'ensemble des gagnants de la mondialisation saute immédiatement aux yeux. Ce sera l'un des thèmes majeurs des prochaines échéances électorales. La directrice de l’Observatoire de l’opinion à la Fondation Jean-Jaurès Chloé Morin et les politologues Marie Gariazzo et Gaspard Jaboulay (Ifop) ont analysés les verbatim des Français (extraits de leur étude) dans les colonnes de Paris Match fin août 2017. Augmentation de la CSG, diminution des APL... La puissance symbolique de ces mesures est dévastatrice. Et les effets de ces annonces se font encore sentir aujourd'hui même si la cote de popularité d'Emmanuel Macron croît. Ce ne sont pas la revalorisation du minimum vieillesse ou bien encore celle de l'allocation adultes handicapés qui vont imprimer dans l'opinion. Le mal est fait. Le sentiment d'injustice sociale grandit à mesure que la fracture sociale semble un abîme. Mais pour en revenir au choix d'Ivry, attention toutefois à la situation politique très particulière de la ville car les élus socialistes du conseil municipal siègent... dans l'opposition, avec la droite, face au maire communiste, Philippe Bouyssou. Ambiance...
Parce qu'Ivry c'est le symbole d'une banlieue, certes, mais une banlieue "hype" et "arty"
Classée TOP 3 dans le Buzzomètre du magazine ELLE du mois d'avril, Ivry-sur-Seine, c'est la ville qui devient "hype" et "arty" en raison de la présence historique d'artistes habitant le quartier, mais aussi des studios de tournage à proximité. Le magazine féminin l'affirme : cette "commune qui tutoie Paris devient l'eldorado des branchés. Ivry, c'est le nouveau Montreuil". Il est vrai que la ville a vu arriver des trentenaires parisiens avec la construction de nouveaux logements modernes dans le quartier d'Ivry-Port. Le développement de la métropole du Grand Paris n'y est pas pour rien. A la recherche de plus d'espace face à un Paris devenu inaccessible pour ces foyers avec jeunes enfants, ils se sont tout naturellement déplacés de l'autre côté du périphérique. Les bars se sont alors réanimés. Des commerces de proximité ont vu le jour. Le nombre de Ray Ban au mètre carré a considérablement augmenté. Les étudiants des écoles à proximité restent désormais le soir dans le quartier pour prendre un verre place de l'insurrection d'août 1944. Choisir de positionner le siège du PS dans un lieu populaire, mais avec une cote d'amour ascendante, c'est tenter de reconquérir les coeurs et les esprits des sympathisants de gauche. Et donc une partie des "bobos" qui aujourd'hui habitent le quartier...
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