Arrivée surprise de Jean-Marie Le Pen sur scène, manifestation des Femen, tabassage en règle des journalistes de Canal + ... Le 1er mai devait être le point d'orgue de la dé-diabolisation du FN et il en a été tout autrement. Le vernis de la com' s'est craquelé pour laisser voir le Front tel qu'il est. Brutal, intolérant, violent. Quelles ont été les failles de communication qui ont permis de révéler le vrai visage du FN ? Le point sur la question.
Jean-Marie Le Pen ou pourquoi le "diable" s'habille en rouge
Marine Le Pen avait pensé à tout : mise en avant des jeunes et des nouveaux élus du mouvement, éviction du père, discours calibré pour les militants... C'était sans compter sur Jean-Marie Le Pen. Quand ils débutent en politique, les aspirants élus portent toujours du rouge sur les marchés pour être vus et repérés. C'est l'une des nombreuses ficelles de com' du métier. Jean-Marie Le Pen, qui n'a rien d'un perdreau de l'année, a sans doute compris qu'il lui fallait être immanquable. Arborant son plus beau manteau rouge, il a ainsi commencé par implorer théâtralement le secours de Jeanne d'Arc devant un parterre de journalistes, avant de s'inviter sur scène avant le discours de sa fille, sans un regard pour celle qu'il soutenait autrefois. Les applaudissements nourris qui l'ont porté sont le signe évident de la ferveur des militants. Coup de com' à la papa réussi pour le patron évincé de la PME Le Pen qui oblige sa fille à assister, impuissante, à son irruption. Il faut dire que l'animal est un spécialiste du genre, lui qui a réussi à imposer la date du 1er mai en lieu et place du 8. En 1988, année du changement de date, il s'agissait de manifester une démonstration de force avant le second tour de l'élection présidentielle. Aujourd'hui, il est question d'associer les thématiques du FN à celles des travailleurs, tout en bénéficiant de la caisse de résonance médiatique de cette date symbolique.
Le service d'ordre du FN ou comment les Femen ont réussi à dévoiler, en image et sans parole, l'extrême violence de l'extrême droite
Après avoir tenté d'encercler Marine Le Pen, venue déposer une couronne de fleurs aux pieds de la statue de la pucelle d'Orléans, les Femen sont apparues dévêtues sur le balcon d'une chambre du Grand Hôtel, face à la foule surchauffée. Des hommes, qui pouvaient être pris dans la confusion pour des policiers, sont venus les neutraliser. Violence sans nom en direct sur toutes les chaînes d'information. Nous apprendrons très vite, aux saluts lancés appuyés d'un "La France aux Français", qu'il s'agit bel et bien du service d'ordre du FN. Filmée, cette intervention plus que musclée révèle, sans parole, la violence extrême du mouvement qui tente pourtant de museler les militants les plus brutaux pour donner à voir l'image d'un parti renouvelé. En 2011, un document interne publié par Rue89 et repris par le Monde, mettait en garde les participants : «Marine Le Pen a prévenu que tout ce qui ressemble de près ou de loin à un "skinhead" sera exclu manu militari. Sont exclues toutes les tenues vestimentaires type treillis, Rangers, etc. Seuls les drapeaux français et régionaux seront acceptés». Si les skinhead ont presque disparu, l'agressivité est la même. Les journalistes de Canal+ molestés par Bruno Gollnisch peuvent en témoigner. Non, le parti et ses fondamentaux n'ont pas changé.
Un discours économique mollement applaudi ou comment l'immigration reste le fond de commerce de la PME Le Pen
Dans le documentaire dédié à Jean-Marie Le Pen, réalisé par Serge Moati, le patriache explique que sa fille n'a pas assez parlé de la France et de la figure mythique de Jeanne d'Arc, symbole du FN, dans son discours aux militants. Peut-être a-t-elle voulu moderniser le propos cette année pour évoquer les grandes figures françaises du féminisme. Alors même, comme le rappelle Julien Longhi, maître de conférence à l'Université de Cergy, que le FN est tout sauf un parti féministe, lui qui valorise la place de la femme au foyer et se prononce contre l'avortement. Si la thématique de l'immigration a reçu le succès escompté, le passage sur l'économie a mollement été applaudi ce 1er mai. Pourtant, elle est là la différence entre le père et la fille. Marine Le Pen a une vision beaucoup plus "technocratique". Car parler d'économie, c'est entrer dans l'ère de la modernité, tout en montrant qu'il est possible au FN de ternir un discours sur le sujet et donc, in fine, d'être perçu comme un parti de gouvernement. Julien Longhi le rappelle dans son analyse comparative de discours de Jean-Marie Le Pen en 2007 et de Marine Le Pen en 2011-2012 : "Alors que le discours de Jean-Marie Le Pen tournait autour de trois piliers (France/français, le système, et le déclin par des références au passé), celui de Marine Le Pen se colore d'une dimension plus économique, et se tourne vers l'avenir". Or, force est de constater que les militants restent, quoi qu'il arrive, sensibles à la vision du monde qui est proposée, celle d'un système conduisant à la perte de la France.
Si la forme peut changer, le fond reste toujours le même. Il est coutume de dire que la politique à la télévision, c'est d'abord et avant tout de la télévision. Nous serions tentés d'écrire, que Marine Le Pen devant le FN, c'est d'abord et avant tout Jean-Marie Le Pen. Même si elle s'en défend, l'idéologie et les militants restent les mêmes.
Anne-Claire Ruel
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