La nouvelle campagne de Robert Ménard : communication ou propagande ?

Un policier municipal de Béziers (Hérault) au pied d'un immeuble de la ville, le 22 janvier 2015. (PASCAL GUYOT / AFP)

Depuis le 1er février, la police municipale de Béziers est armée et son maire, Robert Ménard, proche de l'extrême droite, entend le faire savoir en lançant une "campagne" d'affichage tout bonnement hallucinante : dans les rues de la ville vous pouvez ainsi découvrir le "nouvel ami" de la police municipale, soit un 7.65 automatique aux couleurs du drapeau français, placardé sur tous les panneaux d'affichage. Campagne ou propagande ? La question se pose. Ou pas.

Non, il ne s'agit pas d'un simple "coup de com'"

L'ancien secrétaire général de Reporters sans frontière avait déjà "décidé de débaptiser la rue du '19 mars 1962', date marquant le cessez-le-feu en Algérie, pour lui donner le nom de 'commandant Hélie Denoix de Saint-Marc', un militaire ayant participé au putsch des généraux en 1961". Sans compter sa décision d'interdire d’étendre son linge et de battre ses tapis par les fenêtres en journée, le couvre-feu pour les moins de 13 ans du 15 juin au 15 septembre, durant les week-ends et les périodes de vacances scolaires, ou bien encore installation d’une crèche dans les locaux de la mairie... L'homme, ancien journaliste, connaît les médias et par définition les "coups de pub", soit l'art de susciter la polémique médiatique. Un spin doctor répète à l'envi à l'homme politique qu'il faut "penser en politique et agir en communicant". Une fois de plus, Robert Ménard s'illustre sur la question. Car, oui, cette "campagne" est "efficace", si par efficacité on entend qu'elle marque les esprits, tant par son visuel -un revolver en gros plan- que par l'utilisation du mot "ami" -qui convoque l'imaginaire des films hollywoodiens, dont Scarface-. A ceci près qu'il ne s'agit pas d'un simple coup de communication publique : cette affiche est porteuse d'une idéologie sous-jacente.

Oui, cela ressemble à de propagande qui ne dit pas son nom

Dominique Wolton, définit la communication politique comme "l'espace où s'échangent les discours contradictoires des trois acteurs qui ont la légitimité à s'exprimer publiquement sur la politique et qui sont les hommes politiques, les journalistes et l'opinion publique à travers les sondages". Le politologue Jacques Gerstlé, professeur de science politique de l'Université Paris I, la décrit lui par le prisme de son objectif : "Entraîner ses destinataires à adhérer aux choix politiques qui leur sont proposés par les discours, les formes et les stratégies des partis, des acteurs de la vie politique et institutionnelle." Soumettre une ville entière à un message unique placardé sur les murs, ça n'est pas mener une simple action de communication publique -ou politique-. Cela a plus à voir avec une forme subtile de propagande, qui ne dit pas son nom. Soit la face dévoyée de la communication. Celle qui n'a que faire de la déontologie et de l'éthique. Celle qui surfe sur la légalité : ici il n'est pas question de vente d'armes et donc l'utilisation d'un revolver en gros plan est autorisée. Celle qui rejette le dialogue et l'esprit critique pour faire l'apologie du "pathos", soit les colères et les peurs ou tout simplement l'émotion "facile", sans distanciation. La frontière est ténue, il est vrai. Mais pour les communicants, une chose est sûre : la communication publique cesse là où la propagande débute.

Anne-Claire Ruel

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