Qu'il semble loin ce 8 mai 2017, où par une belle journée de printemps, lors de commémoration de la victoire des Alliés, François Hollande donnait l'accolade à son successeur dans un élan de paternalisme manifeste... pour mieux rappeler la filiation. Depuis, les coups pleuvent comme à Gravelotte entre les deux hommes, François Hollande répondant à ce qu'il considère être une agression : la réappropriation des résultats de son action. Emmanuel Macron faisant valoir, quant à lui, le manque de vision européenne de son prédécesseur doublé d'un "trou budgétaire" abyssal contrecarrant aujourd'hui son action. Ah, le bilan... Quand il est négatif, personne n'en veut ; quand il semble positif, on tente de se l'accaparer.
Car ne nous y trompons pas, il est bien là l'enjeu d'Emmanuel Macron : marquer une rupture tant sur le fond que la forme auprès de l'opinion. Et pourtant, la continuité semble évidente. Que ce soit lorsqu'il invoque une baisse du chômage à venir -en donnant toutefois une indication de temps- ou bien encore lorsqu'il fait de l'apprentissage et de la formation un enjeu majeur de la "transformation" qu'il appelle de ses voeux. Et que dire de la "présidence bavarde" reprochée à son prédécesseur, lui qui sature l'espace médiatique depuis un mois ? Certes, pas de SMS intempestifs envoyés aux journalistes. Mais un entretien à France 24, une interview dans l'hebdomadaire allemand Der Spiegel ou bien encore une intervention sur CNN, sans compter son interview fleuve dans le Point adressée à ses sympathisants... Il semble qu'Emmanuel Macron ait fait sienne l'idée selon laquelle il est de son devoir de communiquer auprès de tous les Français, indistinctement. A minima pour contextualiser sa vision et expliciter son cap, ce qui a été bâclé par son prédécesseur.
Si l'intervention de dimanche soir à la télévision a été pensée pour clarifier la posture d'Emmanuel Macron, "le Président qu'il dit ce qu'il fait et qui fait ce qu'il dit", plus que pour battre en brèche l'expression "Président des riches", elle a également été l'occasion d'attaquer l'ex locataire de l'Elysée à fleurets -à peine- mouchetés. Le tout, sans jamais le nommer. Une posture politicienne autrefois adoptée par Nicolas Sarkozy à l'encontre de Jacques Chirac et bien évidemment celle de François Hollande envers ce dernier. Tiens, donc, une résurgence de l'ancien monde en plein coeur du "nouveau" ?
Effet paradoxal pour le Président qui veut faire de l'opposition europhile / eurosceptique le nouvel horizon politique capable de supplanter la vieille opposition gauche / droite, il convoque ainsi à nouveau ce clivage séculaire au coeur même de l'arène médiatique. Peut-être se doute-t-il que cette lecture politique est indépassable : vous l'aurez remarqué, exit les "en même temps" depuis quelques mois. S'opposer à François Hollande, c'est démontrer -en creux- que la politique menée n'est pas celle du parti socialiste moribond, dont François Hollande refuse d'être le fossoyeur. Quant à Jean-Luc Mélenchon, il n'est pas une "menace" crédible pour l'Elysée : le château veille jalousement à en faire son opposant numéro 1 en saturant l'espace médiatique, afin d'éviter toute renaissance de ce PS zombie. C'est aussi souligner l'erreur de communication de son prédécesseur : quitter le pouvoir implique de garder le silence. Qui plus est lorsque vos courbes d'opinions favorables sont au plus bas. Au moins pour un temps avant d'amorcer une reconstruction d'image et de reprendre progressivement la parole, comme avait pu le faire Nicolas Sarkozy. Pour paraphraser Arnaud Benedetti, professeur associé à l'Université Paris-Sorbonne, Emmanuel Macron, issu des rangs de la gauche, a été élu par le peuple de gauche. Or, il semble assumer aujourd'hui son virage à droite. Bernard Cazeneuve ne dit rien de moins dans son interview accordée au Monde lorsqu'il souligne que "la revendication du dépassement du clivage droite / gauche dissimule une propension à être tout simplement de droite".
C'est d'ailleurs sur la question débattue de l'ISF, et donc du libéralisme économique induit, que François Hollande a repris la parole au cours de l'été. Aujourd'hui à Séoul ce mardi 17 octobre, il répond sans ambages aux critiques non dissimulées de son successeur lors de son grand entretien sur TF1 au sujet de sa politique fiscale et sa taxe à 75% pour celles et ceux qui gagnaient plus d'un million. « La fiscalité, c'est un facteur de cohésion nationale et sociale. Si, dans un pays, l'idée s'installe qu'il y a finalement une fiscalité allégée pour les riches et alourdie pour les plus modestes ou pour les classes moyennes, alors c'est la productivité globale du pays, c'est la capacité qu'il a à se mobiliser pour son avenir, qui se trouve mise en cause. » Renvoi dans les cordes du premier de cordée.
A l'heure de l'atomisation de la société française et de ses corollaires, la fragmentation des audiences et l'hystérisation des débats, il est un principe en matière de communication qu'Emmanuel Macron ne devrait pas négliger, lui qui est perçu comme déconnecté du quotidien d'une partie des Français. Un principe qu'il avait pourtant fait sien lors de sa conquête du pouvoir, lui le chantre de la bienveillance et du respect, et qui posera -à terme- un véritable problème pour l'appropriation de ses messages : le mal prononcé à l'encontre d'autrui est toujours in fine associé à son émetteur. A bon entendeur.
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