La question a de quoi surprendre tant le candidat à la Présidence des Républicains, officiellement en lice depuis ce jeudi 26 octobre, est omniprésent dans les médias qu'il sature à dessein à coup de petites phrases droitières, ciselées pour être reprises. Mais force est de constater que ses sources d'inspiration, tant sur le fond que la forme, sont aussi bigarrées que protéiformes. Pour ne pas dire tout simplement conjoncturelles au regard de ses postures successives. A défaut de percer ce mystère, aussi grand que le flou entourant la ligne politique développée, un panorama de son grand kaléidoscope communicationnel.
Libéral comme Pierre Gattaz et... Christophe Castener
Si certains responsables syndicaux se radicalisent lors des conflits sociaux, si la gauche de la gauche verse dans le populisme, que dire en ce moment du MEDEF pour qui l'ennemi, c'est le chômeur, ce profiteur oisif. Que dis-je ? Cet assisté qu'il faut contrôler tous les jours si l'on en croit le patron des patrons, Pierre Gattaz, soutien fidèle de la "ligne" Macron. Rejoignant ainsi le nouveau patron de La République En Marche, Christophe Castaner, pour qui "la liberté, ce n'est pas de se dire que je vais toucher les allocations chômage pour partir deux ans en vacances". Lui même proche du président de la République qui exhorte les salariés de GM&S à chercher des postes plutôt que "foutre le bordel" (sic). Sur le plan économique, comment se démarquer du "château" auprès de son électorat lorsqu'on s'appelle Laurent Wauquiez ? Compliqué tant le territoire de communication est le même. Le candidat à la présidence des Républicains l'a bien compris et... reprend donc à son compte les éléments de langage de ses "adversaires". Soit des thèmes très porteurs à droite et dans l'électorat FN, mais plus largement au sein de l'opinion publique. C'est ainsi que ce mercredi 25 octobre, à Mandelieu-la-Napoule, le candidat à la présidence de Les Républicains a narré, droit dans ses bottes, une histoire cousue de fil blanc : "Et j'ai vu, j'ai vu tout ce qui nous fait enrager en silence. […] J'ai vu ces situations qui nous révoltent, où un demandeur d'emploi pousse la porte de Pôle emploi pour trouver un emploi et on lui répond : 'vous avez deux ans d'assistance chômage, ne vous pressez pas. Profitez un peu de la vie'. Parce que cela, c'est la réalité." En un sens, il est cohérent avec la ligne déjà développée en 2011 lorsqu'il braconnait sur les terres sémantiques du Front National pour dénoncer le "cancer de l'assistanat" et ainsi mieux s'opposer au RSA. Un peu moins, lorsqu'il défendait les agents de pôle emploi du temps de son passage au secrétariat d'Etat à l'Emploi... Autre temps, autre ligne politique sans doute.
Populaire comme Nicolas Sarkozy et... Laurent Fabius
Nicolas Sarkozy savait s'adresser aux classes populaires, cette "majorité silencieuse". Tout du moins, il a réussi cet exploit en 2007 lorsqu'il s'adressait tout particulièrement à la France qui se lève tôt. Mais que penser de Laurent Wauquiez, qui fustige aujourd'hui les "élites", et donc en creux Emmanuel Macron, dans un discours aux accents sarkozystes devant l'une des fédérations les plus importantes des Républicains. Tout comme Nicolas Sarkozy avait pris soin d'être épaulé à sa gauche par Nathalie Kosciusko-Morizet en 2012 lors de la campagne présidentielle et à sa droite par Guillaume Pelletier, Laurent Wauquiez se présente aujourd'hui avec Virigine Calmels, proche d'Alain Juppé à sa gauche et ... Guillaume Pelletier à sa droite ! Bis repetita non placent. Faire montre de sa capacité à rassembler, tel est l'objectif en 2012 comme en 2017. Tout en proférant des propos corrosifs pour séduire les militants de cette droite décomplexée. Équilibrisme j'écris ton nom en lettres capitales. Un Laurent peut en cacher un autre car à ce jeu des discours avec trois cents mots de vocabulaire lorsqu'on est major de promo et sur-diplômé -tout un challenge en soi-, Laurent Fabius, avant lui, avait excellé lors de son passage à Matignon. Surtout "faire peuple" et gommer tout élitisme. C'est la consigne. Mais pas sûr que dans les deux cas l'opinion publique ne soit dupe de ce qui s'apparente surtout comme du maquillage plus qu'une véritable stratégie de communication.
Héritier de De Gaulle... et Jacques Chirac
« Je ne suis pas un héritier de la politique » a lancé l'ex ministre de Nicolas Sarkozy à la foule lors de son meeting du 25 octobre, lui qui a obtenu son siège de député via le centriste Jacques Barrot. « Je viens d'une famille d'entrepreneurs du Nord ruinés par la crise du textile » glisse-t-il dans un storytelling somme toute assez béotien visant à faire de lui le candidat du peuple contre les élites ultra mondialisées. “On a érigé la diversité comme un veau d’or. ‘Identitaire’ est devenu la pire insulte. Mais de Gaulle était identitaire ! Il parlait de l’identité de la France” s'est insurgé le candidat à la présidence des Républicains dans une interview réalisée par Le Point. Néanmoins, qui à droite ne s'est pas un jour revendiqué être l'héritier du grand Charles ? Eric Ciotti s'exprime lors du « Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI » au sujet d'un possible rapprochement avec l'extrême droite : « Nous n'avons pas besoin de ces personnes. Nous, nous sommes héritiers du général de Gaulle, de Jacques Chirac qui a fait considérablement baisser le FN en 2007. Nous parlons aux lecteurs qui se sont laissés abuser, en leur disant que les solutions sont chez nous (…). Soyons nous-mêmes. Arrêtons de parler du FN comme du curseur de la vie politique ». A l'instar de Jacques Chirac en son temps, Laurent Wauquiez ratisse les fédérations et se veut accessible, discourant devant des bottes de foin à la fête de la Violette, invité par le droitier Guillaume Pelletier, aiguillon "populaire" du candidat. Une mise en scène évoquant le meeting réalisé dans une exploitation agricole par Marine Le Pen à Pageas en Haute-Vienne. A l'image de Nicolas Sarkozy, il s'affiche comme un homme transgressif et déterminé. Très ancien monde en somme. Ce qui vaudra cette sortie mémorable du gaullo-chiraquien, Jean Louis Debré : "devant de tels enfants, je ne me sens pas du tout le père".
Identitaire et sécuritaire comme Marine Le Pen... et Marion Maréchal-Le Pen
La stratégie de Laurent Wauquiez sur la question ? Nationaliser tous les sujets qu'il aborde, quels qu'ils soient. Jusqu'au paysage pourrait-on ajouter avec malice : "je préfère ce vieux pays si émouvant, au triste village global qui n’est que la vitrine déshumanisée d’un monde sans racine" souligne-t-il, lyrique à Mandelieu-la-Napoule. La stratégie avait déjà été amorcée en images dans Paris Match, lorsqu'il posait sur ses terres "en situtation". "On a érigé toute une série de sujets en tabous dont on ne peut plus débattre sans être immédiatement qualifié de sulfureux : la nation, l'immigration massive, l'identité, la transmission des valeurs, l'islamisme", a vitupéré le candidat, rapporte Le Figaro. Au diable les sujets qui fâchent : Laurent Wauquiez ne soit pas du constat, mais réaffirme une ligne de fermeté, assurant qu'un "étranger en situation irrégulière, c'est un clandestin et un clandestin ça ne reste pas". "Nous ne voulons pas que la France change de nature, c'est pour cela que nous nous battons au sein des Républicains", a déclaré Laurent Wauquiez en fustigeant Emmanuel Macron pour sa réserve sur « l'identité de la France », lui qui ne parle qu'au monde globalisé. "Laurent Wauquiez est fidèle aux idées. Nous estimons que la défaite de 2012, c'est parce que nous n'en avons pas assez fait sur la sécurité, sur le régalien", terrains de prédilection de la droite pour Éric Ciotti. Ce qui ressemble trait pour trait... à une posture de communication visant à séduire les électeurs frontistes déçus. Identité et sécurité. Les deux mamelles de la famille Le Pen. La boucle est bouclée.
Stratège comme Patrick Buisson et... Nicolas Machiavel (ou Jacques Mesrine, on ne sait plus)
Longtemps proche de Patrick Buisson dont il se dit aujourd'hui éloigné, les dernières sorties du candidat à la présidence des Républicains semblent toutefois accréditer la stratégie autrefois façonnée par le maître à penser de Nicolas Sarkozy : une élection se remporte à la droite du parti ou du pays. Une stratégie qui n'est pas l'apanage d'une seule ligne politique : c'est en maintenant le cap à bâbord que François Mitterrand a accédé au pouvoir en 1981. A ceci près que Laurent Wauquiez n'a pas d'autre choix, en vérité : le centre-droit est irrémédiablement attiré par la macronie à l'image de ces ministres partis rejoindre le président. Impossible pour Laurent Wauquiez de se séparer de Sens Commun dans ce contexte. Ce serait se couper le bras droit après le gauche. A contrario, le FN affaibli offre une formidable marge de manoeuvre au disciple de Buisson pour asseoir politiquement son parti sans nouer d'alliance avec l'extrême droite. Machiavélique ? Peut-être. S'il n'a pas d'adversaires de poids, Laurent Wauquiez n'a pas beaucoup d'amis chez les Républicains. Partant du principe qu'il est plus sûr d'être craint que d'être aimé au sein de son parti où il n'est pas rare de voir dénoncées "ses méthodes clientélistes avec les budgets de la région, ses manœuvres d'intimidation par SMS, ses méthodes managériales à la hache"... Le Lab d'Europe 1 relate ainsi que dans un long article de Society consacré au président de la région Auvergne-Rhône-Alpes publié vendredi 27 octobre. Y figure cette citation du futur patron de la droite, selon toute vraissemblance : "Il y a vraiment des fois où je me dis que je suis l'ennemi public numéro 1, le Jacques Mesrine de la politique. Mais en politique, il y a une règle simple : toute personne qui monte devient la cible de tous ses copains."
Si son élection à la tête des Républicains fait peu de mystère, la question de la légitimité de son pouvoir et de la cohérence de ses messages en matière de communication reste entière dans un monde où les partis ne semblent plus être les outils stratégiques permettant l'accession au pouvoir : le taux de participation au scrutin sera étudié sous toutes les coutures et déterminera le poids politique à venir de celui qui présente d'ores et déjà comme le vainqueur d'un combat sans véritables opposants. Du catch en lieu et place de la boxe en somme. A moins d'une sortie de route. Depuis l'épisode François Fillon, tous les jeux sont ouverts. Et Laurent Wauquiez devrait relire le bandit à qui il se compare non sans complaisance : “Mes défauts étaient une drogue dont je n'avais pas la volonté de sortir".
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