La communication de François Fillon : faites vos jeux, rien ne va plus !

François Fillon lors de sa conférence de presse du 1er mars 2017. (CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP )

Tapis. Il a fait tapis le candidat François Fillon, jetant tous ses derniers jetons dans la bataille médiatique, face caméra. Comme au poker, il a travaillé sa posture, attisé le suspense, veillé à la dramaturgie de la scénographie. Une stratégie de communication suicidaire. Tout ou rien.

La figure héroïque du résistant : une posture intenable

Depuis le début de la campagne jusqu'à son discours victorieux post-primaire de la droite, François Fillon n'a eu de cesse de construire un récit légendaire. Celui du héros parti seul en campagne pour livrer le combat d'une vie. Réactivant ainsi les fondements mêmes du storytelling, soit l'art d'associer l'émotion à la raison pour susciter l'adhésion. Il a tenté d'inscrire dans le paysage médiatique l'histoire d'un homme, qui a un rêve, un objectif, une quête essentielle pour lui -servir le destin de la France-. Et qui se retrouve en situation de déséquilibre -l'absence de soutiens initiaux et des rivaux d'envergure-. Il décide alors de réaliser son rêve, atteindre son objectif, de mener sa quête en sillonnant la France au contact des militants pour proposer une vision éminemment morale de la politique, opposée en creux à celle de ses adversaires. Contrairement à ses camarades, il ne s'est pas trompé d'élection : il est parti en quête du vote conservateur catholique et bourgeois. En chemin, il a rencontré des obstacles, des épreuves mais aussi des adjuvants -à l'image de ses nouveaux soutiens- qui lui ont permis d’atteindre son but : la victoire au sein de son camp. Cette posture était imparable tant que sa probité était irréprochable. Suite au "Péneloppe Gate", c'est le personnage discret qu'il a façonné pendant des mois, à coup de tweets, de déplacements et autres conférences qui s'effondre comme un château de cartes. Tapis. En somme, il ne lui reste que la posture du "résistant" à tenir selon lui pour conserver son socle militant. Seul lors de la conférence de presse, face caméra, il tente de prouver qu'il fait front, notamment en prenant la main médiatique pour dévoiler lui-même sa mise en examen, avant que cela ne fuite dans les médias. La scénographie, volontairement dramatique, est un appel à ses soutiens. Une contre-attaque qui sonne faux dès lors qu'elle est associée dans la foulée à un déjeuner décontracté. Le tout bien évidemment filmé pour afficher une forme de sérénité. A l'image de son personnage public, sa communication se brouille : tantôt dramatique, tantôt prétendument débonnaire. 

L'outrance des mots sans penser l'après

Le choix des mots prononcés par François Fillon n'a rien d'anodin dans cette conférence de presse. Ils visent à dénoncer, non sans violence, le complot qui aurait été fomenté par les juges et les médias pour avoir sa peau. "Je ne me rendrai pas". Formulation pour le moins malheureuse, elle donne l'inverse de l'effet escompté. Soit celle d'un homme en cavale bientôt rattrapé par les forces de l'ordre et qui crie pourtant à l' "assassinat politique". La rhétorique rappelle celle de Nicolas Sarkozy. Marine Le Pen agit de même. A l'exception près qu'elle n'a jamais prétendu être irréprochable. Elle n'a pas non plus construit toute sa campagne autour de la moralité en politique. Elle est bien là la différence. Quant à l'autre expression malheureuse, "la France est plus grande que mes erreurs", elle va assurément connaître le même succès que "merci pour ce moment" ou la "phobie administrative", utilisées par d'autres personnages médiatiques en leur temps. La virulente des propos est telle que François Fillon semble faire de l'élection présidentielle un référendum sur la justice dans notre pays. En témoigne l'organisation de ce "rassemblement" place du Trocadéro. Mais quels slogans y seront prononcés ? Dangereux. A entendre les quolibets prononcés lors de sa venue au salon de l'agriculture, François Fillon apparaît de plus en plus au yeux de l'opinion comme le symbole de l'élite déconnectée de la Nation. Ce que les Français reprochent n'est pas tant le fait d'employer sa femme et ses enfants que l'ampleur des sommes allouées dans un contexte où l'emploi doit être tout sauf fictif. Comment dès lors demander des sacrifices collectifs ?  Quand bien même François Fillon serait élu président, tout son mandat sera entaché par la puissance évocatrice des mots prononcés dans ce contexte délétère. S'ériger à la fonction suprême, c'est bel et bien devenir le garant des institutions et la justice en fait partie. 

Aujourd'hui, et pour la première fois, la droite républicaine est susceptible de ne pas être présente au second tour de l'élection présidentielle. La gauche a déjà connu cette sidération par le passé. Enfin, si ces notions veulent encore dire quelque chose aujourd'hui. J'ai tendance à penser qu'Emmanuel Macron est plus de droite que de gauche. Dans ce climat de défiance totale, contre les institutions, les médias et les politiques, qu'on ne s'y trompe pas, l'histoire démontre que le peuple a toujours le dernier mot. Ce que les hommes politiques oublient, c’est que leur temps est compté. Pour l’opinion publique, ils n’existent déjà plus. Leur langue s'est tue. Vidée de son sens, elle ne dit plus rien. Aux éléments de langage aseptisés de l’administration ou des professionnels du genre répond l'angoisse d'une France périphérique à qui personne ne s'adresse. Cette France qui par peur et défi est tentée de verser dans l'extrême au mépris de tous principes républicains. A ce jeu, la communication, bonne ou mauvaise des protagonistes, n'y changera rien. C'est de la politique qu'il nous faut. L’heure du verdict a sonné. Et je vous en fais le pari, la révolution ne sera pas télévisée. Tapis. 

Anne-Claire Ruel

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