Effroi. Ecrans noirs. TV5 Monde, la chaîne publique francophone internationale, a été victime, mercredi 8 avril dans la soirée, d'une attaque informatique, qualifiée d'historique, menée par des hackers se revendiquant de l'organisation "Etat islamique" (EI). Durant quelques dizaines de minutes, le compte Twitter “Enseigner TV5” de la chaîne ou encore celui de TV5 Monde Afrique ont changé de logo et de bannières. Ils affichaient le titre “Cybercaliphate” et “Je suIS IS” (ISIS signifiant l’Etat islamique). Un détournement du slogan “Je suis Charlie” qui avait fleuri suite aux attaques du 7 janvier dans les locaux du journal. Mais ce n'est pas tout : les pirates ont posté des documents présentés comme des pièces d'identité et des CV de proches de militaires français impliqués dans les opérations contre l'EI sur le compte Facebook de la chaîne. Le point sur la cyberguerre menée par les terroristes et sa signification en termes de communication.
Cyber-armée et guerre psychologique : les médias, ces nouvelles prises de guerre
« Nos systèmes ont été extrêmement détériorés » par cette attaque « d'une puissance inouïe » et le retour à la normale « va prendre des heures, voire des jours », explique Yves Bigot, le directeur de TV5 Monde. Le ton est donné. A tous ceux qui en doutaient encore, oui nous sommes en guerre. Pas de doute, le choix de TV5 Monde a un sens. Le média est un symbole, celui de la France et de sa culture. Pour les terroristes, Internet est devenu un front à occuper, au même titre que le terrain de guerre, pour gagner la bataille de l'opinion en intimidant la population. En témoignent les appels de Merah et de Coulibaly aux chaînes d'information continue lors de leur retranchement. La riposte gouvernementale, via le lancement de la plate-forme "#StopDjidhadisme", visant à contrer la propagande terroriste, prouve que les pouvoirs publics ont compris la menace. La guerre se joue désormais par écrans interposés. Les médias sont devenus des "prises de guerre" pour les terroristes, des bastions à faire tomber. A une barbarie sans nom sont associées les toutes dernières techniques de communication et de marketing. Grand écart.
Recruter, apeurer et menacer : Internet, le nouveau front de guerre 2.0
L'objectif de cette attaque est on ne peut plus limpide : intimider la France et, par ricochet, le monde entier. Le tout à coup de changement de bannières Facebook et autres couvertures Twitter. Comme des drapeaux plantés marquant l'appropriation du territoire par l'ennemi, il s'agit de répandre la peur, de médiatiser planétairement l'action dijhadiste et de recruter de nouveaux terroristes. François Hollande a ainsi été accusé, sur les messages diffusés, d'avoir commis "une faute impardonnable" en menant "une guerre qui ne sert à rien". "C'est pour ça que les Français ont reçu les cadeaux de janvier à Charlie Hebdo et à l'Hyper Cacher". Cette attaque, préparée depuis des semaines semble-t-il, n'est pas isolée, même si d'une envergure inégalée. Le groupe CyberCaliphate est apparu début janvier. Il avait alors organisé le détournement du compte Twitter du CentCom, le centre de Commandement américain au Moyen-Orient et en Asie Centrale, puis avait pris le contrôle de l'hebdomadaire américain Newsweek, en février. "En janvier, tout juste après Charlie Hebdo, 19 000 sites francophones avaient également été touchés et le journal Le Monde avait été attaqué par des hackers pro-Assad." Mettre en avant les failles du système et présenter des documents censés rester confidentiels tout en portant une nouvelle fois atteinte à la liberté d'information et d'expression, voilà le but escompté par les cyberterroristes. "Soldats de France, tenez-vous à l'écart de l'Etat islamique ! Vous avez la chance de sauver vos familles, profitez-en", pouvait-on lire sur les messages postés durant la cyber-attaque, rappelle Francetv Info. Cela n'est pas sans rappeler les consignes de sécurité prodiguées par le ministère de la Défense aux proches de soldats pour les protéger contre de possibles utilisations de leurs données personnelles sur les réseaux, à des fins terroristes. Nous avions déjà évoqué ce sujet ici. Plus que jamais il semble d'actualité.
Comment lutter contre le cyber-djihadisme tout en permettant en enquêteurs de recueillir un maximum de renseignements sur ces propagandistes ? Toute la difficulté est là. Mais une chose est sûre, des soldats 2.0, armés de souris et de claviers, devront être mobilisés pour défendre notre liberté d'expression.
Anne-Claire Ruel
Coup de cœur, coup de gueule, coup de poing, n’hésitez plus : venez débattre et tweeter. Cette page est aussi la vôtre vous vous en doutez. Pour "Fais pas com’ Papa", un seul hashtag : #FPCP et une seule page Facebook :Fais pas com' papa.