Candidature de Manuel Valls : la scénographie au service du fond ?

Annonce de la candidature de Manuel Valls

« Oui, je suis candidat à la présidence de la République », c'est par ces mots que Manuel Valls rompt le faux suspens qui entourait sa sortie du bois, quatre jours seulement après le renoncement de François Hollande à briguer un second mandat. Aussitôt les réseaux s'enflamment. Le Facebook live est annoncé. Immédiatement un nouvel hashtag fait son apparition, #Valls2017 ainsi qu'une nouvelle biographie : exit la fonction de premier ministre, bonjour le candidat. Une nouvelle photo de profil dévoile un Manuel Valls sans veste, sourire aux lèvres. Les armes de la communication numérique s'affûtent sous nos yeux, parfois de manière maladroite si l'on en juge la répétition du hashtag "#RienNestEcrit".

Mais ce qui retient l'attention, outre le discours résolument à gauche du premier ministre sortant pour séduire l'électorat de la primaire, c'est le public en arrière plan. Des noirs, des asiatiques, des jeunes, des femmes... Aucune "minorité" n'est oubliée. Ah si, peut-être les personnes en situation de handicap, voire les barbus et les roux, ajouteront certains avec une pointe d'ironie. Pas de têtes d'affiche politiques : Manuel Valls se donne à voir comme le candidat de la France laïque, métissée et multiculturelle. Loin de la vidéo de 2009 qui lui collait à la peau...


« La division est toujours une affaire qui se fabrique à plusieurs. L’unité aussi. Chacun devra faire un effort. Moi le premier » claironne-t-il à destination des bastions concurrents de cette primaire qui promet d'être un congrès socialiste projeté sur petits écrans. Ambiance entre motions, j'écris ton nom. Mais cette phrase peut se lire aussi à l'aune du public "casté" pour l'occasion et planté derrière lui, visages fermés au bout de quelques phrases de discours seulement. Il n'en fallait pas plus pour que Twitter ne réagisse à ce qui s'apparente à une bonne vieille ficelle de communication à la papa, mâtinée d'un brin de démagogie.

Certes, l'effort est notable. S'il en avait été autrement, Manuel Valls aurait probablement été critiqué. Victor Hugo n'écrivait-il pas que le "fond c'est la forme qui remonte à la surface" ? Quoi de mieux, s'exclameront ses soutiens, pour évoquer le rassemblement et la lutte au profit d'une plus grande égalité ? Soit tous les éléments de langage qui ne manqueront pas d'être déclinés de longs en large dans les mois à venir pour sortir le "Capitaine Valls" du corner dans lequel il s'est enfermé avec son républicanisme aujourd'hui limité à l'autorité de l'Etat.

Mais la mise en scène, trop présente, nous rappelle qu'une candidature est un spectacle cathodique comme un autre où les participants sont "choisis" et "placés" selon une logique pré-établie qui ne doit rien à la spontanéité lorsqu'il s'agit de faire face à une caméra. Du théâtre en somme. Il est vrai que de nos jours, les meetings ne sont plus contradictoires comme ce fut le cas au XXème siècle. Aujourd'hui, les candidats s'affrontent par écrans interposés, suivant une dramaturgie convoquant un imaginaire collectif et universel suffisamment puissant pour s'imposer. C'est du moins ce que les staffs espèrent. L'effacement des symboles politiques ou partisans ; le fond orange qui tranche volontairement avec le bleu présidentiel ; un slogan quelque peu obscur inscrit sur le pupitre, porte-étendard de la campagne à venir ;  le choix du lieu où tout à commencé, Evry, comme berceau symbolique de la quête à mener...

Manuel Valls est un communicant, ne l'oublions pas. Et s'il y a une chose que les communicants détestent, c’est l’imprévu. Gardiens farouches de l’image et l'histoire du candidat, leur rôle est de sélectionner, orchestrer et surtout trancher pour que rien, ni personne, ne bouscule la stratégie qu’ils ont mis des jours à établir. Lors d'une annonce de candidature, la retransmission en direct passée, seules quelques secondes seront diffusées dans les différents JT. C’est donc le décor qui va frapper l’inconscient et signifier visuellement la stature présidentielle de l'impétrant. Ou pas. 

Anne-Claire Ruel

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