Les médias ont l'attention d'un enfant de deux ans, c'est bien connu. Dans un mouvement perpétuel frôlant l'hystérie, une actualité en chasse une autre à un rythme effréné. Déjà, les forêts de perches et caméras ont quitté la place Syntagma pour d'autres horizons. Pourtant sur les murs d'Athènes s'affichent encore les traces d'un peuple -seul- face à son destin : plier ou se rebeller contre des institutions devenues inhumaines ? Ironie du sort, lorsque l'on sait que notre bon vieux continent doit son nom aux mythes helléniques : Europe, fille d'Agénor, enlevée par Zeus, orne les billets de cinq et dix euros depuis 2013. Symbole de la contestation face au "diktat" européen, les artistes de street art ont envahi la ville pour exprimer leur colère, remplissant leur rôle de contre-pouvoir face à l'ordre établi.
Athènes tout est politique, murs inclus.
A Athènes, la communication politique est partout. Chaque coin de rue, chaque mur sont devenus une toile à ciel ouvert, où se lisent les angoisses et aspirations d'un peuple qu'on a essayé de faire taire. Avec ou sans mot, ces oeuvres d'art multicolores dénoncent tour à tour la crise économique, le culte de l'Euro ou bien encore les dirigeants de la Troïka.
Si le mouvement est apparu à Athènes dans les années 90, il a connu un franc développement depuis 2008 à la mort d’Alexis Gregoropoulos, un étudiant abattu par un policier. Aujourd'hui, la scène artistique athénienne explose d'énergie et de trouvailles, maniant avec subtilité poésie et rébellion, humour noir et représentations faussement naïves d'un monde contrôlé par une poignée de puissants.
Dans le quartier bohème de Psiri, les artistes ont littéralement pris le contrôle des rues, sans barricades mais à coups de pinceaux pour dénoncer l'autérité. Du côté d'Exarchia, haut lieu de vie étudiante, la contestation n'est pas en reste, loin de là. Il faut dire que ce repaire abrite tous les mouvements alternatifs ancrés à gauche depuis la dictature des colonels (1967-1974) .
L'énergie artistique athénienne est telle que Kostas Kallergis, journaliste et fan de street art politique, a décidé d'en faire un documentaire joliment baptisé "The wake up call", projet totalement auto-financé, dans lequel il donne largement la parole aux artistes concernés.
Prendre la parole lorsqu'elle est confisquée, c'est tout l'enjeu des street-artistes et c'est ce qui fait aujourd'hui d'Athènes une agora illustrée, symbole d'une contre-culture vibrante et audacieuse où l'orthodoxie économique n'a pas sa place. Sauvage, subtile et subversive. A découvrir. Vraiment.
Anne-Claire Ruel
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