Il a conquis la rue pour devenir le plus jeune Premier ministre de toute l'histoire de la Grèce. Pour la première fois en territoire hellénique, une formation de gauche radicale, autrefois considérée comme une minuscule force d'opposition, accède au pouvoir. Elle défie Bruxelles, depuis les collines athéniennes, pour clamer d'un seul homme qu'une autre voie est possible. Branle-bas de combat en France, Mélenchon et le Front de Gauche en tête y voient enfin l'espoir d'accéder un jour au pouvoir. Pourtant, la "gauche de la gauche" peine à s'incarner en la figure de Mélenchon. Pourquoi Jean-Luc Mélenchon ne sera jamais Alexis Tsipras ? Le point sur la question.
Parce qu'Alexis Tsipras est "sobre et posé"
"Sobre et posé". Voilà comment le présente les journalistes de l'émission Vox Pop dans le reportage qui lui est consacré sur Arte. Il est vrai qu'en tuant son père politique, il s'est également détaché de la branche la plus radicale de son parti, accédant ainsi au pouvoir aujourd'hui. Plus calme qu'un habile Jean-Luc Mélenchon, dont les colères médiatiques sont légion. Si l'homme politique français considère les médias comme l'opium du peuple, il n'en oublie pas moins de s'en servir comme "sparring partner" pour tester ses idées. L'animal politique revendique sa "stratégie de la conflictualité". Lorsqu’il est dans l’outrance, il dit faire "du judo" avec les journalistes pour obliger l'opinion à réfléchir. Mais plus qu’un judoka, c’est un catcheur au sens de Roland Barthes dans son ouvrage devenu culte, "Mythologies". Il exagère ses prises, fait des cascades, renverse l'ordre établi. Tout le monde sait que c’est faux, mais la foule acclame le catcheur pour ses prises spectaculaires. Mélenchon a de vraies colères, mais il sait surtout comment transformer la politique en spectacle, là où Alexis Tsipras a su calmer le jeu et transformer une coalition de groupes protestataires et hétéroclites en vrai parti de gouvernement aux yeux de l'opinion publique.
Parce qu'il s'est construit "hors système"
Certes, Alexis Tsipras est né dans une famille bourgeoise avec un père ingénieur et une mère au foyer, mais il rejoint très vite les Jeunesses communistes. Dès l'âge de 16 ans, il intègre un mouvement lycéen revendiquant le droit à l'absentéisme, avant d'embarquer sur un bateau direction l'Italie pour tenter de rejoindre le contre-sommet du G8 à Gênes en 2001. Son passé de militant altermondialiste fait écho à son engagement politique, ce qui renforce sa légitimité aux yeux de l'opinion. « Sa détermination et sa vision politique n’ont pas changé. Il reste attaché aux mêmes valeurs », assure l’Italien Fabio Amato, vieil ami de Tsipras. Jean-Luc Mélenchon, lui s'est totalement construit dans le système qu'il fustige aujourd'hui, endossant dans un premier temps les habits de socialistes. Pourtant, Alexis Tsipras a dû composer avec toutes les tendances, parfois contradictoires, réunies au sein de son parti : sociodémocrates issus du Pasok, écologistes, eurocommunistes, altermondialistes, anticapitalistes... De quoi faire rêver le Front de Gauche et les écologistes français qui peinent à trouver des terrains d'entente. Equilibrisme, j'écris ton nom.
Parce qu'il est jeune et incarne l'espoir
Du charisme et une prestance d'acteur. Ni bible, ni cravate pour prêter serment. Des dons d'orateur qu'il a su peaufiner au fil des années... Alexis Tsipras, tout comme Jean-Luc Mélenchon, sait que pour être bon, il faut travailler ses prestations et les travailler encore. « Il est brillant, ambitieux, gros travailleur. Il n'était pas très bon orateur, il l'est devenu. Et il est de plus en plus efficace avec les médias », révèle le journaliste de télévision Paulos Tsimas. A quarante ans à peine, Alexis Tsipras est le plus jeune Premier ministre élu en Grèce depuis 150 ans. Une carrière "éclair" à la Matteo Renzi et le même style décontracté. II n'a que 31 ans lorsqu'il devient député en 2006 avant de devenir président de Synapismos, deux ans plus tard. Ca n'est pas faire injure à Jean-Luc Mélenchon que de dire qu'avec ses 63 ans au compteur, il n'incarne pas véritablement le renouveau politique. A force de patience, le jeune leader politique grec a su démontrer la crédibilité de son programme, là où il aurait pu passer pour un fou. Mieux, il a réussi à inverser la tendance pour montrer que c'est l'idéologie même de la troïka -FMI, Banque et Commission européennes- qui est totalement dénuée de raison. Pro-européen, il entend enfin faire tonner la voix du peuple à Bruxelles. « Je dois représenter les angoisses et les luttes du peuple grec », affirme-t-il. Lourde responsabilité pour une Grèce exsangue. Pour lui, le plus difficile reste à venir.
Anne-Claire Ruel
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